Le port du Havre s’équipe d’un réseau mobile privé

Dans le but d’améliorer la sécurité et le pilotage de sa plateforme, le port du Havre a déployé un réseau privé 4G/5G qui remplace une multitude de réseaux radio vieillissants et lui apporte des applications de monitoring inédites.

La Générale de manutention portuaire (GMP), premier manutentionnaire portuaire de conteneurs en France, installe un nouveau réseau mobile 4G évolutif afin d’optimiser les déchargements, améliorer les communications et renforcer la sécurité. « L’enjeu est double : la satisfaction client et le minimum de risques pour les personnels », lance Patrick Labbé, DSI du GMP.

Des risques ? « En août 2023 survient un accident, heureusement sans gravité autre que matérielle, entre un véhicule et un cavalier. Cet accident s’explique par le fait que les conducteurs des cavaliers déplacent les containers depuis une hauteur de 15 mètres et que les véhicules légers se déplacent dans des travées de 8 mètres. Certes, ces véhicules sont équipés d’une perche et d’un gyrophare, mais cela n’a pas suffi pour éviter la collision », raconte Patrick Labbé.

« Pour cette raison, la GMP a décidé d’installer dans les véhicules légers des écrans qui visualisent en temps réel le déplacement des cavaliers. Les réseaux habituels ne pouvant répondre à cette problématique dans un environnement contraint, il a été décidé de déployer un réseau 4G/5G privatif, sans perte de connectivité, en complément du réseau Wifi-Mesh qui fonctionne parfaitement en hauteur, mais pas au sol. »

« Le réseau 4G privé ne devait pas servir qu’à transmettre des données. Nous pouvions aussi y installer nos communications vocales, en remplacement de nos systèmes radio. »
Patrick LabbéDSI du GMP

Le port du Havre manipule chaque année entre 1,6 et 1,7 million de containers dits EVP (équivalent vingt pieds). Tout ceci nécessite une structure informatique et logistique d’une grande précision. Sur ces sites travaillent 24h/24, 7J/7, 1 200 personnes, dont 1 000 dockers. Lorsque la GMP se lance dans son projet de réseau 4G/5G privé, elle ne part pas de zéro. Elle utilisait déjà un réseau LoRa pour la localisation du matériel spécifique de manutention, un réseau Sigfox pour la localisation des 220 remorques-camions sur la zone portuaire, un réseau 4G public pour la gestion des véhicules sur les parcs et un enfin un réseau Wifi-mesh pour la communication des cavaliers.

Outre les écrans embarqués dans les véhicules, la GMP envisage aussi de se servir d’un réseau 4G/5G privé pour déployer des casques connectés. Ils serviraient à effectuer des opérations de maintenance avec une aide à distance.

« Ce sont des technologies qui sont désormais bien maîtrisées. Il suffit maintenant de gagner en éléments de confort, avec des détails ergonomiques. Et puis, le réseau 4G privé ne devait pas servir qu’à transmettre des données. Nous pouvions aussi y installer nos communications vocales, en remplacement de nos systèmes radio. D’autant que la téléphonie mobile ajoute des capacités d’appels vidéo », dit Patrick Labbé, en suggérant qu’il serait utile aux équipes de pouvoir montrer des situations à leurs interlocuteurs.

Hub One, un partenaire particulièrement aguerri des réseaux mobiles

Le partenaire technologique choisi pour ce projet est l’entreprise Hub One, qui se présente comme opérateur et intégrateur. Initialement opérateur interne des aéroports parisiens, Hub One a acquis un tel savoir-faire dans le déploiement de réseaux mobiles qu’il en construit désormais pour d’autres.

« Hub One exploite le plus grand réseau privé en France avec plus de 15 000 cartes SIM en service. Parmi les expériences récentes de l’entreprise figure la couverture des Jeux olympiques de Paris avec 15 000 utilisateurs provisionnés, jusqu’à 8 000 personnes connectées les jours de départs des athlètes, 15 To de données échangées sur 1 mois et 100 % de disponibilité durant les 2 périodes (olympiques et paralympiques) », se félicite François Munerot, le directeur adjoint de l’activité réseau mobile privé chez Hub One.

La 5G privée est un réseau mobile qui bénéficie des atouts de la 5G grand public, mais qui dispose de certaines particularités. Elle s’appuie sur une licence télécom délivrée par l’ARCEP. Le réseau appartient à une organisation, il est déployé localement sur une surface prédéterminée. Par ailleurs, ses performances répondent à des enjeux professionnels en matière de SLA et de QoS.

Le réseau 5G est un réseau d’usages. Cela signifie qu’il s’autoadapte en fonction des besoins des différents utilisateurs. Les trois principaux domaines sont le haut/très haut débit, la fiabilité renforcée de la communication (véhicules automatiques, usages temps réel…) et enfin l’Internet des Objets en permettant de connecter un beaucoup plus grand nombre de terminaux que sur les réseaux de génération précédente.

« C’est très différent d’autres technologies où ce sont les terminaux qui cherchent à s’accrocher, avec des risques de coupures. »
François MunerotDirecteur adjoint de l’activité réseau mobile privé, Hub One

L’une des caractéristiques fondamentales de ces réseaux mobiles est que l’architecture court après les terminaux mobiles afin qu’ils restent connectés en permanence avec un service garanti. « C’est très différent d’autres technologies où ce sont les terminaux qui cherchent à s’accrocher, avec des risques de coupures. Nous avons pu le constater sur des aéroports où le passage du Wifi vers la 4G/5G change radicalement la donne », argumente François Munerot.

Pour la GMP, la 5G est une technologie de convergence. Le réseau est en cours de déploiement pour les fonctions relatives aux véhicules, et à l’état de pilote pour remplacer les réseaux LoRa et Sigfox sur l’IoT.

« Lors du projet pilote, l’un des enjeux était de déceler le meilleur endroit pour installer les différentes antennes, afin d’avoir une couverture fiable la plus large possible. Après plusieurs mois de tests, il est apparu que la couverture était performante au-delà de l’espace souhaité. Il n’a donc pas été nécessaire d’installer des antennes supplémentaires », raconte Patrick Labbé.

Un autre défi est la connectivité au sein des bateaux, lesquels peuvent emporter des milliers de containers avec une énorme masse de métal qui gêne les transmissions. Des solutions innovantes ont été trouvées, que le navire soit plein, moitié plein ou vide. Leur déploiement est à venir.

Un jumeau numérique en cours de finalisation

Au travers des nombreux capteurs déjà installés et opérationnels et du réseau déployé, un nouveau projet en cours de finalisation est la création d’un jumeau numérique 3D du site. Son but est une visualisation globale du fonctionnement de la plateforme portuaire.

« Cela permettra de visualiser en temps réel le fonctionnement de la plateforme et d’identifier, puis de corriger rapidement les problèmes pouvant survenir sur les équipements. »
Patrick LabbéDSI du GMP

« En l’état, nous injectons encore des données dans ce jumeau numérique. Tout ceci sera opérationnel dans quelques semaines. Cela permettra de visualiser en temps réel le fonctionnement de la plateforme et d’identifier, puis de corriger rapidement les problèmes pouvant survenir sur les équipements, y compris, par exemple, les centaines d’extincteurs qui sont présents », illustre Patrick Labbé.

Grâce à ces informations, Patrick Labbé imagine un pilotage plus fin de toutes les opérations. « Par exemple, si un camion déjà chargé de son container n’est pas encore parti, nous pourrons savoir pourquoi, depuis combien de temps il attend, les actions en cours pour remédier à cette situation. C’est également très utile pour la sécurité, car la zone est considérée comme ISPS (International Ship & Port Facility Security Code). »

Ce code ISPS, introduit en 2004 suite aux attentats du 11 septembre 2001, est un plan de sûreté qui doit être défini par les infrastructures portuaires et les navires. Il recense les moyens de lutte ou de protection, les zones de rassemblement du personnel, les localisations des boutons d’alerte à distance, les systèmes d’alerte de sûreté d’un navire, le descriptif des actions relatives au niveau de la sûreté et, de manière générale, toute information utile dans le cas d’une situation de menace.

Loin de l’image d’Épinal du vieux port décrépi, Patrick Labbé veut croire que le port du Havre contribue, avec l’exploitation fine des dernières technologies numériques, à plus d’efficacité sur la qualité, la sûreté, la sécurité de l’ensemble des personnels comme des équipements.

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