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F1 : comment l’écurie Mercedes met le turbo avec Tibco
L’analyse de données est au cœur de la stratégie de gagne Mercedes-AMG Petronas Motorsport et compte bien sur son dispositif Tibco pour y parvenir
Dans une course de Formule 1, un millionième de seconde peut faire la différence et qualifier ou non un pilote. Cela peut se jouer à un écart de 6 centimètre entre deux voitures, alors en course.
Avec une telle marge, les écuries ont tout intérêt à mesurer le moindre indicateur de performances d’une voiture. La collecte et l’analyse de données lors de chaque course et ici indispensable.
C’est ce qu’a entrepris l’équipe Mercedes-AMG Petronas Motorsport, qui compte bien exploiter ces données pour en faire un vrai partenaire de la victoire. En tant que vainqueur du championnat du monde 2016, l’écurie, et ses pilotes Lewis Hamilton et Valterri Bottas, ont de hauts niveaux d’exigence. Et ils ont déjà montré leur engagement lors de la saison 2017 : Lewis Hamilton a gagné le Grand Prix d’Italie à Monza le 3 septembre dernier, battant Sébastien Vettel sur Ferrari pour quelques 36 secondes. Une victoire qui a placé Hamilton en tête du classement des pilotes pour cette année.
Se rapprocher du rythme de la donnée
L’écurie Mercedes-AMG Petronas Motorsport doit autant cette victoire à ses pilotes talentueux qu’aux technologies avancées mises en place lors des courses. L’équipe, en effet, développe actuellement des outisl analytiques pour optimiser les performances de ses dernières F1, un modèle de Silver Arrow, en fibre de carbone, réputée comme étant les plus puissantes de l’histoire de la Formule 1.
Chaque voiture embarque 200 capteurs qui génèrent des millions de données lors des courses – l’équivalent de 300 Go de données. Si l’on ajoute à cette équation des données plus métiers, ce sont 45 To de données à gérer par semaine.
Avec un tel volume de données à analyser, l’équipe a du accroître ses ressources, explique Matt Harris, en charge de l’IT pour Mercedes-AMG Petronas Motosport. Celle-ci emploie 800 personnes dans son siège à Barckley, pas loin de Silverstone, circuit du Grand Prix britannique.
700 autres employés sont situés à Brixworth, siège de Mercedes AMG High Performances Powertrains, qui conçoit et fabrique les groupes-moteur pour Mercedes-AMG Petronas Motorsport et d’autres équipes, comme Williams, Lotus et Sahara Force India.
Pour gérer ses données, l’équipe Mercedes a signé un accord avec Tibco, en avril. Celui-ci porte notamment sur la mise en place d’une « équipe virtuelle » de data analystes qui accompagnera les personnes en place chargées de la motorisation. L’équipe de Mercedes a donné carte blanche aux analystes de Tibco pour manipuler les données et identifier des patterns que les ingénieurs du groupe auraient pu manquer.
Les deux groupes prévoient à terme de mutualiser leurs ressources pour analyser les données depuis les circuits. Avec ce dispositif, ils souhaitent identifier des formes d’exceptions ou encore les aider à optimiser les performances des F1. Et le DSI est sûr qu’à terme, les équipes pourront identifier précisément pourquoi un concurrent a passé le drapeau avant les véhicules de l’écurie.
Les variables sont nombreuses – la pression des pneus, le poids de la voiture, les temps au tour, les trajectoires prises par le pilote – et peuvent toutes jouer un rôle clé. « Nous avons accès à toutes ces informations, mais quelles données faut-il regarder et lesquelles devons-nous ignorer car sans valeur ? », illustre Matt Harris.
Capturer la donnée à la volée
L’équipe Mercedes a commencé à collaborer avec Qualcomm en 2015 pour développer une technologie capable de télécharger automatiquement des données collectées par un réseau de capteurs, intégrés aux F1. Avant cela, l’équipe devait attendre que les voitures soient arrivées au stand pour rapatrier les données, une fois « branchées ». Mais Mercedes a travaillé avec Qualcomm pour développer et tester une technologie qui télécharge les données en mouvement. Cela permet aux ingénieurs d’avoir plus de temps pour optimiser les performances de la voiture.
La dernière itération décharge les données en deux étapes. Dès que la F1 passe la ligne, le transfert de données débute via Gigabit WiFi, avant de passer sur une transmission en 60 Ghz à 4 mètres du garage. La transmission se poursuit jusqu’à ce que le véhicule soit garé.
Ces quelques données, grappillées alors que la F1 est encore en mouvement, sont très critiques. Les ingénieurs ont plus de temps pour analyser les performances, et cela peut faire la différence lors d’une qualification.
L’équipe Mercedes se repose sur un réseau développé par Tata Communications pour envoyer les données depuis le circuit vers une équipe d’ingénieurs localisée à Brackley. Là, entre 30 et 50 personnes analysent ces données pour ajuster la configuration de l’auto.
La prochaine étape consiste à utiliser la technologie Streambase de Tibco pour prendre en compte plus de données dans les analyses en mouvement. Le but de ce projet est de permettre aux ingénieurs de travailler plus efficacement pendant le lapse de temps entre l’échauffement et les tours de qualification – soit 90 minutes.
Matt Harris pense que cela peut donner jusqu’à 20 minutes supplémentaires pour adapter la F1, rien qu’en réduisant le temps de téléchargement et d’analyse des données importantes. « Les mécaniciens sont sous pression pendant 70 minutes. Si on leur donne 20 minutes de plus, il est probable qu’ils fassent moins d’erreurs », estime-t-il.
La ligne de départ
Deux ingénieurs du groupe ont eu l’idée d’utiliser Tibco il y a 2 ans, alors qu’ils travaillaient à améliorer la boite de vitesse des F1. Cette même technologie était aussi évaluée par les équipes de Brixworth pour améliorer les performances des moteurs.
Cela a pris un an pour déterminer la meilleure façon d’utiliser la technologie, commente le DSI. Une demi-douzaine de personnes teste actuellement la technologie, mais ce nombre devrait rapidement progresser. L’équipe devrait très prochainement utiliser l’analyse de données pour améliorer les tests de régression pour les mises à jour logicielles. Dans les mois à venir, Matt Harris pense que cela sera aussi utilisé pour mesurer les performances de la boîte de vitesse.
Les outils analytiques de Tibco seront également exploités pour permettre à Mercedes-AMG Petronas Motorsport de comparer des simulations d’avant-course avec les performances ressorties pendant la course. Ce dispositif se repose sur une technique mathématique, l’analyse Monte Carlo. Ce système permet par exemple d’analyser le niveau de performances des pneus et quel est le bon moment pour s’arrêter aux stands.
Anticiper les problèmes
Comme toutes les équipes, Mercedes reçoit également des données sur les temps de course, GPS et la météo via la Fédération Internationale de l’Automobile (FIA). Cela permet par exemple de prédire la dégradation des pneumatiques, ou quand un arrêt au stand est nécessaire.
Par exemple, au Grand Prix de Monaco, Hamilton et Bottas changent généralement 100 fois de vitesse par tour, ce qui génère des centaines de données. En comparant les données avec celles des courses précédentes, les ingénieurs peuvent travailler sur l’impact du changement de rapport sur la durée de vie de la boîte de vitesse. Cette prédiction permet de savoir, avec un bon niveau de certitude, si la voiture finira ou pas la course.
Un filtre de données
Les équipes de Mercedes prévoient également d’utiliser les technologies de Tibco pour filtrer les données les plus importantes. « Il s’agit d’éliminer les informations lambda. Il n’est pas nécessaire de prendre en compte les données qui reviennent à chaque tour. Il faut les ignorer et se concentrer sur les différentiels », commente le responsable.
Les ingénieurs peuvent établir des corrélations entre les modifications effectuées et les niveaux de performances atteints, et ainsi prendre des décisions à partir d’informations pertinentes et non à partir d’intuitions.