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Low-code : la nouvelle mode chez LVMH Recherche

Le centre de recherche en parfums et cosmétiques de LVMH a recours au low-code/no-code depuis 2017. Avec ce type de développement, elle veut répondre aux besoins métiers et automatiser des tâches répétitives. Les citizen developers, qui restent assistés par l’IT (ou ChatGPT), sont largement autonomes dans la création de leurs applications.

Centre de recherche chargé du développement de parfums et cosmétiques pour seize maisons de sa division beauté de LVMH, LVMH Recherche représente à lui seul une PME (700 collaborateurs) au sein de la multinationale française du luxe.

L’entité dispose d’un site basé à Orléans qui intervient dans des domaines tels que la biologie de la peau et les formulations – des activités pour lesquelles elle a d’ailleurs recours à l’intelligence artificielle.

De 10 à 520 utilisateurs entre 2017 et 2024

Pour ses opérations métiers, LVMH Recherche exploite aussi depuis 2017 le low-code au travers de la solution Airtable. David Kierbel, responsable Data & Digital de l’entreprise (CDO), compare son utilisation à celle de Lego – des briques composables associées à des bases de données relationnelles.

L’appropriation de Airtable s’est faite progressivement. Les usages ont démarré au sein d’un service sur la base d’une version gratuite de l’outil – limitée à seulement 10 utilisateurs. En 2021, LVMH Recherche comptait une vingtaine de bases relationnelles et 150 utilisateurs.

« Nous sommes capables, en des temps très courts, de monter des applications métiers répondant aux besoins des utilisateurs. »
Olivier MarchandResponsable projet, LVMH Digital

Fin février 2024, ce total était de 110 bases et 520 utilisateurs. Airtable a en outre essaimé dans le groupe puisque l’application compte désormais des utilisateurs chez Parfums Christian Dior. Dans le pôle Recherche, les usages se sont diversifiés au fil du temps, couvrant notamment le suivi d’investissement, les projets d’ingénierie et les activités des laboratoires.

L’équipe Data & Digital de LVMH Recherche a elle aussi recours à la solution no code, même si l’outil comporte des limites, constate David Kierbel lors de la conférence Low Code No Code de l’IMA. Il cite en particulier le nombre d’enregistrements par base (100 000 par table et 500 000 par base).

« Nous travaillons parfois avec des millions d’enregistrements et Airtable ne convient pas dans ces cas de figure », souligne le responsable. Autre restriction à une plus large démocratisation : l’obligation, pour créer des interfaces, de recourir à une application tierce ou de coder sur Airtable.

Des applications métiers développées dans des délais très courts

Ces limitations n’ont cependant pas constitué un obstacle au développement d’usages multiples par les métiers. « Nous sommes capables, en des temps très courts, de monter des applications métiers répondant aux besoins des utilisateurs », commente Olivier Marchand, responsable projet.

Pour concevoir ces applications, le point de départ est souvent un fichier Excel (parmi les fichiers de pilotage du métier), importable « facilement » dans Airtable, qui le convertira alors en base de données. Au-dessus des bases sont montées des interfaces depuis la solution low-code.

La conception fait généralement l’impasse sur la rédaction d’un cahier des charges. « Le métier sait généralement ce qu’il veut », justifie Olivier Marchand. Les attentes sont en revanche affinées au cours d’ateliers avec l’équipe Digital.

Une fois les données importées dans Airtable, l’utilisateur a la possibilité de les nettoyer, « exactement comme dans un fichier Excel. » Les workshops sont aussi l’occasion de définir les interfaces (formulaires, galeries, listes, tableurs, dashboards, etc.), permettant ainsi la manipulation des données et leur enrichissement.  

La réalisation d’un MVP (minimum viable product) s’effectue en l’espace d’une heure ou deux, se réjouit LVMH Recherche.

Les opérations des laboratoires traitées dans les apps low-code

Le low-code n’est cependant pas cantonné aux profils techniques. Emma Baudenon, chargée de projet pour le laboratoire Compatibilité et issue du monde de la chimie, est elle aussi utilisatrice de l’outil, intégré à la gestion des tests du labo.

« Nous travaillons avec les équipes packaging des marques, qui nous font des demandes de tests. Nous avons pour cela créé un formulaire auquel elles ont accès et qui leur permet de saisir diverses informations utiles dans le cadre de nos études », confie la chimiste.

« Par moi-même, je peux aussi facilement éditer mes vues, par exemple pour modifier la fiche projet. »
Emma BaudenonChargée de Projet Compatibilité, LVMH Recherche

L’application est interfacée avec SAP, permettant de renseigner des codes SAP de packaging existants et ainsi « d’assurer la traçabilité dans les études » et d’accéder à des données (notamment les matériaux utilisés dans les produits).

La solution low-code développée pour le laboratoire embarque de la logique métier et gère les processus de test de bout en bout – à commencer par un alerting par mail lors de l’enregistrement d’une demande via le formulaire. Un numéro d’étude est généré automatiquement et une entrée dans la base de données créée (comprenant les éléments complétés).

L’application métier a été récemment enrichie pour intégrer un planning de lecture, utilisé par les collaborateurs du laboratoire pour renseigner des données supplémentaires, dont la date de début de test, des échéances de lecture ou afin de modifier le statut de l’étude.

Une vue planning a également été ajoutée. Elle donne une vision de la charge de travail sur une période donnée et contribue à l’organisation des tâches. « Je m’appuie sur l’équipe de David Kierbel et Olivier Marchand pour procéder à des évolutions. Mais par moi-même, je peux aussi facilement éditer mes vues, par exemple pour modifier la fiche projet », détaille Emma Baudenon.

Synchronisation de bases de données pour les interactions métiers

La création d’une nouvelle page dans une application est libre, afin notamment d’y intégrer des interfaces multiples pour cumuler KPI, tableaux de bord, tableurs, formulaires, etc. Un Citizen Dev peut ainsi compiler les différents services proposés dans une seule vue.

« La possibilité de synchroniser plusieurs bases est une autre fonction importante pour nous. Nous sommes en effet amenés à interagir avec d’autres laboratoires. Mon activité m’amène à faire des demandes de dosage au laboratoire de chimie analytique », poursuit l’experte des tests.

Ses demandes à la chimie analytique s’effectuent directement depuis son outil dédié aux tests. Elles sont enregistrées dans la base de données du second laboratoire. Un récapitulatif des demandes envoyées est aussi disponible grâce à la synchronisation des bases.

« C’est un gain de temps monumental par rapport aux processus antérieurs » qui passait par plusieurs fichiers Excel, des envois de mails et la saisie d’informations dans des documents texte.

« Par itérations successives, nous parvenons sur un mois, voire deux semaines, à mettre en place des applications très complètes », commente le Chief Digital Officer. Le projet est échelonné dans le temps pour permettre l’adoption et les retours d’utilisateurs. « En temps de travail effectif, l’application conçue pour les besoins du laboratoire Compatibilité a nécessité deux jours. »

De scripts qui peuvent être confiés à ChatGPT

Airtable est utilisé principalement pour automatiser les tâches répétitives. Olivier Marchand souligne aussi l’apport des services intégrés à la solution pour assurer la traçabilité des accès aux bases, la gestion des droits et celle des dépendances – et donc pour analyser les impacts en cas de modifications de champs.

« Les utilisateurs sont obligés de s’appuyer sur les référentiels [de données]. »
David KierbelChief Digital Officer, LVMH Recherche

Pour garantir la consistance des données, les applications Airtable vont puiser dans des jeux de données de référence. Pour cela, la solution low code a été interfacée avec les bases de LVMH Recherche.

« Cela permet de maîtriser les données dans Airtable. Les utilisateurs sont obligés de s’appuyer sur les référentiels, contrairement à des fichiers Excel pour lesquels rien n’est maîtrisé », met en avant David Kierbel.

L’utilisation avancée de Airtable peut nécessiter de coder des scripts. Les non-développeurs, dont fait partie le CDO, peuvent toutefois confier cette tâche à… ChatGPT. « Il faut lui donner les bonnes informations, mais cela fonctionne très bien pour scripter et faire des automatisations que l’outil ne parvient pas à faire lui-même. Les besoins de scripts sont toutefois rares. »

Airtable est exploitable en grande partie par les citizen developers de l’entreprise. Pour les demandes les plus complexes, les salariés peuvent faire appel aux compétences du service IT.

De son côté, Parfums Christian Dior – aussi utilisateur d’Airtable – a revu ses méthodes de développement sur le low-code. « Au départ, ils ont commencé en mode standard : test, recette et production. Mais compte tenu de la rapidité et de la facilité de conception, il est plus simple de tout faire en prod directement », partage le CDO. « Il faut cependant être prudent. Mais la vue de l’ensemble des dépendances permet de bien anticiper les impacts ».

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