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La technologie peut-elle rendre la pêche plus durable ?

À l’occasion de la Journée mondiale des océans, qui s’est déroulée en juin dernier, IBM a organisé une table ronde sur le rôle de l’IT en faveur de la pêche durable.

Dans un billet de blog de mai 2021, Luc McCallum, un responsable de Greenpeace, expliquait pourquoi il faut gérer les océans de manière durable et pourquoi, d’après lui, une grande partie des océans devrait être sanctuarisée d’ici 2030.

« Les scientifiques nous disent qu’il faut protéger au moins 30 % des océans pour préserver l’écosystème et restaurer les populations de poissons », avance-t-il.

Un mois plus tard, lors de la journée mondiale des océans, IBM réunissait un panel d’experts sur le sujet avec pour objectif de réfléchir aux rôles de la technologie. Les débats ont par exemple porté sur la collecte de données dans les chaînes d’approvisionnement de la pêche.

Luq Niazi, directeur général du secteur de la distribution et des industries de consommation chez IBM, se dit « convaincu que nous sommes à un tournant capital, où individus, entreprises et nations commencent à intégrer le développement durable dans la chaîne de valeur de l’aquaculture ».

Mais Donna Lanzetta, PDG et fondatrice de Maana Fish Farms, a mis en garde, car il existe un dilemme. « Nous devons penser aux 10 milliards de personnes qui peupleront la planète, chercher à assurer une production adéquate de protéines, répondre à la demande alimentaire [tout en] mettant en œuvre les Objectifs de développement durable de l’ONU. »

Elle a rappelé que des centaines de millions de personnes dans le monde dépendent des océans, de ses produits et d’activités auxiliaires. « Arrêter de consommer les produits de la mer ne suffira pas », a-t-elle affirmé.

Pour Donna Lanzetta, individus et entreprises doivent plutôt agir de manière plus responsable. Elle plaide pour une obligation de transparence qui permettrait aux législateurs de disposer de données scientifiques. « Concrètement, nous voulons pratiquer l’aquaculture, soulager la pression sur les ressources sauvages et gagner en efficacité. »

La technologie au service de pratiques transparentes

John Grant, professeur au département d’océanographie de l’université canadienne Dalhousie (Halifax en Nouvelle-Écosse), a pour sa part exposé différentes technologies pour protéger les océans et les stocks de poissons. Ces technologies marines auraient fortement progressé depuis les cinq dernières années.

Par exemple, des capteurs mesurent de nombreuses variables (température, oxygène, phytoplancton, etc.). Ils produisent ce qu’il appelle un « réseau dense d’informations » que les pisciculteurs peuvent consulter en temps réel sur leurs smartphones.

« Ces réseaux de capteurs ont vraiment changé la donne et bénéficient aussi à la santé de l’élevage, ce qui est une préoccupation importante. Les alertes aident les éleveurs à prendre des décisions sur l’alimentation, sur les traitements ou sur la quantité de poissons qu’ils peuvent prélever », explique-t-il.

« Dernièrement, nous avons testé des moniteurs de rythme cardiaque implantés par chirurgie dans les poissons. En plus de nombreuses informations sur l’environnement, nous sommes désormais capables de recueillir des données sur le comportement des poissons dans différentes conditions océaniques. Les établissements piscicoles avec qui nous travaillons ont immédiatement adopté cette technologie, et ils font des émules dans le monde entier. »

Les données font l’objet d’analyse par IBM Analytics. Pour l’universitaire, la question reste de savoir comment exploiter au mieux ces informations – par exemple pour faire des prévisions sur les conditions océaniques et d’anticiper les mesures de gestion des exploitations.

Ces capteurs peuvent également être posés sur les cages d’aquaculture. Le professeur John Grant explique qu’ils détectent alors le ballottement des cages, le stress et le comportement des poissons en cas de tempête – autant d’informations qui permettent d’éviter que ces derniers s’échappent.

Aussi une question de traçabilité

L’IT permet également d’améliorer la traçabilité. La Norwegian Seafood Association s’est par exemple attaché les services du spécialiste en infrastructure Atea pour mettre en place un réseau de capteurs, collecter des données de pêche, et déployer une blockchain.

Fabricants d’aliments, pisciculteurs, distributeurs, détaillants, tous ont ainsi accès aux données quasiment en temps réel. Chaque acteur de la chaîne dispose également d’une application pour scanner les saumons au point de réception.

Le projet se heurte parfois à l’obsolescence des systèmes IT. D’après le PDG d’Atea, la force du réseau est particulièrement intéressante pour les plus petites exploitations avec lesquelles ils collaborent.

« Elles ont tout intérêt à intégrer un réseau. On ne paye pas [sa participation] à la tonne de poissons. Donc, plus vous êtes petit, moins vous payez », justifie-t-il.

Nova Sea, l’un des plus gros producteurs de saumons du nord de la Norvège a récemment intégré le réseau. Bjørn Olvik, son directeur des ventes explique que « le fait de collecter et de partager des informations sur la méthode d’élevage, l’alimentation des poissons, la qualité de l’eau et le parcours jusqu’à l’assiette » a un très gros avantage : « cela rassure les consommateurs sur les conditions et la qualité du produit. »

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