Mathias Rosenthal - Fotolia

ERP : Del Monte Foods a migré son SAP vers un cloud public

Suite à une acquisition, Del Monte Foods avait à la fois des systèmes sur site et hébergés, ce qui s'est avéré coûteux et peu flexible. Depuis, l'entreprise a transféré son IT sur AWS.

Del Monte Foods a migré son ERP SAP vers Amazon Web Services, ce qui met l'entreprise dans la toute petite catégorie de celles qui ont complètement migré vers le cloud, dixit plusieurs analystes. Mais Del Monte avait de bonnes raisons de le faire, selon Chad Anderson, son vice-président et CIO.

Suite à une acquisition, Del Monte Foods a en effet dû exploiter à la fois des serveurs physiques sur site tout en ayant des serveurs virtuels dans un environnement hébergé. Mais les serveurs physiques avaient besoin d'être mis à niveau, et les serveurs virtuels n'ont pas donné la flexibilité souhaité, explique Chad Anderson.

La multinationale - qui vend des fruits, des légumes, des tomates et des bouillons - s'est alors fixé un objectif clair de migration. Elle souhaitait mettre à niveau son ERP sans « aucune perturbation pour les utilisateurs ni d'interruption de l'activité », raconte le DSI. « Le but ultime était que ça se passe comme si rien ne se passait ».

De SAP à AWS

Del Monte a implémenté SAP ERP Central Component en 2015. Depuis, l'entreprise est en train de le déprécier. Parmi les options possibles, un passage au cloud de SAP aurait pu être envisagé mais il signifiait une mise à niveau vers S/4HANA, dixit Chad Anderson. Mais il se peut que le coût du projet en ait été augmenté considérablement.

La migration d'un ERP vers AWS, en revanche, était séduisante. Elle pouvait permettre à Del Monte de consolider son IT, dont son ERP, sur une seule plate-forme. De plus, l'entreprise avait une certaine expérience d'AWS, qu'elle avait déjà utilisé pour remplacer un centre de données et fournir des ressources informatiques à la demande.

L'équipe IT de Del Monte a effectué le changement de plateforme pendant un weekend - un changement effectivement invisible pour les utilisateurs. D'après le DSI, la migration n'a nécessité aucune modification des processus métiers, ce qui a aussi permis d'éviter une gestion du changement coûteuse et fastidieuse.

Del Monte a au passage confié la gestion de son ERP à Accenture, qui a réalisé une migration d'une centaine d'applications en quatre mois environ.

La migration de SAP vers AWS aurait au final réduit le coût de l'IT de Del Monte d'environ 35 %, selon Chad Anderson. La migration s'est achevée l'année dernière et a été révélée par Accenture.

Les éditeurs poussent vers le cloud, les clients résistent

Les éditeurs d'ERP souhaitent ardemment que leurs clients migrent vers leur cloud. Mais les enquêtes montrent que les utilisateurs sont réticents à déplacer leurs systèmes névralgiques comme cela.

« Del Monte est un peu en avance de phase en ce qui concerne l'adoption du cloud », resitue David Wagner, vice-président en charge de la recherche chez Computer Economics.

Les fournisseurs d'ERP « présentent leurs cloud en disant qu'ils sont plus rapides et plus efficaces, parce qu'ils ont spécialement été architecturés pour leurs applications », constate l'analyste. Mais un avantage clef d'Amazon ou d'Azure est que leurs outils d'administration et de gestion « sont généralement meilleurs » que ce que les éditeurs d'ERP seraient capables d'offrir.

Dans un sondage réalisé en 2019, Computer Economics a constaté que la majorité (61 % précisément) des utilisateurs ayant répondu, sont toujours sur site. Parmi les autres, 19 % sont hébergés par un fournisseur ou un partenaire, et seulement 20 % sont dans le cloud public.

Pour Chad Anderson, le DSI de Del Monte, AWS était pourtant un choix logique. Son groupe avait déjà une expérience avec la plateforme d'Amazon dans l'exécution de certains workloads. AWS pouvait également assez simplement gérer la quasi-totalité de ses applications.

La migration de l'ERP de Del Monte s'est cependant déroulée par étapes. La première, pour voir, a été de déplacer les environnements de tests et l'assurance qualité. Cette phase a aidé Chad Anderson et son équipe à comprendre la séquence à suivre pour que tout se passe correctement. Un des enseignements a été par exemple que les systèmes devaient continuer à fonctionner comme s'ils étaient dans un centre de données classique - c'est à dire les uns à côté des autres. « Les impératifs d'architecture ne changent pas tant que ça », résume-t-il.

Concrètement, maintenir la proximité des systèmes dans le cloud signifiait les déployer dans la même zone de disponibilité d'AWS, précise le DSI. Résultat, la latence entre les machines aujourd'hui « est pratiquement nulle ».

Au cours des trois mois précédant la bascule, Del Monte a gelé tous ses autres projets IT pour se concentrer sur la migration des applications SAP ERP - la chaîne d'approvisionnement, la gestion des entrepôts, la distribution, la comptabilité et les achats (son système RH étant ADP Vantage).

Avec le recul, Chad Anderson partage qu'une des leçons les plus importantes qu'il a apprises lors de cette migration est qu'il faut faire en amont un bon inventaire des actifs logiciels. Tout doit être compatible avec AWS. Or malgré sa proximité avec Amazon, la multinationale a trouvé quelques systèmes qui nécessitaient des mises à niveau et / ou quelques changements avant de pouvoir migrer.

Reste que les clients de SAP sont confrontés à l'échéance de 2025, date à laquelle ils devront commencer à très sérieusement envisager migrer vers S/4HANA. Del Monte ne fait pas exception. Pour Chad Anderson, cette migration potentielle à venir est une préoccupation en raison du travail qu'impliquera ce changement, même si AWS supporte également S/4HANA.

Pas de tentation SaaS

Charles King, analyste chez Pund-IT, explique que les fournisseurs de cloud - en premier lieu AWS, Google, Microsoft et IBM - « ont considérablement amélioré la performance, la capacité, la qualité et la variété des services pris en charge par leurs plateformes ».

« Au fur et à mesure que cette évolution se poursuivra, nous verrons probablement de plus en plus de grandes entreprises tirer pleinement parti de ces infrastructures », prédit-il.

D'ici là, les éditeurs d'ERP continueront de pousser à migrer vers leurs plates-formes cloud ou à adopter leur SaaS. Beaucoup de clients utilisent d'ailleurs déjà un ERP en mode cloud, mais plus dans un modèle hybride.

Passer à un mode pur SaaS est en effet assez différent d'une migration comme celle qu'a faite Del Monte. La multinationale du fruit n'a pas eu migrer à d'ERP à proprement dit. Elle migré son ERP existant vers une infrastructure différente. A l'inverse, le passage au SaaS entraîne souvent des coûts supplémentaires à cause de workflows qui doivent être refondus et de la formation des utilisateurs si les processus métier doivent être modifiés, souligne Frank Scavo de Computer Economics. Ce qui peut augmenter les coûts de migration de 5 % à 20 %, en particulier à cause de l'accompagnement au changement qui devient nécessaire.

« C'est aussi une question de risque », ajoute Frank Scavo. « [Dans le cas du SaaS ou d'un passage à S/4HANA] ce qui n'est qu'une simple migration de plate-forme devient un changement de processus métiers et cela affecte la façon dont les collaborateurs travaillent ». Bref, ce n'aurait plus du tout été la même histoire.

Pour approfondir sur ERP (PGI)