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La DSI de VINCI déploie une stratégie « numérique responsable »

En juin 2022, la DSI groupe de VINCI a créé un poste de manager pour piloter sa politique Green IT, qui a depuis intégré d’autres enjeux pour englober le numérique responsable. Les premières actions portent sur les terminaux et les achats.

En matière de Green IT, VINCI ne partait pas d’une feuille blanche. Organisation « très décentralisée », VINCI se compose de différents pôles : Construction, Énergies, Concessions, Autoroutes et Immobilier.

Chacun d’entre eux avait initié avant 2022 des actions dans le domaine du « green », bien souvent sur des axes spécifiques qui vont de la gestion écoresponsable des équipements informatiques, jusqu’à l’écoconception et l’accessibilité numérique. VINCI disposait également en central d’un collectif Green IT soutenu par la direction de l’environnement.

Un Manager Green IT pour fédérer et diffuser

À la DSI groupe aussi, les différents métiers et directions (infrastructure & réseaux, Achats IT, solutions et services numériques, cybersécurité, Data, Change) étaient sensibilisés et déjà engagés sur des actions Green IT.

« Les “Achats” travaillent à l’intégration des critères RSE lors des appels d’offres. Ils challengent aussi les fournisseurs sur les moyens d’allonger la durée de vie de nos équipements au moment de l’achat », illustre Marie Ait Daoud, Green IT Manager au sein de la DSI Groupe VINCI.

Arrivée dans l’entreprise en juin 2022 au travers d’une création de poste, sa mission était de fédérer ces initiatives multiples pour les porter à l’échelle du groupe. Le périmètre a toutefois été rapidement étendu pour intégrer une dimension sociale et éthique dans le cadre d’une politique numérique responsable.

La première action de Marie Ait Daoud a consisté à lister « les différentes initiatives de la DSI, mais aussi des pôles » du groupe VINCI. Un comité de projet composé d’un responsable Green IT de chaque pôle a aussi été mis sur pied. Chaque référent a la responsabilité de piloter et de coordonner des actions « numériques responsables » au sein de son pôle.

Le comité se réunit tous les mois pour définir la feuille de route numérique responsable et suivre son avancement. « Il s’agit d’un programme transverse. Il touche toute la durée de vie de l’IT chez VINCI, de l’achat ou la conception, jusqu’à la fin de vie. Il est en outre co-construit avec l’ensemble des pôles dont les démarches étaient antérieures à mon arrivée », insiste la Green IT Manager.

POSIT’V définit la trajectoire numérique responsable du groupe

Intitulé POSIT’V (acronyme de Path Of Sustainable IT by VINCI), le nom du programme définit « la trajectoire numérique responsable du groupe » et le ton recherché. « Sur les questions sociales et environnementales, l’image renvoyée peut assez facilement devenir culpabilisante et réduire le numérique à sa dimension négative », prévient Marie Ait Daoud. Avec des impacts potentiels sur l’adhésion.

« Notre volonté n’est pas d’arrêter la technologie, car elle serait polluante. Mais de raisonner et d’être dans la sobriété », ajoute la pilote de POSIT’V. À la sobriété numérique est venu se greffer un volet social et éthique axé sur l’accessibilité du numérique et qui s’est traduit par des actions de sensibilisation.

Pour réduire ses impacts environnementaux et sociaux, la DSI a identifié trois objectifs principaux :

  1. Favoriser l’économie circulaire (« la matière est le premier poste de pollution »),
  2. encourager la sobriété numérique (« réfléchir à l’apport de la digitalisation et à la compensation de ses effets de bord »),
  3. et rendre le numérique éthique, inclusif et socialement responsable (« ce qui passe par l’accessibilité et le confort numérique au travail »).

Le déploiement de la feuille de route pour atteindre ces objectifs globaux s’opère progressivement. Le début du programme POSIT’V remonte à juin 2022. La première année a été consacrée, entre autres, à la comitologie (identification des sachants, création des comités de projet et de pilotage, etc.).

La deuxième année se concentre sur la mesure. Pour Marie Ait Daoud, cette étape devrait toutefois durer deux ans. « Les aspects sociaux sont plus complexes à mesurer que ceux liés à l’écologie. La mesure se fera sans doute plus sur des indicateurs qualitatifs que quantitatifs », explique-t-elle.

Un tableau de bord pour le suivi des indicateurs

L’entreprise s’est fixé un cap et des objectifs chiffrés. « Nous voulions commencer modestement et alimenter progressivement notre feuille de route ». Pour le suivi, VINCI s’est doté d’un tableau de bord.

Sur la mesure, les travaux se poursuivent ; sans que cela soit pour autant un obstacle à de premières décisions, comme l’allongement de la durée de vie des équipements à minimum 5 ans. Ce cycle peut être allongé au-delà de cette période « lorsque les contraintes de sécurité le permettent ».

Sur le recyclage et le réemploi, VINCI s’efforce aussi de progresser, notamment avec des dons d’équipements. Cette ambition n’est pas simple à concrétiser… faute de candidats à la reprise de terminaux anciens. Le recours à une part croissante de smartphones reconditionnés sera probablement plus facile à développer.

Pour évaluer ses progrès, la DSI de VINCI suit également la participation à sa formation en e-learning proposée à tous les collaborateurs du groupe. Outre une présentation des enjeux du numérique responsable, la session en ligne d’une vingtaine de minutes diffuse des bonnes pratiques. Son but est de « permettre aux salariés, à leur échelle, de contribuer à réduire l’impact du numérique. »

Le tableau de bord central suit, par pôle, le nombre de collaborateurs qui ont fini ce « passeport » – nom retenu pour souligner qu’il s’agit « d’une porte d’entrée vers un numérique responsable ».

La mesure concerne aussi l’impact du numérique lui-même. Pour procéder à la remontée automatique d’une grande partie des données au niveau de la holding, la manager Green IT a proposé un outil GreenOps. D’autres données sont collectées via des fichiers : « elles complètent les informations dont nous avons besoin pour réaliser un bilan environnemental du numérique de VINCI SA ».

D’autres pôles disposent de solutions de captation des données, développées sur mesure, comme l’estimateur Green IT élaboré par VINCI Énergies. Cette hétérogénéité ne serait cependant pas un frein.

Plusieurs outils GreenOps, mais une même méthode

« Peu importe l’outil, nous sommes sur les mêmes bases de calcul, c’est-à-dire les mêmes facteurs d’émission […]. Deux pôles et la holding se retrouvent et s’appuient sur les méthodes de l’Ademe pour la majorité des calculs. »

VINCI a aussi recours à des ressources fournies par Boavizta, un groupe de travail sur l’évaluation des impacts environnementaux du numérique des organisations, ainsi qu’aux informations communiquées par les constructeurs eux-mêmes.

Avant même de finaliser la mesure, VINCI a initié les actions sur un poste d’émissions aujourd’hui bien identifié : les terminaux.

« La mesure nous a plutôt aidés à définir notre ratio d’impact entre hardware et software, par exemple, pour nous c’est plutôt 70/30, ce qui est cohérent avec la littérature. » La mesure présente aussi des usages à différents moments clés. « En cas de renouvellement, nous pouvons mesurer directement l’impact CO2 ». Elle permet en outre de procéder à des simulations et donc de définir les actions les plus pertinentes avec l’objectif de réduction des émissions annuelles fixé en amont.

Un affinement du volet mesure est-il à l’ordre du jour ? Marie Ait Daoud ne veut pas y consacrer tous ses efforts. Elle juge d’ailleurs impropre le terme de mesure. « Je préfère parler d’estimation », précise-t-elle. En outre, l’essentiel serait ailleurs : « pouvoir suivre une tendance. »

De la vision carbone à la vue multicritère

En revanche, à défaut d’affiner, d’autres indicateurs pourraient s’ajouter.

Au départ, la solution de VINCI se focalisait sur le CO2, soit une vision « carbone ». Aujourd’hui, le groupe commence à suivre la consommation d’eau et se dirige vers une analyse multicritère (eau, biodiversité, épuisement des ressources, acidification des sols, etc.).

En « étant optimiste », la disponibilité de ces critères pourrait intervenir d’ici 3 à 5 ans, estime la Green IT Manager. Mais comme dit précédemment, même en l’absence d’une vision Data plus exhaustive, VINCI a donc entrepris de premières actions concrètes « dans un environnement hyper décentralisé qui nécessite de passer par des groupes de travail. »

Parmi celles-ci, les achats IT afin – par exemple – de définir les contours d’achats de terminaux reconditionnés. Un appel d’offres pour des smartphones reconditionnés a d’ailleurs été piloté par la responsable des Achats IT groupe, fruit d’un travail entre experts Green IT, acheteurs IT et direction RSE.

Un autre groupe de travail piloté par le directeur des infrastructures et réseaux a pour but d’élaborer une directive d’allongement de la durée de vie dans tout VINCI et de détailler les moyens d’y parvenir.

Quant à l’écoconception, elle constituera un sujet pour l’entreprise en 2025, indique-t-elle au MagIT. Sept membres de la DSI y ont cependant déjà été formés. « Ce n’est pas un thème à l’ordre du jour. D’autres groupes de travail sont en cours. Outre les achats et l’infrastructure et réseau, un groupe sur les DEEE [N.D.L.R. :  déchets d’équipements électriques et électroniques] devrait commencer cette année dans l’idée d’homogénéiser et d’optimiser nos process sur la fin de vie des équipements. »

Impliquer les collaborateurs par la gamification

VINCI planche en outre sur la conception de supports et d’ateliers de sensibilisation. Ces ateliers portent sur différentes thématiques, comme l’accessibilité et le nettoyage des données.

« Nous sommes conscients que ce n’est pas là que se joue le numérique responsable en termes d’impacts, mais le nettoyage représente néanmoins deux bénéfices : engager le collaborateur et rendre l’espace numérique du travail du collaborateur beaucoup plus confortable. »

Pour favoriser l’engagement, la DSI a aussi fait le choix de l’acquisition en pilote de la solution Carbone Score, testée au niveau de la holding auprès de ses collaborateurs. L’application permet de suivre l’impact de certains usages numériques, comme la messagerie Outlook, OneDrive et Teams. Selon le profil des utilisateurs, le logiciel recommande de bonnes pratiques.

Embarquant des quizz, des challenges, des points d’expérience, l’application doit susciter une émulation, avance la responsable Green IT. Sur l’accessibilité, l’entreprise a aussi recours à des ateliers en réalité virtuelle, qui permettent de se projeter dans la situation d’une personne en situation de handicap et ainsi de sensibiliser.

La problématique de l’accessibilité est portée en binôme avec la direction applicative. Sur cet axe, chefs de projets et développeurs sont formés et sensibilisés afin que soient intégrées les exigences d’accessibilité dans le développement et la mise à jour des sites du groupe VINCI.

Et quid enfin de l’IT for Green, soit le recours à l’IT pour améliorer l’impact des opérations et pas seulement IT ? Les initiatives dans ce domaine sont là aussi décentralisées et non consolidées à ce jour au niveau central. Elles existent néanmoins.

« Un pôle a mis en place une plateforme de mutualisation des engins de chantiers. Elle fonctionne très bien et avec un impact environnemental considérable », cite ainsi Marie Ait Daoud. L’IT for Green en tant que programme centralisé constitue donc un autre gros chantier pour Vinci.

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