Michelin se lance dans l’Internet des Pneus
Michelin se lance dans l’Internet des Objets et connecte ses pneus au réseau. C’était le sens de l’Histoire et l’histoire s’est concrétisée en début d’année, d’abord aux Etats-Unis, puis sur le vieux continent ce mois-ci.
Les objectifs de ces nouveaux pneus connectés – commercialisés dans une offre baptisée Michelin Tire Care - sont nommbreux. On peut les regrouper en quatre grandes catégories : meilleure maintenance, meilleur suivi, meilleure traçabilité et un meilleur pilotage d’activité.
Un pneu beaucoup de données
« L’enjeu est de collecter et de restituer de manière fiable, automatique, simple, rapide et pertinente les informations sur les pneumatiques d’une flotte de véhicules. Toutes ces connaissances organisées vont avoir un impact immédiat sur les opérations du transporteur et sur ses résultats », explique Serge LAFON, Directeur Mondial de la Ligne Produit Poids Lourd. « Le pneumatique poids lourd va pouvoir être géré finement pour donner le meilleur de lui-même et non plus seulement être monté ou démonté d’un véhicule ».
Michelin proposera en Europe trois offres dimensionnées en fonction des besoins et de la taille des transporteurs.
TireLog est un carnet d’entretien numérique pour les petites flottes qui généralement sous-traitent les opérations de maintenance. iCheck s’adresse aux flottes de plus de 100 véhicules qui possèdent un atelier de maintenance pour faire des diagnostics prédictifs. Et iManage, qui vise les grands groupes également, combine maintenance et traçabilité de chaque pneu (ceux-ci embarquant désormais une puce RFID comme un tatouage individuel).
15 à 20.000 km de plus avec un pneu connecté
La maintenance prédictive est souvent présentée comme un moyen d’anticiper les pannes et donc d’intervenir plus tôt. Pour Michelin, la problématique est inversée. Le but de ces pneus est d’intervenir plus tard.
« En moyenne, en Europe, les pneus sont retirés des véhicules, comme s’ils étaient en fin de vie, avec encore 4,8 mm de gomme sur la bande de roulement, alors que la hauteur limite réglementaire va, généralement, de 1 à 2 mm de gomme. Or chaque mm de gomme, c’est 15 à 20 000 km pour le transporteur.[…] On constate que 15% du potentiel des pneus sont inexploités », avance l’industriel.
On pourrait penser que les professionnels mesurent avec précisions leurs pneus avant de les changer mais ce n’est visiblement pas le cas.
Autre intérêt, classique dans le prédictif appliqué au milieu industriel, la surveillance de facteurs clefs pour s’assurer du bon fonctionnement du système. Ici, grâce à des capteurs, la pression des pneus est enregistrée, reportée et analysée. Intéressant d’un point de vue économique puisque « un pneu sous gonflé c’est de la consommation supplémentaire ». Mais aussi intéressant dans l'opérationnel au quotidien. « Une panne de poids lourd sur trois est lié à un incident pneumatique et 90% de ces incidents pourraient être évités avec une bonne surveillance de la pression », affirme Michelin.
« Nul doute qu’il y aura un avant et un après »
Bref, dixit Serge Lafon, « il y aura un avant et un après » pneu connecté pour les transporteurs, qui peuvent espérer une réduction de la consommation de carburant, une augmentation de la longévité des pneumatiques et une amélioration de la sécurité des trajets.
Autres champs d'application : les ateliers. Grâce aux informations générés par les pneus et collectées par les techniciens, les temps d’inspection devraient être divisés par trois du fait qu’avec la traçabilité des pneus, « le transporteur connaîtra précisément son parc, ses besoins à venir, l’état de ses stocks. Il pourra anticiper ses commandes et l’immobilisation de ses véhicules ».
Les informations – issues de l’analyse de ces Big Data – sont accessibles aux ateliers soit sur une application mobile (Apple et Android uniquement) soit sur le portail professionnel trucks.michelin.eu.
Lancée aux Etats-Unis début 2015, l’offre a été souscrite par une centaine de flottes qui, en 5 mois, ont réalisés 11.000 inspections. Le programme est aujourd’hui déployé en Europe et sera proposé dans d’autres pays du monde dans les mois à venir.
Pirelli pionnier de l’Internet des pneus au sens large
Il s’agit incontestablement d’un virage important pour Michelin. Cette évolution numérique vers l’Internet des Objets, le Big Data, l’analytique et le prescriptif, transforme en effet le constructeur de pneus en fournisseurs de services pour ses clients (avec à la clef des revenus récurrents). Michelin ne vend donc plus uniquement des pneus, il vend un accompagnement pour les kilomètres.
Pirelli a déjà entamé cette mue. L’italien est même allé plus loin en collaboration avec SAP pour créer une nouvelle ligne de business assez étonnante pour un industrriel : revendeur de données pour les assurances de flottes. Le "pay as you drive" prochaine piste de reflexion stratégique pour l'évolution de Michelin ?