Les leçons d’Orange pour faire appel à l’IA générative

Identifier les cas d’usages pertinents de l’IA générative

Orange a identifié différents cas d’usage « priorisés », revêtant « un potentiel extrêmement important par rapport à nos activités et à ce que nous souhaitons réaliser », déclare son porte-parole. Le marketing et la relation client figurent ainsi parmi ces priorités.

« Le choix de la technologie n’intervient pas en premier. C’est d’abord le besoin qui pilote le choix. »

Le « codage » présente aussi un intérêt pour la multinationale française. Le recours aux outils d’IA générative doit ainsi participer à l’accélération des développements logiciels.

Enfin, l’opérateur a identifié un quatrième domaine : le requêtage en langage naturel susceptible de faciliter l’accessibilité et l’exploitation des données.

Un actif dont Orange est particulièrement riche, avec pas moins de 14 Po de données stockées.

Garder (encore) l’humain aux commandes

L’IA pourrait ainsi se substituer – ou tout du moins compléter – à des plans de formations au SQL prévus dans certaines entreprises à destination d’utilisateurs métiers. Dans « les prochains mois », Orange espère même permettre à des collaborateurs métiers, sans expertise en SQL, d’interroger des bases de données.

Quels que soient les usages et les modèles d’IA générative, une règle a été édictée chez Orange : tous les retours générés doivent être contrôlés par un être humain avant utilisation. « Il est exclu, en tout cas pour l’instant, de mettre en place une boucle totalement automatique. Un humain intervient dans le processus », insiste Fayçal Boujemaa.

OpenAI, Microsoft, Bard et open source : ne pas dépendre d’un fournisseur

Pour répondre à ses besoins, Orange prévoit de recourir à plusieurs outils, tout en se focalisant aujourd’hui sur les principaux du marché que sont ChatGPT et GPT-4, avec « une priorité à GPT-4. Nous nous sommes battus avec Microsoft pour disposer le plus rapidement possible de GPT-4 sur leurs datacenters en Europe » pour des raisons de conformité réglementaire.

Outre OpenAI et Microsoft, Orange exploite aussi, en beta test, la solution Bard de Google, un « acteur important ». Et « même s’ils semblent en retard, ce n’est pas nécessairement le cas », constate le Technology Strategist, qui souligne l’importance de ne pas s’enfermer dans un univers propriétaire et qui regarde donc également du côté des technologies open source (comme celle de Meta). Pour Fayçal Boujemaa, « des bouleversements majeurs du paysage » concurrentiel ne sont en tout cas pas à exclure.

Expérimenter l’IA générative dans un bac à sable

« Tout ce que fait Orange ne doit pas alimenter l’apprentissage du modèle général. »

Pour expérimenter autour de ces différentes technologies, Orange s’est doté d’un environnement dédié, un « bac à sable » tenant compte d’exigences en termes de sécurité et de confidentialité. L’entreprise a imposé des conditions à ses fournisseurs. « Tout ce que fait Orange ne doit pas alimenter l’apprentissage du modèle général », qu’il s’agisse de ChatGPT ou d’une autre solution.

Ce bac à sable permet en outre d’affiner l’alignement entre besoins et outils. « Le choix de la technologie n’intervient pas en premier. C’est d’abord le besoin qui pilote le choix définitif après la phase exploratoire », confie Fayçal Boujemaa, qui précise que la R&D a anticipé l’émergence du thème de l’IA générative avec des actions avant le « phénomène ChatGPT » de novembre 2022.

Former et acculturer tous les collaborateurs

La montée en puissance de ChatGPT a néanmoins conduit à une structuration de la démarche au sein d’Orange. À la demande du management, un mémoire d’expertise a été rédigé et une note de bonnes pratiques a listé « les précautions à prendre dans l’expérimentation des usages […] notamment les usages cachés. »

« Cette rupture ne concerne pas uniquement les data scientists, mais absolument tout le monde dans l’entreprise. »

Fayçal Boujemaa explique par exemple que l’intégration de ChatGPT dans différents outils Microsoft laisse craindre des fuites de données confidentielles, sans que les utilisateurs de ces applications en soient toujours conscients. Le guide de bonnes pratiques a été doublé de nombreuses sessions de formation et d’acculturation.

Les formations sont encore en cours. Sur l’acculturation, lancée dès février, Orange a fait le choix de cibler l’ensemble de ses effectifs (marketeurs, RH, finance, juristes, etc.). « Nous considérons que cette rupture ne concerne pas uniquement les data scientists, mais absolument tout le monde dans l’entreprise. »

Un centre de compétences centralisé pour démarrer

Afin d’aider les projets en cours et exploratoires, l’opérateur a en outre mis en place un centre d’expertise groupe. Cette approche centralisée est susceptible d’évoluer avec la montée en compétence et en maturité, estime Fayçal Boujemaa. « Pour le démarrage, un centre d’expertise de cette nature est très important », juge-t-il. Dans un second temps, l’expertise en IA générative pourrait se développer dans toutes les entités.

D’autres travaux et d’autres réflexions animent Orange. Pour l’entreprise, il s’agit notamment d’anticiper les nouvelles transformations qui découleront de la « troisième étape de la transformation numérique » – la numérisation et l’IA constituant les deux premières phases. Orange révise par ailleurs, à l’échelle mondiale, ses travaux de recherche et ses priorités dans ce domaine.

« Partout dans le monde, les centres de recherche sont en train de se reformater. Beaucoup de travaux autour du langage naturel sont abandonnés – ou sont destinés à l’être – [car] ils ont perdu du sens du fait des IA génératives », entrevoit le cadre d’Orange.

Revoir la gestion des risques en y intégrant l’IA générative

Pour se préparer à cette troisième ère, le groupe aligne sa gouvernance des données pour tenir compte de ces nouvelles perspectives induites par l’IA générative. Il revoit aussi sa gestion des risques en ajoutant un chapitre supplémentaire à son référentiel, pour pouvoir faire sereinement appel à cette technologie.