Le Cern se dote d’un nouveau datacenter plus vert
Pour ses expériences sur le LHC, l’organisme de recherche a besoin de nouveaux serveurs de calcul. Outre le prix, le Cern impose des spécifications strictes en matière de climatisation et de consommation.
Concernant les centres de données, le Cern, l’organisation européenne pour la recherche nucléaire, en connaît un rayon. Pour traiter les informations du LHC (Large Hadron Collider), le Cern collabore avec 170 datacenters dans le cadre du projet WLCG (World Wide LHC Computing Grid). Le Cern utilise beaucoup ses datacenters à des fins de stockage (750 Po sur disques auxquels s’ajoutent 430 Po sur bande). En revanche, l’organisation n’effectue pas vraiment ses calculs en mode HPC, c’est-à-dire en concentrant de la puissance brute sur un minimum d’espace.
« Nous opérons des calculs à haut débit. Autrement dit, tous les événements issus des expériences sont traités en parallèle. Les ordinateurs ne sont pas très puissants, mais nous en avons une grande quantité : environ 10 000 », explique Wayne Salter, responsable de l’opération des centres de calcul du Cern.
Parmi sa flotte de machines, un datacenter dédié à l’expérience LHCb (avec un b pour beauty) fonctionne depuis des containers situés sur un site du Cern. Cette installation provisoire, qui accueille essentiellement des baies pour le calcul et moins que pour le stockage, doit prendre fin en novembre 2023. Un appel d’offres a été lancé pour construire le datacenter définitif, appelé PCC (Prevessin Computing Centre). Mais avec une contrainte : le Cern est obligé d’opter pour le fournisseur le moins cher.
Des exigences strictes en termes de climatisation et d’alimentation
Pour autant, cela ne signifie pas que le Cern n’est pas complaisant en termes d’exigences, bien au contraire : « pour le projet PCC, nous avons rédigé des spécifications fonctionnelles, en laissant le choix des techniques au fournisseur », affirme Wayne Salter. Parmi ces spécifications, un PUE (Power usage effectiveness) contractuellement inférieur à 1,15 -avec un objectif de 1,10 - et une densité minimale de 1 kW par baie. Le système de refroidissement et de distribution électrique est laissé au choix du constructeur.
Mais compte tenu de l’environnement géographique, la climatisation ne tournera pas en permanence, d’autant plus que les serveurs actuels peuvent fonctionner à des températures de 30°C, voire plus. Question électricité, le Cern se fournit essentiellement en France et un peu en Suisse. Son souhait est d’imposer ses propres transformateurs, ayant des prix intéressants par le volume qu’il achète.
L’organisation de recherche se veut même très stricte sur certains points techniques. Elle impose par exemple des baies de brassage dernier cri pour disposer d’un affichage instantané des consommations par serveurs. En termes de sécurité physique, le Cern dispose de son propre service de pompiers. Ainsi, il peut se permettre de ne pas mettre de têtes de sprinkler déclenchant un arrosage automatique instantané.
Seuls deux répondants respectaient tous les critères
De fait, au sein des propositions reçues lors de l’appel d’offres, seules deux respectaient intégralement les demandes du Cern. Cet appel d’offres était constitué de quatre pans : conception, construction, exploitation et maintenance pendant 10 ans.
« Le Cern étant à cheval sur la France et la Suisse, ses exigences lui sont propres, par exemple concernant les tours de refroidissement adiabatiques que nous mettons en place », décrit Philippe Kersalé, Directeur Datacenters au sein d’Equans France, le prestataire qui a finalement remporté le contrat. Ce système permet un refroidissement au niveau de la baie, par air.
Le projet s’effectue à présent en 3 phases de puissance : 4, 8, puis 12 MW, si besoin. Actuellement, le gros œuvre est fini et, depuis octobre 2022, l’installation de la distribution électrique et de la climatisation a débuté.
Malgré les difficultés rencontrées par toutes les industries pour s’approvisionner auprès de leurs fournisseurs, à cause de la guerre en Ukraine et des difficultés de la Chine à livrer des composants électroniques - pour les tableaux électriques, notamment - l’avancement du projet s’effectue dans de bonnes conditions. Et pour cause : Equans a remporté l’appel d’offres, car il avait pris l’initiative de commander des équipements bien en avance.
Quant aux commandes de serveurs, elles débuteront en début d’année 2023, le Cern s’appuyant sur plusieurs fournisseurs (trois pour les machines de calcul et deux pour le stockage).