Le Groupe BBL mise sur son MDM pour coordonner au mieux sa chaîne logistique

Construit dans une logique de fédération de spécialistes du transport, le Groupe BBL a choisi de conserver les TMS (Transportation Management System) et WMS (Warehouse Management System) déjà en place pour chacune de ses 23 filiales. Son secret : placer un MDM au centre de son système d’information pour fédérer l’ensemble de ces applicatifs métiers hétérogènes.

Acteur de services liés à la Supply Chain, le groupe BBL est présent dans les transports terrestres, les transports « overseas » (aériens ou maritimes), la logistique contractuelle et les douanes. Il réalise un chiffre d’affaires de 680 millions d’euros en 2023 et compte 2 100 salariés dans 23 pays. L’entreprise a triplé de taille en quatre ans, ce qui entraîne une multiplicité des applications métiers mises en œuvre.

En croissance forte, elle s’est structurée sur une approche originale : constituer une fédération de spécialistes du transport. Pour chacun de ses quatre métiers, le groupe réunit plusieurs entreprises spécialisées qui conservent une certaine autonomie. « Nous avons fait le choix de préserver les spécialités de chacune de ces sociétés et préserver aussi leur TMS et leur WMS. En fin de compte, cela représente un patchwork de systèmes d’information et d’applicatifs métiers », explique Jean-Marc Williatte, directeur marketing & Communications du Groupe BBL. « C’est une logique qui fonctionne, car elle nous permet d’être totalement dédiés au service de nos clients », assure-t-il. « En 2020, nous étions présents dans 4 à 5 pays. Aujourd’hui, le groupe est présent dans 23 pays et nous offrons une large gamme de services de Supply Chain très spécifiques. »

Cette logique de développement présente des avantages, mais aussi l’inconvénient de faire cohabiter de multiples solutions informatiques dans son système d’information. Le Groupe BBL met en œuvre de multiples TMS, dont ceux de Solulog, Akanea, Aeolus. Il en va de même pour les SIRH, dont celui de Nibelis pour la France. « Le constat est que nous avions à gérer l’hétérogénéité de nos applicatifs métiers. Quand l’on nous compare aux très grands groupes, notre modèle de développement est très différent », insiste le responsable. « Souvent, un grand groupe va mettre en place un ERP unique, un système qui prétend tout faire, pour tous les pays et pour toutes les spécialités ».

Les TMS et WMS mis en œuvre par le groupe BBL présentent des spécificités liées au marché sur lequel sont positionnées les filiales, et intègrent des fonctionnalités CRM intégrées. « Les propositions émises auprès de nos clients deviennent des dossiers de transport et l’on va générer la facture depuis le TMS. De ce fait, l’unification autour d’un TMS ou d’un CRM unique n’était pas envisageable de notre point de vue tant que nous restons dans cette logique de fédération de spécialistes », justifie Jean-Marc Williatte.

Ces nombreux systèmes impliquaient de devoir gérer des données client hétérogènes, avec des doublons, des informations incomplètes ou pas vérifiées, des problèmes liés à la qualité des données fournisseurs. « Nous avions besoin d’un outil au cœur de notre système d’information pour aller vers une notion de Data Hub. C’est la raison pour laquelle nous avons fait le choix de nous doter d’un MDM », ajoute Jean-Marc Williatte.

Un logiciel de Master Data Management était appelé à devenir le centre de collecte et de distribution de toutes les données relatives au groupe, mais aussi aux collaborateurs et à l’ensemble des tiers que sont les clients, les fournisseurs, les agents des douanes, etc. Le MDM devait aussi aider le Groupe BBL à répondre aux obligations liées à la directive européenne CSRD, quant à la publication de reporting de données non financières, notamment celles liées aux émissions de CO2 auxquelles le secteur sera soumis à partir de 2025.

« Le MDM doit devenir la plateforme unique de collecte et de validation des données pour les tiers, pour les salariés et pour l’ensemble des données relatives aux actifs de l’entreprise : nos poids lourds, les engins de manutention, les véhicules légers et tous nos entrepôts logistiques », précise Jean-Marc Williatte « Cette plateforme doit être exhaustive, à jour et exacte, car elle va irriguer l’ensemble de notre système d’information, l’ensemble des SGBD de nos applicatifs métier ». Le logiciel va injecter dans les TMS les données relatives aux tiers et injecter dans l’Active Directory du groupe les données relatives aux salariés.

« Cette plateforme doit être exhaustive, à jour et exacte, car elle va irriguer l’ensemble de notre système d’information, l’ensemble des SGBD de nos applicatifs métier ».
Jean-Marc WilliateDirecteur marketing & Communications, Groupe BBL

Soucieux de protéger l’autonomie et l’indépendance des filiales, le responsable cherche à éviter une approche « Big Brother » où le MDM allait régir tous les échanges de données. Chaque filiale choisit de partager ses informations avec les autres membres du groupe, dans une logique d’agilité. Chaque filiale conserve son TMS et son CRM pour gérer sa relation client, mais elle doit choisir de partager un certain nombre d’informations, notamment pour répondre aux demandes de leurs propres clients. Ceux-ci sont de plus en plus nombreux à demander des rapports consolidés sur plusieurs métiers et sur plusieurs filiales du groupe. Le MDM doit pouvoir répondre à ce type de requêtes.

Plusieurs éditeurs de solutions MDM ont été étudiés par l’équipe projet et c’est la solution de Semarchy qui est retenue, une solution qui est considérée comme bien adaptée au contexte d’une ETI. Un appel d’offres est alors lancé sur la région lyonnaise pour trouver un intégrateur. C’est l’ESN Data Major qui est retenue et qui accompagne le groupe dans ce projet jusqu’à aujourd’hui. « Les données stratégiques font intervenir beaucoup d’acteurs différents. Il faut arriver à faire converger tout le monde et s’adapter aux solutions qui sont déjà en production dans le système d’information », déclare Renaud Laluc, expert en Data Management chez Data Major. « Cela représente des freins qu’il faut pouvoir surpasser. Les projets MDM ne sont pas toujours des projets tranquilles et il faut être capable de gérer tous ces aspects. »

Une saisie des données au plus près des sources

Un tel projet implique de bien choisir les données de référence, les Master Data, et, à l’inverse, les données qui ne présentent pas d’intérêt à être partagées et qui ont vocation à rester dans les applicatifs métier. L’approche mise en œuvre a consisté à projeter la collecte des données au plus près de la source. « Pour la création d’un tiers qui peut être un nouveau fournisseur ou un client, celui-ci reçoit un lien vers un formulaire en ligne très intuitif, avec des pop-up qui l’aident à le remplir », explique Jean-Marc Williatte. « Nous demandons les données d’identification de base de l’entreprise. Cette donnée est ensuite enrichie via nos fournisseurs de données économiques et d’assurance crédit. Elle est enfin validée dans un process où l’on accepte une certaine limite de crédit, certaines conditions de paiement, et l’on transforme le prospect en client. »

Au fur et à mesure, cette collecte centralisée est mise en place pour la gestion des tiers, la gestion des salariés, la gestion des actifs. Ces données sont ensuite distribuées dans l’ensemble des applicatifs métiers du groupe. Avec des logiciels différents dans 23 filiales, cela a évidemment posé des problèmes d’interopérabilité entre systèmes. Les données sont échangées par EDI, par connexions FTP ou via des API. Le Groupe BBL a mis en œuvre son ETL Talend pour assurer ces échanges de données.

« La gouvernance doit être adressée dès le début du projet, voire avant son lancement, et le sponsoring fait évidemment partie des facteurs de succès. »
Renaud LalucExpert en Data Management, Data Major

Ce sont les SIRH qui ont donné le plus de difficultés à l’équipe projet. Outre la sensibilité de ces données et les contraintes fixées par le RGPD, le principal SIRH s’est montré plutôt rétif. « Pour que les informations sur les salariés soient à jour et fiables en permanence, il faut définir où se situe la donnée maître. Est-elle dans le MDM ou le SIRH, sachant qu’une entreprise peut avoir plusieurs SIRH dans les différents pays ? Notre SIRH avait de grosses difficultés à communiquer avec l’extérieur. Il n’acceptait pas une injection de données permanente en provenance du MDM », note Jean-Marc Williate. « En mode maître, le SIRH n’était pas capable au quotidien de transmettre les créations et modifications relatives aux salariés… ».

Une conduite du changement toujours délicate

Alors que le projet sort de sa phase de conception et de développement pour se diriger vers un déploiement (roll-out) sur l’ensemble du groupe, le volet conduite du changement devient crucial. « La gouvernance doit être adressée dès le début du projet, voire avant son lancement, et le sponsoring fait évidemment partie des facteurs de succès », explique Renaud Laluc. Une cellule Data a été créée, avec une personne chargée du pilotage de la Master Data à l’échelle du groupe. Une ou deux personnes viendront se joindre à elle afin d’être les gardiens du système et assurer son évolution au fur et à mesure de l’intégration de nouvelles filiales et de nouvelles pratiques.

Jean-Marc Williatte, directeur marketing & Communications du Groupe BBL

Jean-Marc Williate
« La création d’un hub de données génère énormément d’impact sur l’ensemble des métiers du groupe. RH, comptabilité/finance, les métiers des opérations, tout le monde est concerné. C’est un projet transverse avec d’énormes implications internes. Cela demande du temps et une solide gestion du changement ».

Projet transverse oblige, le succès de son déploiement dépendra des filiales et des métiers. Jean-Marc Williatte veut que chacun se projette dans un collectif et échappe à une logique de silos où chacun considère que le partage d’information est une contrainte.

« Nos clients ne nous demandent pas uniquement des rapports de suivi de transport ou un suivi financier de notre facturation. Ils ont maintenant besoin d’un suivi des émissions CO2 de leurs transports. »
Jean-Marc WilliatteDirecteur marketing & Communications, Groupe BBL

« Un projet de MDM suppose de dépasser ces réflexes », martèle-t-il. « Tous les services doivent comprendre l’intérêt collectif qu’il y a de partager une partie de l’information et une partie de leur autonomie. Bien évidemment, quand la donnée est traitée dans le MDM, elle ne l’est plus au niveau de l’applicatif métier. C’est un point qui demande à passer beaucoup de temps à être expliqué ». Sur ce point, pour le responsable, le soutien de la direction générale est essentiel pour faire bouger les lignes.

Dès que ce hub sera opérationnel, le groupe pourra songer à mettre en place un data Lake et un portail de reporting afin de superviser l’activité du groupe et délivrer des données très fines à l’ensemble de ses clients.

« Nos clients ne nous demandent pas uniquement des rapports de suivi de transport ou un suivi financier de notre facturation. Ils ont maintenant besoin d’un suivi des émissions CO2 de leurs transports », ajoute Jean-Marc Williatte. La mise en place d’un MDM est un premier pas dans cette direction. Il sera le socle qui permettra au groupe BBL de se mettre en conformité avec les exigences du CRSD en 2025.

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