Le Crédit Agricole confie la gestion de son informatique à Capgemini
La filiale informatique de la banque signe un contrat d’externalisation de 7 ans avec Capgemini. Une joint-venture est créée pour assurer la maintenance des infrastructures informatique du groupe Crédit Agricole.
L’opération fait penser à l’accord signé en 2003 entre la BNP Paribas et IBM qui a donné naissance à BP2i, société qui assure l’infogérance de l’informatique de la grande banque parisienne. Tout comme BNP Paribas, le groupe Crédit Agricole vient de créer une joint-venture avec une grande SSII, Capgemini en l’occurrence, afin d’assurer la maintenance de son informatique.
Un projet d’externalisation initié en 2013
Il aura fallu pratiquement 2 ans pour arriver à la création de Silgen, cette joint-venture commune entre SILCA, filiale informatique de Crédit Agricole SA et Capgemini.
La première consultation a été lancée en septembre 2013 auprès d’Accenture, IBM, CGI, Atos et Capgemini. D’étapes en étapes, en avril 2014 ne restaient plus en lice qu’IBM, Atos et Capgemini.
Capgemini est désigné pour négociations exclusives en juillet 2014 avant d’être finalement officiellement retenu en janvier 2015 pour ce contrat d’externalisation de 7 ans. Le changement survenu à la tête du Crédit Agricole, avec la prise de fonction de Philippe Brassac va retarder l’annonce publique, mais c’est bien Capgemini qui a décroché ce contrat de 7 ans avec SILCA, un contrat de l’ordre de plusieurs dizaines de million d’euros par an.
Gérard Mezin, Responsable du compte Crédit Agricole pour Capgemini France souligne l’importance du contrat pour la SSII : « L’ensemble des entités du groupe Capgemini ont été mobilisées dès le début sur ce contrat, ce qui est assez unique. Depuis l’entité conseil en amont, l’entité finance bien évidemment, l’entité industrialisation, Sogeti qui connaissait bien Crédit Agricole pour le volet infogérance, c’est donc une grosse équipe d’avant-vente qui a travaillé sur le projet avec toutes les entités du groupe impliquées. »
SILCA va mettre à profit la présence du bureau Capgemini dans la Silicon Valley pour trouver des idées nouvelles
Jean-Paul Mazoyer, Directeur Informatique et Industriel groupe de Crédit Agricole S.A cerne les contours de ce contrat : « SILCA réalise pour 300 millions d’euros de prestations pour les entités du groupe Crédit Agricole. Pour les 2/3 de notre activité, Capgemini va nous accompagner sur le volet « conseil » de notre transformation. C’est sur le dernier tiers que nous plaçons nos activités dans cette joint-venture qui est opérée par Capgemini. Ce sont essentiellement des tâches d’exécution, des commodités telle que la messagerie, le service de visioconférence, etc. qui sont concernées. Nous conservons dans le périmètre SILCA ce qui relève de l’architecture, et nous nous appuyons sur les capacités d’industrialisation de Capgemini sur les applications sont moins bancaires. »
Le DSI du groupe s’est fixé 4 objectifs dans le cadre de cette coopération avec Capgemini.
« D’une part, nous voulons conserver la qualité de service offerte à nos utilisateurs et, si possible, l’améliorer. Aujourd’hui, il serait très couteux pour nous d’améliorer notre qualité de service de 0,1%. A l’inverse, il ne serait absolument pas acceptable de la part de nos clients de voir la qualité de service actuelle baisser. Le second objectif concerne la sécurité. Il s’agit de sécuriser davantage encore nos services, en particulier sur le volet surveillance des événements de sécurité sur lequel nous travaillons avec Capgemini. »
En outre, SILCA va pouvoir s’appuyer sur les consultants Capgemini pour une meilleure compréhension des innovations technologiques et va notamment mettre à profit la présence d’un bureau Capgemini dans la Silicon Valley pour y trouver des idées nouvelles.
Objectif : Réduire les coûts de 25% d’ici 2018
Enfin, le dernier objectif n’est pas le moindre, c’est celui de la baisse des coûts. « Nous nous sommes fixés un objectif commun avec Capgemini de baisser de 25% les bases de facturation à iso-périmètre. Ce chiffre doit être atteint par augmentation des volumes grâce à la standardisation, ainsi que par diminution des charges. »
L’objectif d’une baisse des coûts est classique dans ce type de contrat et Capgemini écopera de lourdes pénalités financières si ses équipes ne parviennent pas à atteindre ces -25% à l’horizon 2018, mais l’objectif pour SILCA, c’est aussi de conquérir de nouveaux clients internes.
« Le fonctionnement du groupe Crédit Agricole est basé sur l’incitation » rappelle Jean-Paul Mazoyer. « Les entités n’ont pas obligation de nous confier leurs charges. On doit donc les inciter à nous confier leurs applications par la qualité de service offerte, par l’innovation, la sécurité et aussi le prix. »
Standardiser et industrialiser pour réaliser des économies d’échelle et gagner des clients internes
L’objectif est d’augmenter les volumes de SILCA de 30% et de dépasser les 400 millions d’euros. « Le potentiel au sein du groupe Crédit Agricole SA est environ le double de notre taille actuelle mais pour conquérir de nouveaux clients internes, le catalogue de services doit être au moins aussi perforant que celui des infogérants du marché » et si Jean-Paul Mazoyer estime l’être notamment sur les applications mainframe, des progrès doivent être réalisés sur les systèmes ouverts.
« Ce marché interne ne peut être conquis sans une standardisation des services » précise le DSI. « Il n’est pas souhaitable que SILCA héberge tous les types de solutions mises en œuvre dans le groupe pour augmenter le chiffre d’affaires de SILCA. On ne peut dégager de synergie si on est obligés de faire du sur-mesure pour chacun. Il faut standardiser et industrialiser pour réaliser des économies d’échelle. »
Un message reçu 5/5 côté Capgemini. La SSII va travailler de concert avec SILCA afin de transformer ce SI pour aller vers une plus grande standardisation des solutions et la SSII va industrialiser au maximum les processus afin d’abaisser les coûts et rendre le catalogue de service attractif aux entités Crédit Agricole.
Pilotage, supervision, stockage basculerons basculeront en Inde et au Maroc
Gérard Mezin de Capgemini explique les axes de l’action de la SSII dans ce mouvement : « Il y aura une transformation d’organisation, du catalogue de service, mais aussi une transformation technique au niveau des infrastructures. 30% du programme est attaché à une transformation du « run » et de l’organisation. En termes d’industrialisation, tout le front office va rester en France mais nous allons nous appuyer sur nos centres de services industriels en Inde et au Maroc pour réaliser des tâches qui ne sont pas de l’ordre du front office. Pilotage, supervision, stockage basculerons sur ces centres. »
Le contrat ne couvre pas de développements applicatifs et met l’accent sur la standardisation des services et la normalisation des outils.
« Par exemple, sur le volet ITSM, à la différence de certain de nos compétiteurs nous n’avons pas imposé d’outil, mais seulement suggéré les outils qui nous semblent les plus adaptés. Crédit Agricole a fait le choix de ServiceNow » conclut Gérard Mezin.
L’innovation, point clé du contrat avec un « Wallet innovation »
Si, comme le DSI l’évoquait, l’aspect cybersécurité a compté dans le choix de Capgemini, les deux partenaires ont longuement réfléchit à un autre élément clé du projet, celui de l’innovation.
Quand on est dans l’agilité, il faut avoir une DSI bi-modale
Gérard Mezin, Crédit Agricole
Alors que les cycles d’innovation sont en train d’accélérer, notamment dans le secteur bancaire, il faut être capable de lancer de nouveaux services de plus en plus rapidement, comment tenir compte d’une telle accélération dans un contrat qui va courir sur 7 ans ? Comment ne pas figer le système d’information ?
« Une quarantaine de pages du contrat signé portent sur le volet innovation » souligne Gérard Mezin qui détaille le dispositif mis en place : « une enveloppe financière est prévue pour le volet innovation, une enveloppe dans laquelle les 2 parties abondent en fonction du chiffre d’affaires de la joint-venture. »
Les DSI du groupe vont être envoyés en voyage d’études sur la côte ouest des Etats-Unis afin de s’inspirer de l’effervescence de la Silicon Valley et un budget conséquent, de l’ordre de 2% du chiffre d’affaires de la joint-venture, est dédié au financement des idées nouvelles.
« Nous avons souhaité mettre en place cette notion de « Wallet innovation » car on sait bien que dans toutes les organisations, les budgets sont figés à l’année » explique Gérard Mezin. « Ce « Wallet » permettra de faire des « PoC », tester des concepts, donner de la souplesse pour réagir aux évolutions du marché. Cette enveloppe est créée uniquement pour cela. Il vaut mieux expérimenter que spécifier a l’habitude de dire Jean-Paul Mazoyer. Quand on est dans l’agilité, il faut casser les habitudes et avoir une DSI bi-modale, c’est-à-dire capable de travailler comme avant pour un certain nombre de choses, mais aussi casser les approches pour expérimenter et aller vite. »
Si Silgen ne sera pas amené à commercialiser son portefeuille de services à des tiers, Jean-Paul Mazoyer espère bien que Capgemini drainera vers SILCA des entreprises qui voudront héberger leurs serveurs dans son datacenter flambant neuf de Chartres, l’un des rares datacenters tiers IV en France dans lequel le Crédit Agricole SA opère la concentration de ses datacenters depuis maintenant 3 ans.