Les Mousquetaires bâtissent une plateforme d’intégration hybride (2/2)
Pour administrer ses flux d’intégration, la Stime, DSI du Groupement les Mousquetaires a fait le choix de déployer une plateforme d’intégration hybride. Plateforme d’API, iPaaS, systèmes Pub/Sub et système d’échange de fichiers sont tous utilisés pour assurer la cohérence des échanges applicatifs.
Cet article est la seconde partie d’une plongée dans la plateforme d’intégration des Mousquetaires. La première partie est à lire ici.
Le Groupement Les Mousquetaires, acteur européen de la grande distribution spécialisé dans l’alimentaire, l’équipement de la maison et la mobilité, poursuit sa transformation numérique afin de répondre aux défis de son marché en pleine évolution.
Cette transformation se traduit par la réalisation de grands projets et programmes de refonte des processus métier en s’appuyant sur des solutions du marché. Ce sont l’ensemble des domaines de l’entreprise (Alimentaire et Équipement de la Maison) qui sont impactés : la gestion commerciale, la relation client, le digital, la data ou encore la logistique.
Les applications qui forment la chaîne de réapprovisionnement des points de vente sont « assez imbriquées et présentent chacune leur propre complexité. Ce n’est pas évident de refondre une brique sans impacter les autres. C’est pour cette raison que nous transformons des processus métier complets dans une approche bout en bout », déclare Yannick Brahy, directeur de l’Architecture et de l’Urbanisme de la Stime.
Yannick BrahyDirecteur Architecture et Urbanisme, Stime
« Pour réussir cette transformation, il est nécessaire de faire évoluer nos fondations, nos standards et nos principes directeurs. Par exemple, nous devons maîtriser l’action individuelle de chaque enseigne et les choix locaux, au risque de multiplier les composants techniques, les logiciels ou encore les compétences à entretenir. Il faut donc encourager la mutualisation là où cela est pertinent », explique Yannick Brahy. « Par illustration, nous faisons des choix communs pour la gestion de la relation client, avec notre plateforme Salesforce. C’est important d’avoir une “vision Mousquetaires” du client. À l’inverse, des sujets comme le réapprovisionnement lié aux fruits et légumes ou à la marée peuvent être très spécifiques à une enseigne alimentaire ».
Un autre volet des fondations concerne notre capacité d’intégration pour supporter ces programmes et répondre aux nouveaux usages de demain.
Une approche hybride entre solutions existantes et nouvelles solutions
Au vu de l’importance de l’intégration applicative, le directeur Architecture a lancé ce programme rapidement après sa prise de poste, dès la fin de l’année 2018. « Nous avons lancé, dans le cadre de la transformation, un projet de plateforme globale d’intégration appelée HIP pour Hybrid Integration Plateform. Pour ce type de projet, il fallait vraiment être en avance de phase par rapport aux besoins des métiers. Car, de toute manière, ils n’avaient pas le temps d’attendre que l’on se dote d’une plateforme d’intégration. Si nous avions démarré six mois plus tard, nous aurions été en retard ».
La raison pour laquelle la Stime a opté pour une plateforme d’intégration hybride plutôt qu’une solution unique est simple. « Avec les membres de mon équipe, nous avons identifié le besoin d’un certain nombre de produits et de socles », évoque le directeur de l’Architecture et de l’Urbanisme de la Stime.
Une plateforme API était nécessaire. « Nous en avions déjà une, nous avons donc capitalisé sur notre plateforme Axway. Nous avions besoin d’un iPaaS pour l’orchestration, la transformation, l’interopérabilité, etc. Un de nos grands programmes pour l’Équipement de la Maison concerne SAP ; nous devions assurer l’interconnexion entre SAP et les systèmes legacy. Nous avons retenu Boomi ».
Les solutions iPaaS se multiplient sur le marché. Yannick Brahy explique le processus de sélection. « Nous avons édité un cahier des charges associé à un calendrier de soutenances. Nous avons organisé des hackathons pour lesquels nous avons fait venir les éditeurs majeurs du secteur. Ils devaient répondre à un cas d’usage et le mettre en œuvre le plus rapidement et le plus efficacement possible. Ces critères de simplicité, de vitesse et d’efficacité de mise en œuvre étaient importants dans le choix de la solution ». Les autres critères de choix étaient notamment l’interopérabilité, la qualité de service, la sécurité et le volet financier incluant un modèle économique pertinent pour le déploiement de l’IPaaS sur l’ensemble des points de vente.
Concernant le choix de l’iPaaS, la Stime a étudié les modèles économiques dans le but de sélectionner le produit le plus compatible avec l’organisation en points de vente du groupement. « Dans l’ensemble, c’est Boomi qui s’en est le mieux sorti, notamment dans sa manière de gérer les agents d’exécution. Cela nous a vraiment mis en confiance », indique Yannick Brahy.
Le choix de Boomi a été acté en juillet 2019.
La Stime souhaitait aussi un gestionnaire de messages, plus particulièrement d’un système Pub/Sub. « Nous partons d’un historique Batch, mais nous allons de plus en plus vers l’événementiel et le temps réel. Pour cela, nous avons complété notre plateforme d’intégration avec une solution de gestion de message et nous avons choisi le produit de Solace ».
Il fallait compléter la HIP par une dernière brique. « Il manquait une plateforme d’échange de fichiers centralisée et industrielle, nous avons retenu la plateforme MFT Go Anywhere. Nous avons par ailleurs un existant Apache Kafka permettant de réaliser les échanges de messages entre les points de vente et le système central ».
Pour lancer la mise en œuvre, la Stime a monté une petite équipe en interne et s’est surtout appuyée sur l’éditeur. « Nous avons fait le choix de déployer les premiers flux en production sans attendre d’avoir réalisé 100 % de l’industrialisation. Il fallait se confronter à la réalité de ce type de plateforme d’intégration qui n’était pas ancrée dans la culture du Groupement. Cela a permis de monter progressivement en puissance, en matière de compétence, de supervision et de déploiement ; en commençant par de premières intégrations non-critiques et être prêt au moment de mettre en œuvre les flux critiques. Ce fut le bon choix parce que nous avons été vites et nous n’avons pas rencontré de difficultés majeures ».
Yannick BrahyDirecteur de l’Architecture et de l’Urbanisme, Stime.
« Pendant la finalisation du choix de l’iPaaS, nous avons continué à mener des cadrages de projets. Nous avions commencé à définir les patterns des flux, les assemblages et les différentes briques techniques de notre HIP. Désormais, la règle était de passer par la plateforme d’intégration hybride pour tous les nouveaux projets. ».
Par exemple, l’un des premiers cas d’usage portait sur la traçabilité des flux logistiques. Les messages sont envoyés vers l’iPaaS pour qu’ils soient traités dans un data hub.
Une intégration accélérée
Aujourd’hui, l’iPaaS gère à lui seul près de 400 flux d’intégration en production, représentant une vingtaine de patterns et de leurs variantes. « Nous avons près de 200 flux en cours de conception ou de réalisation », indique le directeur. « Nous avons accéléré nos capacités d’intégration ».
Autre exemple, quand un nouveau client est ajouté au référentiel associé, un message est envoyé par Solace. Boomi traite ce message et envoie la requête au data hub afin d’obtenir la vision à 360 degrés du client.
Pour la chaîne de réapprovisionnement des points de vente des équipements de la maison, la Stime a retenu les solutions SAP.
« SAP propose IDOC, son format propriétaire d’échanges de données. Toute l’interconnexion entre le legacy et SAP, ainsi que les transformations des documents au format IDOC se font via l’IpaaS. Quand nous avons besoin de ruptures protocolaires, par exemple appeler une API depuis un message, une transformation de données, de l’orchestration ou d’agrégation, nous passons par l’iPaaS ».
De leur côté, Intermarché et Netto utilisent la plateforme de gestion de la supply chain spécialisée de Symphony GOLD. « Là encore, l’iPaaS est au cœur de l’interopérabilité et des échanges avec cette plateforme », affirme Yannick Brahy.
« Quand il s’agit d’un traitement événementiel, nous utilisons Solace. Si l’orchestration d’un message nécessite un basculement vers une API ou une transformation, nous faisons intervenir l’iPaaS Boomi. Lors des appels API, nous utilisons l’API Gateway d’Axway, y compris pour des appels internes », résume le directeur.
La plateforme Boomi dispose d’un fonctionnement particulier. L’interface de configuration est hébergée dans le cloud, « l’exécution des traitements d’intégrations est réalisée localement dans nos data centers par des clusters d’agentes appelés “molécules”. Ces molécules récupèrent automatiquement les mises à jour des traitements à réaliser. Par ailleurs, des atomes sont déployés dans les points de vente à des fins d’orchestration locale », précise Yannick Brahy. « Suivant les typologies d’échange et des besoins de scalabilité, nous avons spécialisé certaines molécules », ajoute-t-il.
« Ce qui est intéressant, c’est qu’à partir du moment où le travail de définition des interfaces est correctement fait, nous pouvons les réutiliser, sachant que le but n’est pas de les multiplier inutilement », note le directeur. « Par ailleurs, nous documentons tous nos flux d’intégration. Pour chaque flux, nous précisons les composants techniques de la HIP utilisés ».
Désormais, la plateforme HIP est administrée au quotidien par les directions des Études et des Opérations. La direction de l’Architecture définit les patterns qui sont ensuite implémentés et exploités par ces deux autres entités.
Selon le directeur Architecture et Urbanisme, les bénéfices de cette plateforme d’intégration hybride se font ressentir au-delà de la DSI. « Il a fallu un peu de temps pour bien évangéliser sur le rôle et la valeur de la HIP et rassurer sur la capacité à délivrer la qualité de service attendue. Désormais, c’est entré dans nos pratiques standards et dans notre culture de l’intégration. En outre, il y a une reconnaissance des métiers et des partenaires externes concernant l’amélioration du time-to-market grâce à la HIP ».
Techniquement, cela simplifie la mise en œuvre des intégrations et leur sécurité.
« Nous n’avons plus à réinstruire les choix de solutions avant d’effectuer une intégration. Nous savons qu’un cas d’usage spécifique correspond à un pattern que nous avons la plupart du temps déjà défini ». Par ailleurs, le cycle de développement est beaucoup plus court, selon Yannick Brahy.
Un délicat équilibre à trouver
Pour autant, cela ne veut pas dire que la HIP doit desservir toutes les fonctions.
« Maintenant, il faut faire attention à la rançon du succès », prévient Yannick Brahy. « Comme cette plateforme hybride est puissante, elle permet de faire beaucoup de choses. En ce sens, j’ai imposé quelques règles. La première, c’est qu’il ne faut pas intégrer de règles métiers dans la HIP. Tel que nous sommes organisés, chaque application dépend d’un responsable applicatif. Il est garant des flux qui partent de son application. Cette compétence lui appartient. S’il y a besoin de règles métiers, elles seront placées au niveau de l’application qui émet ou de celle qui reçoit, mais pas au milieu », tranche-t-il.
La stratégie multicloud du Groupement les Mousquetaires
« Nous avons une stratégie cloud hybride. Nous avons des data centers en propre sur lesquels nous faisons du cloud privé, avec une offre de services VM et conteneurs. Quand cela est pertinent, nous déployons des applications SaaS, par exemple Salesforce pour la gestion de la relation client. Enfin, nous utilisons Microsoft Azure pour nos projets Data et Google Cloud pour la partie digital, par exemple pour héberger le Drive Intermarché ».
La HIP administre les échanges interapplicatifs au sens strict du terme. « Face à la croissance des usages, il faut une maîtrise permanente de cette brique-là », conseille le directeur. « Cela permet d’avoir un gardien du temple de l’intégration ».
Pour autant, les composants d’intégration peuvent être déployés localement en dehors de la HIP pour desservir des cas d’usage spécifiques. Par exemple, une instance locale de Solace peut être employée pour administrer les messages d’une application développée en microservices.
Yannick BrahyDirecteur de l’Architecture et de l’Urbanisme, Stime.
La Stime doit encore mettre en place la supervision de bout en bout des flux. L’organisation utilise Dynatrace pour superviser les différents composants et flux, et souhaite développer une vision fonctionnelle bout en bout des échanges afin de garantir, entre autres, que les messages envoyés sont bien arrivés.
Cette réflexion donnera lieu à un chantier en 2022, selon notre interlocuteur.