Lab Postal 2018 : une rafale d'innovations fait bouger La Poste
Avec la baisse constante des volumes de courrier, La Poste doit se réinventer pour ne pas sombrer. Son événement annuel 'Lab Postal' est l'occasion de mesurer l'ampleur du programme lancé par le groupe avec des essais numériques tous azimuts pour trouver ses relais de croissance de demain.
Exosquelettes, drones, robots, objets connectés, applications Web et mobiles les plus diverses. Le Groupe La Poste organisait cette semaine l'édition 2018 de son Lab Postal, son événement dédié à l'innovation.
Par delà l'aspect révolutionnaire - ou parfois anecdotique - des innovations présentées par la Poste et ses nombreux partenaires, le groupe dirigé par Philippe Wahl mène en vérité un impressionnant travail pour moderniser son informatique interne avec la mise en production d'un Cloud privé. Le but de cette nouvelle infrastructure est également de soutenir le lancement de nouvelles activités.
Au final, la mission de la branche numérique de La Poste créée en 2014 est, tout simplement, de réinventer l'entreprise.
Une branche numérique avec une certaine autonomie IT
« Il fallait regrouper toutes nos compétences digital et atteindre une masse critique afin de mener à la fois la transformation numérique du groupe, mais aussi lancer des produits purement digitaux en rupture avec nos activités historiques », explique Jean-Marc Steffann, Directeur SI de la branche numérique, en charge de la transformation du groupe. « La poste est une entreprise de B2B, 95% du courrier est issu des entreprises. Nous devons aller vers le digital mais aussi aujourd'hui nous tourner vers le grand public. Pour faire cela, nous devions construire les infrastructures nécessaires pour adresser de nouveaux marchés ».
La branche numérique peut s'appuyer sur l'infrastructure IT du groupe, dont son Cloud interne pour consommer du Iaas, mais elle garde une certaine liberté d'action pour aller vite sans perturber l'activité de l'IT "historique".
Toujours dans ce souci d'agilité, la structure dispose en propre d'environ 250 développeurs. « C'est une taille relativement modeste comparée à d'autres structures informatiques du groupe. Mais nous travaillons à 100% en mode agile. Et nous sommes positionnés sur les méthodes de développement et technologies les plus avancées du moment, contrairement aux autres DSI qui doivent gérer un existant.»
Le Smartphone du facteur, plateforme idéale pour de nouveaux services
Le champ d'action de la branche numérique porte sur trois volets : transformer la relation client, améliorer l'excellence opérationnelle et expérimenter de nouveaux Business Model de rupture.
Plusieurs projets illustrent cette transformation de la relation client, comme le portail de La Poste ou le récent service d'envoi de colis depuis la boîte aux lettres du client.
« Un prérequis de ce projet était d'équiper nos 73 000 facteurs de smartphones et d'une application dans laquelle peuvent être injecté des missions particulières, comme récemment notre nouveau service "veiller sur mes parents" ». Pour un tel service, La Poste joue un rôle d'intermédiaire car elle doit transmettre les demandes d'intervention réalisée auprès du facteur à un téléassisteur qui va envoyer un plombier, un électricien ou un médecin à la personne âgée.
Pour répondre à ce type de besoins d'intégrations hétérogènes, la branche numérique de La Poste s'est dotée d'un orchestrateur de services qui gère ces échanges avec les smartphones des facteurs, le portail de La Poste et des tiers.
«C'est une infrastructure qui se veut la plus ouverte et modulaire possible » confie Jean-Marc Steffann. « A l'origine, cet orchestrateur était dédié aux objets connectés. Il a été initiallement utilisé au Lab Postal pour démontrer ce dont nous étions capables en combinant objets connectés et des interventions humaines. L'orchestrateur est ensuite passé en production et il traite aujourd'hui plus d'un million d'événement par jour. Il est dans un environnement IT compatible avec l'hébergement de données de santé ».
Un Hub Numérique
Baptisée "Le Hub Numérique", cette plateforme a été présentée au CES de Las Vegas. « Notre constat était que chaque objet connecté représentait un tout petit écosystème, ce qui les limite souvent au rôle de simples gadgets. Notre idée était de stocker les données de tous les objets connectés d'un utilisateur sur une plateforme de confiance, de rendre les données génériques et de les soustraire aux contraintes de chaque fournisseur. Dès lors nous pourrons assurer une continuité des données lorsque l'utilisateur change de fournisseur d'objet connecté ou de fournisseur d'énergie, par exemple.»
Techniquement, cette plateforme est constituée essentiellement de solutions Open Source. Jean-Marc Steffann évoque l'utilisation de Cassandra pour le stockage de données ainsi que Kafka pour les échanges inter-applicatifs de messages. En revanche, pour assurer la gestion du catalogue d'API du groupe, après avoir essayé la solution Open Source WSO2, Jean-Marc Steffann a préféré lancer un développement maison pour disposer d'une solution a la hauteur de ses attentes.
« Nous publions à l'extérieur un jeu d'API très formatées et uniformes RESTful/JSON, même si dans notre SI les systèmes informatique sont plus hétérogènes. On sait parfaitement faire une conversion à la volée d'API SOAP/XML pour présenter des API homogènes aux développeurs, notamment pour faciliter l'accès aux API de La Poste par les startups. »
La Poste évalue actuellement la possibilité de publier en Open Source cette plateforme de gestion d'API qui semble intéresser d'autres grands comptes français. C'est en tout cas elle qui a permis à La Poste Réseau (les bureaux de Poste) de lancer une offre de passage de l'examen du code de la route (ETG) à laquelle les auto-écoles pouvaient inscrire leurs élèves pour le test via les API de la plateforme.
La eSanté, un axe de développement fort pour le groupe
Autre champ d'application considéré comme stratégique dans ce repositionnement du groupe, le domaine de la eSanté.
« Nous souhaitons agréger autour de nous un écosystème de partenaires nationaux et internationaux dans les domaines de l'IoT médicale, des acteurs de santé, des mutuelles et assureurs avec pour objectif d'accélérer l'essor de la eSanté en France », explique David De Amorim, directeur de l'innovation de Docapost. « Il y a urgence à le faire car si nous ne le ne faisons pas, d'autres acteurs non européens le feront à notre place ».
Le directeur de l'innovation place les applications mobiles de santé au cœur de cette stratégie. « La relation du public avec le digital passe aujourd'hui par le smartphone. Or le rôle de notre application La Poste eSanté est de replacer le patient au centre et de fédérer ses multiples données de santé autour d'une seule et même application ».
Outre toutes les données d'examens biologique et données colletées via des objets connectés, l'application mobile et le service d'hébergement Docapost qui lui est associé ouvrent la voie à de multiples applications médicales plus pointues, comme le suivi par les chirurgiens des transplantés pulmonaires ou même le partage les modèles 3D des patients, comme c'est déjà le cas suite à un projet mené avec l'Ircad de Strasbourg, dans le cadre de son projet "Visible Patient".
Le directeur de l'innovation invite au passage les startups, les hôpitaux et les instituts de recherche médicale à rejoindre cet écosystème avant que des acteurs tels que Google n'imposent à tous leurs propres plateformes.
Un laboratoire dédié aux idées de rupture
Si la stratégie de La Poste se veut très pragmatique, elle est aussi tournée vers la prospective. C'est le rôle du Lab Yellow Innovation de Jérôme Toucheboeuf, directeur de l’innovation et de ce laboratoire.
« Il s'agit pour nous d'avoir une approche en rupture par rapport à l'innovation telle qu'elle est habituellement abordée par les grands groupes. Nous sommes basés dans le Sentier, au sein de l'Innovation Studio School Lab parmi des startups. Nous ne sommes pas un électron libre, mais nous évoluons en parallèle du mouvement de transformation du groupe. Nous sommes un lieu à part où l'on peut réfléchir de façon différente », résume-t-il.
Ce laboratoire constitue des équipes en fonction des projets. Il mêle des membres du groupe mais aussi des partenaires startups ou des industriels de l'IoT.
La règle fixée est que ces équipes ont quatre mois maximum pour mettre au point un démonstrateur d'application mobile ou un objet connecté. Dernier projet à être sorti du Lab Yellow Innovation, le Monimalz, une tirelire connectée pour les enfants, un projet dans lequel des salariés de La Banque Postale sont intervenus.
« Notre réseau social d'entreprise permet de faire remonter les idées des employés du groupe », ajoute Jérôme Toucheboeuf qui rappelle « l'initiative "20 projets pour 2020", lancée par Philippe Wahl en 2014 et qui permet à l'ensemble des collaborateurs de travailler sur un projet et d'être sélectionné par nos jurys internes et externes ».
Illustration de cette initiative, l'un des projets choisis est Ofildesvoisins, une plateforme d'achat de logements en mode participatif. Ce projet est actuellement incubé en interne, mais il pourrait constituer une nouvelle activité pour le groupe s'il rencontre le succès.
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