Andr� Tudela Groupe La Poste
La Poste transforme la BI de sa branche services-courrier-colis
La branche Services-Courrier-Colis du groupe La Poste a refondu sa plateforme BI sur site pour gagner en efficacité et réduire les coûts en la faisant converger vers une technologie de prédilection. C’est SAP et son entrepôt de données BW/4HANA, ainsi que la couche de restitution SAP BI, qui ont été choisis pour les applications de pilotage opérationnel.
La Branche Services-Courrier-Colis (BSCC) de La Poste représente le savoir-faire historique du groupe : trier et livrer des courriers. Et si le courrier perd de la vitesse, ce n’est pas le cas du colis et encore moins des services. Malgré une diminution du nombre d’objets livrés en dix ans de 2008 à 2018 (lettres et plis compris), La Poste a livré 363 millions de Colissimo en 2019.
L’explosion du e-commerce, l’évolution des habitudes de vie, le besoin de se transformer aussi la poussent à la mise en place d’un SI à la hauteur d’un acteur industriel de premier plan. Or, BSCC subissait le poids d’une infrastructure IT vieillissante qu’il fallait moderniser.
« Nous avons mis en place des socles qui avait vocation à refondre complètement le SI », assure Éric Brun. Éric Brun est responsable du Socle Connaissance 360, une division dédiée à la BI au sein de la branche Services-Courrier-Colis de La Poste.
« Ce socle Connaissance 360, transverse, permet d’effectuer tout le pilotage décisionnel à l’exception de deux paramètres fonctionnels que sont la finance et la RH. Cela comprend le transport, le service client, le chiffre d’affaires, la supply chain, l’activité internationale ou encore la gestion des colis ».
Un SI à refondre à La Poste
Le déploiement de cette architecture provient d’une volonté de rationalisation des projets décisionnels. « Quand j’ai pris le poste en 2016, nous avions une BI totalement hétérogène et silotée, obsolète la plupart du temps et sans aucune synergie. Chaque entité, chaque direction faisait sa propre BI », explique le responsable du Socle Connaissance 360.
Eric BrunResponsable Socle Connaissance 360, BSCC, La Poste
En premier lieu, les technologies utilisées étaient multiples. « Exemple concret : les bases de données. Nous avions différentes versions d’Oracle : 9, 10, 11, 12, Tungsten, Exalytics. Nous avions du SAP IQ, HANA, du Microsoft SQL Server. Idem sur les outils de restitution : nous avions 10 plateformes Business Objects dans des versions différentes, du Tableau, de l’Oracle BI, etc. », liste Éric Brun. « Avec la décision de créer le socle est venue l’idée de sélectionner une technologie et faire converger toutes ces briques BI vers ce socle », ajoute-t-il.
La BSCC avait comme beaucoup d’organisations plusieurs exigences techniques pour servir ses activités. « Il fallait que ce socle soit robuste, scalable, et qu’il soit doté d’une forte capacité de calcul pour assurer la convergence de l’ensemble des systèmes décisionnels », martèle Éric Brun.
C’est avec ce cahier des charges en tête que la DSI et les responsables BI de la Poste ont effectué un inventaire des systèmes, des briques logicielles déjà en place et des contrats en cours. « Nous avons étudié différents scénarios et nous avons choisi en février 2017 de bâtir notre socle sur BW/4HANA et sur SAP BI pour la restitution », annonce le responsable.
LeMagIT évoquait d’ailleurs en 2015 le choix de la branche Colis d’opter pour SAP HANA couplé au data warehouse SAP BW. C’est un des éléments existants qui a servi de base pour étendre cette architecture décisionnelle. L’ensemble de la BSCC de La Poste avait également « un parc important sur SAP, qu’il n’était pas facile de migrer vers d’autres outils », reconnaît Éric Brun.
Une nouvelle organisation autour du data warehouse SAP BW/4HANA
Cela n’a pas empêché la division de La Poste de faire évoluer les infrastructures et les différentes briques nécessaires au pilotage opérationnel à 360 degrés. « Nous avons re-commandé des infrastructures, opté pour une architecture scalable, nous avons formé les équipes chez SAP, car peu de personnes dans mes équipes connaissaient BW/4HANA », témoigne Éric Brun.
Le socle adopté il y a trois ans permet aujourd’hui de traiter 10 milliards d’événements par mois sur les périodes de pic. « Nous avons chargé plus de 150 sources de données différentes depuis un bus événementiel et nous traitons 18 projets métiers », annonce fièrement le responsable. La plateforme BI transversale repose sur une architecture scale-out et contient 2 To de volume de données utiles in-memory. Elle est hébergée sur site chez oXya, spécialiste des infrastructures SAP. « Nous essayons de stocker le strict nécessaire pour le pilotage avec une profondeur d’historique raisonnable, car le stockage coûte cher », considère le responsable.
Ce socle est désormais développé et amélioré par cinq équipes agiles formées à la méthode S@fe qui travaillent par sprint de deux semaines. Les équipes utilisent les mêmes normes techniques et documentaires avec un référentiel unique. C’est cette approche qui leur a permis de délivrer le premier projet en moins de six mois, en octobre 2017. « C’est une transformation radicale d’un point de vue technologique et méthodologique. Avec les anciens systèmes décisionnels, aucune équipe ne faisait du “vrai agile”. Il y avait de bonnes pratiques, mais nous n’étions pas au niveau de ce que nous faisons aujourd’hui, au quotidien », assure Éric Brun.
Eric BrunResponsable Socle Connaissance 360, BSCC, La Poste
Pour cela, les équipes ont migré ou mis à jour les systèmes SAP compatibles vers SAP BW4/HANA et SAP BI et remplacé les cas d’usage trop anciens, en les redéveloppant pour la nouvelle architecture. « Par exemple, l’activité transport était basée sur une base Oracle avec un ETL vieillissant et du Business Objects. Aujourd’hui, nous allons décommissionner ce système legacy au profit de ce que nous avons fait sur le Socle Connaissance 360. Nous avons réécrit les cas métier et les reportings. La couverture fonctionnelle est élargie, mais nous avons simplifié les choses. En somme, c’est la vocation du socle ».
D’autres produits et plateformes sont en cours de décommissionnement. « C’est un travail important, au long cours », estime le responsable qui évoque la présence de 38 applications décisionnelles legacy avant la construction du socle. « En 2021, nous avons l’enjeu de retirer deux grosses applications décisionnelles basées sur des technologies Oracle utilisées par plus de 3 000 utilisateurs », illustre-t-il.
Concernant le reporting, l’ensemble des systèmes existants permettait d’obtenir des rapports opérationnels à J+1. « Il s’agissait de la chaîne batch traditionnelle qui commence à 21 h et qui, si tout va bien, se termine à 6 h du matin. En cas de problème, ce temps de traitement s’étalait sur une partie de la journée pour mettre des indicateurs à disposition des métiers. Finalement, sur le terrain, ils faisaient du pilotage dans le rétroviseur », commente Éric Brun.
Or certaines promesses de services étaient « non différables » (sic). Résultat, le service client en pâtissait. « Aujourd’hui, les sources de données publient en temps réel sur le bus événementiel SAP, et nous avons la capacité à aller charger les indicateurs par microbatch à l’heure, à la demi-heure, au quart d’heure, suivant les cas métier, et nous sommes en train de monter le module SAP dédié au véritable temps réel pour certains d’entre eux ».
Des gains opérationnels en cours et à venir
S’il y a bien une base technique à ce socle 360, le responsable assure qu’il s’agit avant tout d’apporter une forme de synergie aux équipes concernées. Les différentes unités utilisent désormais les mêmes objets. « Par exemple, quand je souhaite piloter une offre, je pilote bien l’aspect contractualisation, la facturation, la qualité de service, les réclamations et j’ai véritablement une vue à 360 degrés de mon objet métier. Auparavant, je ne pouvais pas le faire : une application était dédiée à chacune de ces tâches sans communiquer ensemble. Il fallait faire beaucoup d’extractions pour recroiser les données, du shadow IT, en l’occurrence ».
Selon Éric Brun, cela a facilité un véritable pilotage opérationnel au quotidien. « Nous avons aussi un reporting basé sur ce que nous n’avons pas traité la veille, afin de nous assurer les prestations dans la journée. Le reporting est très simple : en trois clics, le métier peut remplir un rapport indiquant qu’il doit effectuer une prestation pour un client avant une heure précise ». Cette même donnée est utilisée pour des analyses à moyen terme.
Éric Brun évoque la multiplication des cas d’usage à forte valeur ajoutée reposant sur ce data warehouse in-memory. Il se prépare à la génération de gros volumes de données avec la mise en place du service courrier industriel premium. Elle souhaite optimiser une supply chain encore complexe. Dans ce contexte, la BSCC a installé des rampes de flashage afin de suivre les colis et les lettres, de tracer les contenants et de détecter les erreurs de destination (fausses directions) depuis la plateforme BI.
Par ailleurs, le projet OSRAM (Outil Simplifié de RAccordement Multiflux) permet de mesurer le taux de raccordement. Un colis transite par différentes plateformes de distribution et centres de tri avant d’arriver aux clients. Or, ce colis doit arriver avant une certaine heure pour être livré au client final dans la journée. Jusqu’à récemment ce taux était mesuré manuellement. La direction du Socle Connaissance 360 proposera des rapports hebdomadaires afin d’identifier les axes d’améliorations de sa supply chain dont le raccordement, mais aussi le taux de remplissage des camions. « Le transport chez nous est un centre de coût énorme. Le moindre gain est appréciable », assure Éric Brun. « Nous avons fait beaucoup de BI traditionnelle avec des enjeux opérationnels, maintenant nous souhaitons aller plus loin et continuer à améliorer la qualité de service de la branche ».
Eric BrunResponsable Socle Connaissance 360, BSCC, La Poste
Le responsable indique qu’il n’est pas de son ressort de se lancer dans l’aventure prédictive, le pôle Big Data de La Poste s’en charge. « En revanche, nous avons des axes de réflexion pour embarquer des algorithmes dédiés au traitement de données en temps réel », note-t-il.
Le cloud, une opportunité de débord, tant que les coûts sont maîtrisables
Techniquement, la plateforme BI doit rester à jour et dépasser la fin de vie annoncée de BW/4HANA pour 2027. « Nous avons constaté comme d’autres grands groupes que nous déployions beaucoup d’applications, mais que nous n’avions pas les moyens de les maintenir à jour. Nous avons étudié la volumétrie de données actuelles et à venir. […] Nous suivons la feuille de route SAP, nous savons vers quoi l’éditeur veut nous attirer, nous ne voulons pas y aller à marche forcée, mais le faire quand cela a une plus-value, du sens, quand c’est maîtrisé. En ce sens, nous avons travaillé avec SAP pour planifier notre feuille de route sur les trois ans à venir. » Le responsable évoque notamment le déploiement d’HANA Enterprise.
Cette approche n’est pas des plus aisées selon le responsable, mais elle permettrait de « grandement simplifier » les chemins de migration. Par exemple, le pôle BI de la BSSC étudie le passage de SAP BI 4.3, sur lequel certaines applications commencent à « être à l’étroit », à SAP Business Analytics Cloud (SAC), de préférence. Ce changement induit également la migration vers le cloud public.
« Nous utilisons SAP Business Analytics Cloud (SAC) pour le self-service, mais nous n’allons pas supprimer notre plateforme on premise dès demain. Nous avons 20 000 utilisateurs qui l’utilisent au quotidien » illustre-t-il.
Ce potentiel passage au cloud se fera de manière opportuniste. « Concernant SAC, j’étais mitigé il y a un an ou un an et demi, par rapport à ce que proposent les concurrents pure-player. Aujourd’hui, SAP est à niveau et a beaucoup investi sur cette solution. Nous allons étudier la manière de positionner SAC par rapport à notre infrastructure on-premise. Les conversions de licence sont possibles : nous allons y aller par opportunisme, quand cela est intéressant. Nous ne voulons surtout pas nous disperser : nous avons un fort enjeu sur le coût du run ».
Le passage d’un environnement hétérogène au socle Connaissance 360 a déjà permis de diviser le coût total de possession du back-end IT par 6. À propos du cloud, le responsable Socle Connaissance 360 voit pour l’instant des opportunités de débords pour des cas d’usage à mettre en place rapidement « avec un budget maîtrisé ». Mais la BSCC « veut rester dans le match » et reste attentive à cette technologie qui a su s’imposer dans certains grands groupes.
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