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Le football anglais la joue cloud et analytique pour se moderniser

Le sélectionneur anglais, Gareth Southgate, a expliqué lors de la conférence Google Cloud Next comment la Football Association utilise le Big Data et les outils collaboratifs cloud pour changer sa culture et améliorer la performance de ses joueurs sur le terrain.

En 2013, lorsque Gareth Southgate rejoint la Football Association (FA) pour diriger l'équipe d'Angleterre des moins de 21 ans, l'organisation est confrontée à de sérieux défis. « Historiquement, la FA a toujours été vue comme une association de vieux messieurs en blazers, sans contact avec le reste de la société. Et en plus nous avions des équipes nationales qui n'avaient pas bien performé. Bref, nous savions que nous devions nous moderniser », résume Gareth Southgate sur la scène de la conférence utilisateurs Google Cloud Next, qui s'est tenue cette année à Londres.

Une des premières étapes de ce processus de modernisation a consisté à déployer les applications collaboratives de Google, la G Suite (Docs, Spreadsheet Drive, etc.), pour améliorer les échanges et la communication entre les employés de la FA qui sont répartis sur deux sites principaux, au stade de Wembley à Londres et au centre de formation de St George's Park à Burton-upon-Trent.

Sédimentation de l'information

Selon Gareth Southgate, les nouvelles méthodes de travail prennent toujours du temps à s'imposer. Ce fut le cas pour beaucoup d'entraîneurs de la fédération avec ces nouveaux outils collaboratifs  « Honnêtement, j'aie une bonne maîtrise de la technologie ; mais à chaque fois que j'ai un nouveau logiciel, et un nouveau mot de passe à retenir, je sais que pour beaucoup d'entre nous, les coachs, cela peut être difficile. [En plus], en général, quand on demande aux entraineurs pourquoi ils font les choses d'une certaine manière, la réponse est très souvent : "Parce que c'est comme ça qu'on a toujours fait dans le foot. Pourquoi est-ce qu'on ferait autrement ?" ».

Gareth Southgate se lance donc dans un projet d'accompagnement du changement. Qui, comme chaque projet de ce type, « rencontre de la résistance jusqu'à ce qu'on commence à avoir des "small wins"... mais cela peut parfois prendre deux ou trois ans ».

Ces « petites victoires » sont néanmoins arrivées et ont permis une nouvelle organisation avec plus d'échanges et plus de cohérence dans le fonctionnement des différents entraineurs de la fédération.

« Quand j'ai pris mon poste [en tant que manager de l'équipe d'Angleterre en 2016], il n'y avait aucune trace du passé. Rien sur ce qu'avait fait et appris tous les managers anglais depuis plus de 30 ans », déplore Gareth Southgate. « Il n'y avait même pas de rapports papier sur ce qui s'était passé lors des compétitions précédentes pour transmettre nos savoirs [de génération en génération].  Maintenant, tout ce que nous faisons est stocké, archivé, partagé ».

Tous les employés de la FA - de Wembley et de St George's - peuvent mettre à jour ces documents et les consulter, « où qu'ils soient dans le monde et à toute heure du jour et de la nuit.  [...] Cette capacité de partager ces choses, en particulier, a apporté d'énormes progrès », se réjouit celui qui est devenu aujourd'hui le sélectionneur de l'équipe nationale anglaise.

Surcharge de données

Ces dernières années, le football accepte beaucoup mieux les technologies. Il y a par exemple eu l'introduction de la « goal-line » pour valider les buts et l'assistance vidéo pour les arbitres (VAR).

Dans le même temps, les outils et les données recueillies pour suivre les performances des joueurs se sont multipliés. Comme beaucoup de clubs, la FA utilise le GPS pour suivre la vitesse et la distance parcourue par chaque joueur pendant les entraînements. Il existe également des systèmes pour analyser le sommeil des sélectionnés. Chaque séance d'entrainement est filmée. Et des équipes spéciales sont chargées de suivre la performance de tous les adversaires de l'Angleterre.

La technologie à laquelle le sélectionneur Gareth Southgate a aujourd'hui accès est à mille lieues de ce que le joueur Gareth Southgate a connu. À l'époque, le debrief d'après-match consistait généralement à revoir le match sur un magnétoscope VHS.

« Pour chaque match de Premier League, je peux aujourd'hui avoir les vidéos [des joueurs] sur mon ordinateur portable dès le dimanche matin », explique le manager. « Je n'ai pas besoin d'aller voir tous les matchs. [...] Dans les 12 heures qui suivent les parties, où que soient mes joueurs en Europe, j'ai accès à la façon dont ils ont joué, à la distance qu'ils ont parcourue et à toutes les informations qui nous aident en sélection nationale ».

En plus d'aider à choisir le meilleur onze de départ, les données que l'état-major de la FA collectent au fil du temps servent à déterminer le bon moment pour effectuer des remplacements et offrent des conseils sur la meilleure façon de tirer les pénaltys, les corners ou de faire les touches, en fonction du comportement passé de l'adversaire, dans n'importe quel scénario donné.

Mais, avertit Gareth Southgate, il est aussi très important de ne pas aller trop loin.

« Nous sommes submergés de données. Le défi, c'est de trouver ce qui est vraiment pertinent pour nous », raconte-t-il. « Dans beaucoup de sports, il est clair que si vous faites X, Y puis Z, vous allez gagner [...] Mais dans le foot, on marque peu de buts, [il y a donc peu de points au niveau statistique] et il y a beaucoup d'événements aléatoires. Il est donc facile de sur-interpréter des signes que vous croyez voir dans les données ».

Garteh Southgate a abordé ce point épineux au cours d'un échange avec la presse où il a rappelé l'importance d'avoir une vision long terme. « Il est très facile de critiquer les jeunes joueurs [parce que leurs jeux de données sont plus réduits] et il est très facile de mettre trop l'accent sur une donnée particulière. En fait, il vaut mieux évaluer des tendances sur une certaine période de temps ».

Le sélectionneur évoque un autre défi : celui de la manière de communiquer les enseignements issus des données pour qu'ils soient utiles - et activables - par les joueurs.

« Parfois, le volume d'informations [que vous avez] est très important. Mais la façon dont vous l'interprétez et surtout dont vous la transmettez à l'équipe est encore plus importante [...] Parfois, on peut leur donner trop d'informations et on crée de la confusion dans leurs têtes ; alors que sur le terrain, c'est l'inverse qu'on recherche : il faut être aussi libre que possible ».

Tout est donc affaire d'équilibre « entre ce dont vous avez besoin en tant qu'entraîneur et la façon dont vous allez le transmettre aux joueurs pour le rendre aussi assimilable que possible ». En ce sens, la FA est confrontée à la même problématique analytique que celle de nombreuses entreprises qui cherchent une manière d'irriguer leurs organisations avec les enseignements de leurs stratégies BI.

Coopération entre organisations et sources de données externes

Étant donné qu'au cours d'une saison, l'immense majorité des entraînements des joueurs de l'équipe d'Angleterre se fait en clubs, la FA compte également sur ces clubs pour partager leurs données de performance. Mais ce n'est pas simple.

Chaque club a son style de jeu, et peut donc suivre des indicateurs spécifiques pour mettre en place sa stratégie et atteindre ses objectifs propres, ajoute Gareth Southgate. « C'est le travail de la fédération de passer au crible ces données et de donner un sens à tout cela pour extraire les éléments qui seront les plus importants pour le suivi de l'équipe nationale ».

Autre obstacle au suivi sur le long terme de la performance des joueurs : tous les clubs n'ont pas la même politique sur le partage de données. « Certains sont prêts à tout partager. D'autres sont prêts à partager un peu. Et certains clubs ne veulent rien partager du tout. C'est comme ça. Et on peut le comprendre, pour eux, c'est de la propriété intellectuelle ».

Les échanges se font néanmoins autour d'une certaine convergence d'intérêts. « Le plus important, c'est d'éviter les blessures. La charge d'entraînement est vraiment une donnée clé pour nous sur ce point. Partager cette information aide aussi les clubs parce que si, par ignorance, nous surchargeons physiquement un joueur, il a plus de chances de revenir blessé [dans son club]. Donc tout le monde est d'accord pour partager ces données... Mais quand on aborde la partie des performances sur le terrain, certains se montrent plus réticents ».

Demain, un coaching « augmenté » en temps réel

Le monde du football a fait d'énormes progrès technologiques, mais pour Gareth Southgate, il reste encore beaucoup de terrain à parcourir et de pistes à explorer. Par exemple, cela fait à peine six mois que les entraîneurs et les managers sont autorisés à utiliser des iPads sur le banc de touche, ce qui ouvre la voie à une vision « augmentée » et en temps réel sur les matchs.

« Nous avions cette information, mais elle était en tribune. Il fallait la descendre manuellement sur la pelouse. C'est une question de rapidité d'accès à la donnée », conclut le sélectionneur qui sait l'importance de la vitesse pour faire du beau jeu.

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