La NASA part à l’exploration de ses données en les décloisonnant
Ron Thompson, Chief Data Officer de la NASA explique la manière dont le potentiel des données pour la science augmente, quand elles sont croisées et désilotées.
Historiquement, les données sont au cœur de la Business Intelligence. Mais aujourd’hui, il est de plus en plus question de les mettre, aussi, au cœur des opérations. C’est exactement ce que fait actuellement Ron Thompson, Chief Data Officer (CDO) et directeur adjoint à la transformation numérique à la NASA. Pour lui, les données sont même un véritable catalyseur du changement scientifique.
DSI de plusieurs entités gouvernementales américaines avant d’arriver à la NASA, Ron Thompson estime que le rôle de CDO doit être « au plus proche des métiers ». Pour lui, un « CDO ne doit pas uniquement s’intéresser aux données, il doit aussi comprendre le fonctionnement global de l’organisation ».
D’après lui, le DSI doit veiller à ce que tous « les voyants soient au vert » pour garantir la continuité des activités. Quant au CDO, sa mission – très complémentaire de celle du DSI – est de se concentrer sur les données, véritable trésor de l’organisation, et de comprendre comment elles peuvent aider les prises de décision et la recherche.
Des tableurs en silos à l’intégration de données
Initialement, la NASA utilisait des tableurs et dupliquait ses données, ce qui aboutissait à des traitements redondants et des données perçues comme peu fiables.
Sous l’autorité de la Human Exploration and Operations Mission Directorate – qui encadre l’utilisation d’applications externes prêtes à l’emploi – l’agence a sélectionné Tibco BusinessWorks comme outil SOA (Service-Oriented Architecture) pour l’intégration des données.
Vu les coûts astronomiques et le niveau d’ingénierie requis pour l’exploration spatiale, l’intégration a un avantage direct et immédiat.
« Nous ne voulons pas collecter deux fois des données », explique le CDO qui continue : « ce que fait la science, c’est prouver qu’une hypothèse est bonne ou erronée. Plus de données peuvent aboutir à se poser une question différemment. Nous devons donc nous assurer de disposer de données historiques pour vérifier ce que nous savons déjà, et ensuite combler les trous [dans notre savoir] avec de nouvelles données. Mais nous ne savons pas toujours qu’il y a des trous dans ce que nous savons ! »
Côté ingénierie, Ron Thompson ne veut pas non plus « répéter les erreurs du passé […] C’est fondamental », insiste-t-il. Un des plus gros défis serait en effet de collecter ces données d’ingénierie – dont certaines n’existent que dans la tête des ingénieurs – pour ensuite les indexer puis les rendre accessibles aussi bien en interne qu’aux partenaires de la NASA.
Le défi se révèle d’ailleurs être plus une problématique humaine et d’organisation, car « techniquement, cela n’a rien de véritablement compliqué », souffle le CDO.
Vers la culture du partage des données
« Nous insufflons un changement organisationnel et de culture chez les collaborateurs », renchérit-il. « La conduite du changement, c’est de l’humain. Il faut comprendre quels impacts le changement aura sur les personnes. Et il faut prendre le temps de leur expliquer le “pourquoi” de ces changements sans oublier de les aider à appréhender leur rôle dans ce grand système qui évolue. »
C’est pour cela, affirme-t-il, que la culture d’entreprise et les RH sont deux axes stratégiques de la NASA.
Les données du soleil pour éclairer d’autres univers de recherche
Jusqu’ici, les collaborateurs faisaient de l’excellent travail avec des technologies sur mesure, mais qui fonctionnent en silos. Or une expertise de niche n’est d’aucun secours lorsque l’on a besoin d’une vision d’ensemble pour tirer de nouvelles conclusions, resitue Ron Thompson.
Pour lui, il faut donc faire deux choses pour chaque data set d’un domaine donné.
La première est de fournir des données suffisamment complètes pour qu’un expert du domaine puisse les explorer (drill down, etc.) comme bon lui semble. La seconde est d’ouvrir ces jeux de données aux experts d’autres domaines pour qu’ils puissent, eux aussi, en tirer des insights.
Ron ThompsonCDO de la NASA
« Nous devons pouvoir toucher ces deux types d’audiences. Or à la NASA, nous sommes plutôt des profils de spécialistes. Nous n’avons pas toujours saisi l’intérêt d’avoir une perspective plus large. Mais c’est important. Par exemple, notre responsable scientifique a besoin d’un parfait connaisseur des volcans – pas sur Terre – mais sur Europe [un des satellites de Jupiter]. » Ce type de savoirs transverses présupposent un partage et une intégration des données.
Les horizons qu’ouvre ce désilotage semblent infinis.
« Par exemple, nous collectons et nous étudions des données sur le soleil pour prédire les taches solaires et les éruptions qui peuvent perturber les communications [électroniques jusque sur terre]. Ces jeux de données sont conçus à des fins bien précises » illustre Ron Thompson. « Il y a aujourd’hui l’opportunité de consulter ces 20 000 jeux de données [sur le soleil] pour en faire autre chose en les combinant à d’autres jeux ».
De quoi accélérer l’exploration spatiale et les découvertes en astronomie, espère le CDO. « C’est vraiment fascinant. Nous sommes impatients de voir ce qui sortira de ces croisements de sources. »