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La Bank of England se prépare au Big Bang de son IT
Après 23 ans de bons et loyaux services, le système coeur de la banque centrale anglaise va être changé pour 150 millions £. Son successeur sera conçu à partir d'une feuille blanche. Il n'intègrera ni Cloud, ni Blockchain.
D'ici 2025, la Banque d'Angleterre aura remplacé son système central, qui sert à gérer les paiements interbancaires, après une migration massive.
Le système de règlement brut en temps réel (RBTR ou RTGS en anglais) - son nom officiel - a pour mission d'exécuter les paiements effectués sur différents systèmes, dont les deux chambres de compensations CHAPS (Clearing House Automated Payments System) et BACs (Bankers’ Automated Clearing Services).
Un projet à finaliser en 5 ans
Ce système IT - ô combien critique - au coeur du coeur de la banque centrale, est en production depuis 1996. Il est essentiel pour assurer la circulation de l'argent dans l'économie. En moyenne, il gère 600 milliards de livres sterling de transactions par jour.
Après 23 ans de bons et loyaux services, sa retraite est entérinée. Ce mois-ci, la Bank of England a en effet publié un avis de marché au Journal Officiel de l'Union Européenne pour informer les fournisseurs potentiels de ses attentes. Un partenaire technologique sera choisi en mai 2020, pour un contrat d'un montant maximum de 150 millions de livres sterling, support compris.
Quel que soit le vainqueur, il aura la charge d'un système jugé d'importance nationale et devra assumer la responsabilité d'un projet soigneusement planifié sur six ans.
« Mind the gap » : un « fall back » de transition déjà prévu
Victoria Cleland, Directrice exécutive des services bancaires, des paiements et de l'innovation à la Banque d'Angleterre, a déclaré à nos collègues de ComputerWeekly (groupe Techtarget, également propriétaire du MagIT) qu'elle s'attendait « à un changement très important ». Selon elle, « le RTGS, c'est le Grand Livre derrière des transactions de paiement qui atteignent plusieurs centaines de milliards de livres par jour. Nous ne pouvons pas avoir certains de nos membres sur le système, et d'autres qui ne le sont pas ».
Une partie du défi consiste en effet à s'assurer que toutes les organisations - principalement les banques - qui sont en relation avec le RBTR soient également prêtes à basculer. « Ce n'est pas seulement la Banque d'Angleterre qui doit être prête - nous devons aussi nous assurer que toute l'industrie l'est », résume Victoria Cleland.
La responsable explique également qu'à l'issue de discussions avec son département informatique interne, il est probable que la banque gardera en place le système existant pendant un certain temps pour qu'il fonctionne en parallèle du nouveau, en guise de solution de secours. « De cette manière, s'il y avait le moindre problème, on sait qu'on pourrait repasser dessus. »
Feuille blanche
Parmi ses objectifs, la Bank of England avance la nécessité de moderniser son existant, de le rendre plus ouvert à d'autres entreprises qui pourront se connecter plus directement, et d'une disponibilité 24 heures sur 24.
Même si, comme la plupart des grands systèmes IT, celui de la Banque d'Angleterre a constamment fait l'objet de « petites » mises à jours au fil des ans, la vitesse de l'évolution des industries financières et informatiques imposerait aujourd'hui une mise à niveau majeure.
« Nous en sommes arrivés au point où, si vous voulez apportez des changements fondamentaux - comme de rendre le système disponible 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 et augmenter sa capacité - il vaut mieux tout reprendre à zéro », tranche Victoria Cleland.
Mais repartir d'une feuille blanche modifie l'échéancier initial du projet. En 2016, la Bank of England avait fixé 2020 comme date de remplacement du RTGS. Elle est maintenant prévue pour 2025.
Les cinq objectifs de la migration
« Quand le programme a commencé, nous avions prévu un certain calendrier. Mais depuis, nous avons beaucoup travaillé avec notre industrie pour déterminer ce qu'elle voulait et la meilleure façon de le concrétiser », précise la responsable. « Nous nous dirigeons à présent plus vers 2025, avec un certain nombre de point de passage d'ici là ».
« Il faut dire que ce que nous voulons faire est un peu plus ambitieux qu'au départ. Nous prévoyons des choses passionnantes en matière d'innovation. Nous cherchons également des moyens d'intégrer plus de participants », justifie-t-elle.
Au final, le projet s'est fixé cinq grands objectifs : accroître la résilience du système, en élargir l'accès (à de nouveaux acteurs), accroître son interopérabilité (à de nouvelles technologies), améliorer l'ergonomie fonctionnelle pour les utilisateurs et renforcer la gestion du risques de bout en bout.
S'ouvrir aux acteurs non bancaires et à la FinTech
Pour établir cette liste, la Banque d'Angleterre a regardé de près l'évolution du secteur des services financiers. Elle en a conclue qu'il fallait un système qui, non seulement offre davantage de fonctionnalités, mais qui facilite aussi l'adhésion de nouvelles organisations.
Ce point clef a déjà débouché sur un changement de sa politique qui stipule à présent que des sociétés non bancaires peuvent devenir membres. « Cette mesure a été adoptée l'an dernier pour favoriser la concurrence et l'innovation » explique Victoria Cleland. La fintech spécialiste des transferts internationaux de fonds en peer-to-peer Transferwise est un exemple de nouveau membre non bancaire. D'autres devraient suivre, prévoit la responsable.
No Cloud, No Blockchain
Concernant le cahier des charges du futur partenaire informatique, la sécurité, la réactivité, la robustesse et l'expertise en matière de paiements arrivent en tête des priorités.
Pour la responsable, en revanche, le Cloud n'est pas envisagé à ce stade. Des discussions ont également eu lieu pour savoir si les registres numériques distribués (DLT) - en clair la Blockchain - pouvaient jouer un rôle dans le nouveau système.
« Nous avons décidé de ne pas utiliser de registre distribué parce que nous ne les avons pas vus utilisés à cette échelle, pas pour quelque chose d'aussi important. Mais nous avons vraiment hâte de voir si les entreprises qui l'utilisent peuvent le relier au système », se réjouit la responsable. « Nous n'utilisons pas [de DLT], mais nous créerons les conditions pour que d'autres puissent le faire ».