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Les grands projets IA de Manpower
Le groupe Manpower a recours à l’intelligence artificielle depuis plusieurs années. Mais depuis deux ans l’IA générative lui permet de concrétiser des cas d’usage auparavant inaccessibles.
Selon le baromètre RH OpinionWay pour Kelio, les professionnels des ressources humaines expriment des réticences vis à vis de l’intelligence artificielle. Ils reconnaissent toutefois le « potentiel de l’IA dans le traitement de leurs tâches administratives ou chronophages ». Pour d’autres activités, dont les entretiens, la sélection finale des candidats ou les négociations, ils jugent en revanche le contact humain « incontournable ». Acteur historique de la gestion des talents et utilisateur avancé de l’IA, Manpower ne remet pas en cause ces conclusions.
La pré-génération d’annonces expérimentée et à présent accompagnée
« L’IA dans son ensemble, et pas seulement l’IA générative, est l’opportunité de renforcer l’humain au cœur de nos processus », assure Dalila Ait-Oussekri, Global Analytics Director & France Innovation leader pour ManpowerGroup France.
L’utilisation de ces technologies vise, poursuit-elle, à « alléger les tâches administratives » et à « traiter les tâches en volume ». L’experte le concède, les collaborateurs expriment des craintes, antérieures à la GenAI, « qu’il faut prendre en considération. »
L’entreprise s’efforce d’y répondre, tout en menant des expérimentations. Courant 2023, Manpower a lancé un pilote en IA générative sur le marché belge. Il portait sur la pré-génération d’annonces d’emploi via une fonctionnalité directement intégrée à son ATS (Applicant Tracking System).
Les recruteurs pouvaient librement recourir à cette fonction (avec obligation de relecture). Au terme de plusieurs mois d’expérimentation, 20 % des annonces publiées avaient été pré-générées via l’outil de GenAI.
Les annonces assistées par la machine ont enregistré une hausse de 15 % des candidatures. Pour Dalila Ait-Oussekri, les enseignements du projet sont doubles : une crainte des recruteurs et un gain d’attractivité permis par l’IA.
« Cela signifie simplement qu’il est indispensable d’accompagner. Mettre à disposition des technologies ne suffit pas. L’accompagnement et la conduite du changement sont fondamentaux pour aligner l’IA sur notre vision d’un humain au centre des processus. »
L’accent mis sur l’IA générative pour débloquer des cas d’usage
Accompagner l’adoption est in fine incontournable pour industrialiser, c’est-à-dire bénéficier, sur un plus grand volume d’offres d’emploi, du bonus de candidatures observé sur l’échantillon de test.
« L’IA générative nous a permis d’améliorer l’attractivité de nos annonces et de toucher potentiellement d’autres profils parmi lesquels sélectionner ceux à proposer à nos clients », commente la responsable innovation.
À la suite de cette expérimentation, Manpower a lancé un programme d’accompagnement au changement auprès des recruteurs pour ce cas d’usage spécifique. Le groupe n’en est pas à son premier projet dans le domaine de l’IA.
Certaines fonctions, basées sur du machine learning notamment, sont en production depuis plusieurs années. Les usages se concentrent au niveau de la gestion des commandes clients, par exemple pour le matching entre demande et profils de candidats en base.
Depuis les deux dernières années, Manpower met toutefois l’accent sur l’IA générative. « Les cas d’usage sont pléthoriques », déclare Dalila Ait-Oussekri. Leur identification n’est toutefois pas récente et bien antérieure à l’émergence des modèles de Transformers.
« Nous les avions identifiés depuis des années. Aujourd’hui, c’est la technologie qui nous permet de les mettre en œuvre. » Parmi ces applications, l’aide à l’amélioration des compétences des candidats en entretien.
dAIsy, un assistant pour la simulation d’entretiens
Le nom de ce service qui simule des entretiens réalistes : dAIsy. L’IA générative fournit, à l’issue des simulations des recommandations et des axes d’amélioration aux candidats. La solution a été testée à ce jour sur le marché belge.
Manpower travaille à identifier le pays d’Europe où le déployer, sans toutefois intégrer l’avatar 3D embarqué dans la version actuelle. Une interface Web s’y substituera pour rendre l’outil plus accessible aux candidats.
L’Innovation leader de l’entreprise témoigne de retours positifs des utilisateurs de dAIsy. Elle l’explique par la finalité de la solution : aider les candidats à réussir l’étape clé de l’entretien via des entraînements programmés et une analyse des résultats.
D’autres services sont testés par Manpower auprès de ses trois populations d’utilisateurs que sont les collaborateurs, les clients et les candidats. L’enjeu consiste « à choisir la bonne solution. Il y a pléthore de startups, encore plus dans le domaine RH. Il est très propice à l’utilisation de l’IA générative », assure Dalila Ait-Oussekri.
L’entreprise a recours à la fois à du « make » et à du « buy » selon la nature du cas d’usage - différenciant ou non. « Le développement interne relève d’une décision stratégique » et sera donc réservé aux applications cœur de business et non disponibles sur étagère.
Witty.works et Hubert, deux startups en test
Parmi ses partenaires, Manpower compte des startups, dont witty.works, Kirae et Hubert, mais aussi des acteurs mondiaux de la tech comme Microsoft et Snowflake (« qui nous apporte énormément de fonctionnalités », ajoute l’experte au sujet de l’éditeur cofondé par des Français).
Les dernières annonces de Snowflake dans le domaine de l’IA sont d’ailleurs examinées de très près. « Nous allons les tester très rapidement. » Avec Microsoft, le groupe a déployé une centaine de licences Copilot pour la bureautique (sur la base du volontariat).
Des actions dédiées d’accompagnement à l’adoption de l’assistant sont en cours. « Copilot a suscité un grand questionnement » des utilisateurs quant à ses usages. Les formations, basées sur des démonstrations, ont permis de le traiter « en aidant les collaborateurs à se projeter sur son utilisation ».
Côté startup, deux font l’objet d’une attention particulière. Elles ont été sélectionnées (parmi 250) à l’occasion du challenge innovation lors de VivaTech : witty.works (diversité et inclusion) et Hubert.ai. La première est en cours d’évaluation. La seconde est en déploiement au Royaume-Uni après un lancement en Suède.
witty.works édite un « plugin linguistique, basé sur une IA augmentée, qui détecte les préjugés dans la communication et fournit un contenu de micro-apprentissage sur ces préjugés. » La startup Hubert.ai intervient quant à elle en amont du processus de recrutement lors du pre-screening.
Les candidats volontaires sont soumis à une pré-qualification. La technologie à base d’IA générative permet une évaluation en temps réel sur différents canaux (entretiens vocaux, WhatsApp, etc.). « L’assistant traite de gros volumes de pré-qualifications, score les candidats, renvoie au sein de notre ATS la liste et un résumé de l’ensemble des entretiens. » Charge ensuite au recruteur de finaliser la sélection.
Manpower estime à 90 % la réduction de la charge de travail associée à la sélection – tout en se traduisant par une augmentation de la satisfaction des candidats.
« Plus que de chercher à nous appuyer totalement sur l’IA, nous restons convaincus que nos recruteurs sont nos experts et doivent rester au cœur de nos processus. C’est la raison pour laquelle nous investissons sur leur accompagnement et les formations en interne », conclut Dalila Ait-Oussekri.
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