Marketing digital : Salomon, Wilson & co unifient la gestion de leurs actifs numériques
Les marques d’Amer Sports, le groupe européen dédié au sport, ont centralisé cette année leurs contenus multimédias dans un seul DAM. Le projet, dont les bénéfices escomptés sont multiples, a été mené en s’inspirant des méthodes agiles.
Dans la grande famille de la gestion documentaire (GED) et des plateformes de contenus (ECM), le Digital Asset Management (DAM) joue un rôle grandissant. Ces outils stockent, classent et diffusent en effet les images et les vidéos à la manière d’une bibliothèque multimédia centralisée. Or dans un monde où les canaux de communication et de distribution sont de plus en plus numérisés, le besoin de ce type de contenus s’accroît. Et la nécessité de bien les gérer aussi.
C’est ce que traduit bien le projet d’unification qu’a lancé cette année Amer Sports.
Salomon, Wilson, Atomik & co
Ce groupe européen ne vous dira peut-être pas grand-chose au premier abord. Pourtant, il est présent dans 34 pays et pèse 2,7 milliards d’euros. Derrière ce nom se cachent en fait de nombreuses marques de sport renommées. En Europe : Salomon (ski, course à pied, trail), Atomik (sport d’hiver), Suunto (tracker et mesures de l’activité physique) ou PeakPerformance (vêtements de ski, de golf et outdoor). Et en Amérique du Nord : Arcteryx (marque canadienne haut de gamme pour les sports de montagne), Wilson (tennis, baseball) ou Precor (machines de fitness).
Face à la diversité de ces marques, de ses filiales et de ses canaux de distribution (e-commerce, grossistes, spécialistes, B2B, B2C, etc.), le groupe a décidé de rationaliser la gestion de ses images pour mieux contrôler le rendu de ses marques.
À la tête de ce projet, presque pharaonique : Ludovic Legros. Pendant huit ans, il a été le patron de solutions de vente B2B, B2C et CRM et le responsable de la plateforme de développement produits d’Amer Sports. En 2018, le groupe lui confie une nouvelle mission : être le lien entre les marques et l’IT.
Besoin d’images, toujours plus d’images
« Mon rôle c’est que la plateforme IT supporte chacune des marques dans son plan stratégique et de transformation ; et inversement de permettre à l’IT d’aller voir les marques pour leur expliquer les innovations qui peuvent éventuellement les aider », explique-t-il lors d’un symposium organisé par Adobe.
Ludovic LegrosAmer Sports
Historiquement, les marques d’Amer Sports – comme le centenaire Wilson racheté à Adidas – vendaient à des hyperspécialistes (par exemple les distributeurs d’articles de tennis) qui vendaient ensuite les produits aux clients finaux (B2B2C). « Mais, depuis dix ans, nous avons commencé le voyage vers la vente directe (le “direct to consumer”), que ce soit avec des magasins en dur ou dans le e-commerce. Selon les marques, c’est aujourd’hui entre 10 et 40 % du CA qui se font via ce canal. Et même si la distribution spécialisée reste dominante et prépondérante, nos canaux directs ont une croissance à deux chiffres », évalue Ludovic Legros.
En plus de la multiplication des canaux, le secteur du sport a une particularité (que l’on retrouve aussi dans la mode). Plus il y a d’images, plus le trafic généré est important. Et plus il y a de trafic, plus les produits se vendent. « C’est donc très important d’avoir des images de qualité, autour de chacun des produits », en conclut le responsable du projet.
DAM spaghetti (et Adobe)
Le problème est que le groupe avait en interne une sorte de DAM spaghetti, en silo, avec une solution différente pour Salomon, Wilson, Arcteryx, etc.
« Nous avions besoin de donner de plus en plus de contenus numériques (contenus ambiance, sport, etc.). Mais c’était compliqué pour nos filiales – qui pour chaque pays distribuent toutes nos marques. Compliqué aussi pour nos clients (qui vendent eux aussi souvent plusieurs de nos marques). Compliqué parce que pour chaque marque nous avions des outils, des plateformes de distribution du contenu et des expériences utilisateurs différents », se souvient le responsable.
La volonté d’unifier ces expériences de diffusion du contenu numérique voit donc le jour et débouche sur le déploiement d’une plateforme destinée à devenir unique (Adobe Experience Manager, alias AEM).
La motivation de passer à un DAM centralisé ne s’arrête pas à la simplification d’usage pour les partenaires. Amer Sports souhaitait en effet et également mettre fin à la duplication des contenus (« qui est source d’erreurs ») et avoir une approbation centralisée des images pour créer une base de référence. « Nous voulons pouvoir publier et diffuser des images qui sont validées par le marketing (pour la cohérence de marque) et par le légal, et cela, quels que soient le canal et le “point de contact” avec le consommateur ».
Méthode Agile
Sur le papier, le projet pourrait se réduire à centraliser des images dans un CMS ou un espace de stockage partagé. Mais la gestion documentaire n’est jamais aussi simple qu’elle n’y paraît.
Pour mener à bien le déploiement, Amer Sports adopte une méthode que Ludovic Legros qualifie de « très pragmatique, assez classique, et surtout agile ».
« Nous nous y sommes pris de manière agile parce que nous ne savions pas à l’avance de quoi nous allions avoir besoin. Nous avons donc dès le départ tenu compte des retours des marchés et des marques », souligne-t-il. Comme le but est d’unifier l’expérience utilisateur (les marketeurs, les revendeurs, etc.), Amer Sports a créé un template dans son DAM.
« Pour le créer, nous avons commencé sur une seule marque – Atomik – puis nous l’avons étendu à d’autres. À chaque fois que l’on déploie le template sur une nouvelle marque, nous faisons les ajustements nécessaires à ses spécificités », dévoile Ludovic Legros. En revanche, ses équipes ont dû revoir le template de départ. « Nous n’avions pas tout bien pensé [du premier coup]. C’est la beauté des méthodes agiles : on n’est pas bloqué dans un schéma ; on corrige le tir au fur et à mesure, en fonction des remontées d’informations du terrain qui sont précieuses… même quand elles sont négatives ».
Résultat de cette méthode itérative, même si le nouveau DAM implique de nouveaux processus – comme de ne plus travailler avec des clefs USB ou des services de Files Sync-and-Share (à la Dropbox) – l’adoption se fait sans véritable résistance. « Les mots clefs, ici, c’est UI/UX. S’ils sont bons, l’adoption est rapide. [Et] comme l’expérience était bonne, l’adoption a été immédiate », se félicite Ludovic Legros.
ROI, PIM et direct linking
La première retombée tangible du DAM d’Amer Sports est, dixit son responsable lui-même, des gains de productivité du fait que l’outil réduit le travail manuel qu’imposaient les expériences hétérogènes aux différents utilisateurs
Deuxième bénéfice, le groupe a commencé à travailler sur la qualité des « assets » et sur leur tagging. Le but est d’être plus rapide et plus efficace dans « le time-to-market et le time-to-web » (sic) pour des marques qui ont, pour certaines, plus de 25 000 références par saison et deux saisons par an. « Ce sont de très grosses machines », souligne Ludovic Legros qui rappelle au passage l’importance d’être capable de les industrialiser avec les bons outils et un accompagnement du changement pour réussir à passer à l’échelle.
« D’une saison sur l’autre, nous faisons évoluer l’expérience du client final – ce qui signifie que les assets qui viennent porter cette expérience doivent eux aussi évoluer. On peut changer de sport, de canal, de message. Mais on revient toujours aux pratiques : si l’on n’a pas correctement classé les assets dans le repository central, ce sont les campagnes marketing et les lancements commerciaux qui sont grippés », remet-il en perspective.
Enfin, le DAM d’Amer Sports permet de filtrer les contenus client par client en fonction de ce que celui-ci distribue ou du sujet sur lequel il travaille (agences de communication, ou de pub par exemple).
Pour y arriver, sous le capot, Amer Sports a lié son système de prise de commande avec le DAM et avec son PIM pour les informations produits. « Dès que le client passe une commande d’implantation, nous allons lui envoyer uniquement le contenu DAM et PIM liés à sa commande, et de manière automatique. Tout est packagé. Il récupère cela sur le même portail que celui de sa commande », explique Ludovic Legros. « Nous avons unifié l’expérience B2B à travers une intégration très fine. L’intégration du back-office est clef dans cette transformation numérique ».
À terme, Amer Sports souhaiterait publier, pour chaque asset, une seule et unique URL. Une URL « de référence » en quelque sorte, qui soit reprise sur tous les canaux – en direct linking – vers l’image source dans le DAM, que ce soit sur Amazon, par les agences de publicité, la presse, ou sur les sites des distributeurs spécialisés.
Mais cet asset et cette URL uniques qui résoudraient de nombreux problèmes en posent aussi de nouveaux. Comment, en effet, adapter une seule source à la multiplication des appareils, des points de contact, des formats, des rendus, des tailles, et des exigences des clients ? « Nous sommes au début de la phase de prototypage », répond Ludovic Legros qui attend « que ce soit la plateforme qui le fasse, de manière transparente, optimisée et rapide […] C’est tout le pari que nous avons fait avec Adobe ».
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