Derichebourg se crée une nouvelle filiale grâce à l'IT
Lors d’un appel d’offres, le groupe de gestion externalisée des services s’est lancé dans un projet de plateforme IT pour automatiser les tâches et centraliser les données. À la clef, il a lancé une nouvelle activité : Derichebourg Facilty Management.
Imaginez. Vous réservez une salle de réunion. Vous lancez votre application corporate. Vous choisissez votre créneau (disons pour dans trois jours). Et là, sans que vous ne demandiez rien d’autre, cette simple action déclenche une intervention de nettoyage.
Mieux. La veille, une notification vous confirme que votre salle est prête, impeccable, bien rangée. Tout fonctionne. La climatisation est à 22. Seul bémol : une chaise est cassée. Pas bien grave, pensez-vous.
Encore mieux. Le jour J, vous arrivez sur place. Surprise : pas de chaise cassée. Elle a été remplacée. Alors que vous n’avez rien fait. Pourquoi ? Parce que la personne en charge du ménage, en vous signalant ce qui n’allait pas sur son application, a automatiquement lancé son remplacement par un autre service en charge du mobilier.
Rien de révolutionnaire ? Et pourtant. Dans beaucoup d’entreprises, une telle gestion des services généraux (Facilty Management) tient de la pure science-fiction. Les demandes et les prises en charge des tickets sont des démarches peu ergonomiques, sans réel suivi pour ceux qui demandent l’intervention, et les répartitions entre responsables et agents sont peu voire pas du tout automatisées. Quant aux gestionnaires et donneurs d’ordres, avoir des KPI reste un casse-tête.
En 2020, on peut néanmoins penser que l’IT devrait aider à arriver à cette fluidité et rendre transparentes et quantifiables des interventions terrain (Field Management), même multiples.
Derichbourg Facilty Management
C’est en se faisant cette réflexion que Derichbourg – en réponse à un prospect lors d’un appel d’offres – est purement et simplement arrivé à créer une nouvelle filiale : Derichbourg FM (au sein de sa division Derichbourg Multiservices).
Le groupe Derichbourg
Derichbourg est un groupe français spécialiste de l’externalisation des services aux entreprises et « de la gestion de l’environnement ». Il réalise presque 3 milliards d’euros de CA.
Le groupe est divisé en deux grandes entreprises distinctes et séparées : Derichebourg Environnement et Derichebourg Multiservices (860 millions de CA).
La première s’occupe de la collecte des déchets (y compris pour les collectivités locales) et du recyclage de nombreux matériaux (ferrailles, appareils électroménagers, etc.). La deuxième est un conglomérat d’une vingtaine de filiales qui vont de l’entretien d’espaces verts et du mobilier urbain, à l’intérim spécialisé dans l’aéronautique en passant par le nettoyage industriel, la gestion des services généraux en milieu critique (comme le nucléaire) ou encore la télésurveillance ou la logistique des entrepôts.
C’est au sein de Derichebourg Multiservices qu’a été créée en 2018, et en s’appuyant ServiceNow, une nouvelle filiale : Derichebourg FM, axé sur la propreté.
« La filiale FM s’est montée en même temps que la recherche d’un outil [IT] », se souvient Sandrine Radé, Directrice de la Transformation Numérique de Derichebourg Multiservices. « Nous avions répondu à l’appel d’offres d’un très gros client [N.D.R. : qu’elle ne citera pas]. Il nous a fallu trouver une plateforme souple pour proposer des catalogues de services qui puissent monitorer l’activité ». En plus d’être souple, l’outil devait pouvoir centraliser les données des interventions des différents métiers, que ce soit pour afficher des KPI ou objectiver le respect des SLA.
Derichebourg Multiservices finit par trouver son Graal avec ServiceNow. « On a gagné le projet. Nouvelle filiale. Nouveaux usages. Nouveau métier. Nouvel outil… Un enjeu sympathique », en rigole Sandrine Radé.
De l’ITSM au CSM
Sur le moment néanmoins, l’heure n’est pas à la rigolade. Derichebourg FM n’a en effet que six mois pour tout mettre en œuvre, entre la notification du marché et la mise en production).
« Cela a été intense pour être prêts à l’échéance du 1er octobre 2019. On devait se déployer sur sept sites. Il fallait d’ailleurs intégrer cette notion de sites, d’utilisateurs et de suivi. Nous avons aussi beaucoup travaillé sur les interfaces » retrace Sandrine Radé, qui évoque par ailleurs un « gros effort de cartographie parce que le client avait déjà ses systèmes, et nos métiers aussi ». Sans compter que la responsable avait déjà en tête d’ajouter des innovations comme de l’IoT.
Au centre de cette architecture technique, Derichebourg a disposé une brique CSM (Customer Service Management/catalogue de service) de l’acteur historique de l’ITSM. « On a y intégré les prestataires extérieurs, un gros acteur de la restauration, des formulaires d’exploitation (dont MoveWork pour la filiale d’infogérance d’espace vert et nettoyage). On a aussi créé une application (MyDBox) – ce qu’a permis la Now Platform [N.D.R. : le PaaS de ServiceNow] – et on a intégré des données externes comme des KPI exogènes ».
Au final, côté « data », ce projet ressemble furieusement à un Datalake. « C’est vrai qu’on a intégré beaucoup de données de beaucoup d’éléments », confirme Sandrine Radé. D’autant plus que ServiceNow centralise aussi les tickets des applis tierces que des clients peuvent utiliser pour faire des demandes.
« Nous avons aussi récupéré les données d’énergie du bâtiment du client, des données de facturation (le contrat vs ce qu’on a réellement facturé). Des données QSE (accident du travail, etc.). Le nombre d’interventions. Des données de propreté. Du multi technique. La restauration » liste la responsable qui souligne l’importance du reporting unifié dans ce projet. « Tout est sur une seule vue pour le client concernant son site ».
Un gros travail sur les interfaces
Le périmètre du projet devait couvrir tout le déroulé d’une intervention : interaction client (case), suivi, état des dossiers, SLA, assignation pour les managers. « Quand vous avez un “case”, il va directement dans une équipe qui a aussi la possibilité, mais en cas d’impondérable, on peut redistribuer la tâche simplement ».
Côté utilisateur, Sandrine Radé explore plusieurs UI, en plus du portail web, pour déclencher le plus simplement des demandes : QR Codes, boutons (sur le modèle d’Amazon) et demain IoT (lire ci-après).
Derichebourg expérimente aujourd’hui différentes options, in situ, dans la tour inversée qu’il a rachetée à Pernod à Créteil qui fait aussi office d’espace de démonstration. « Nous essayons de trouver les cas d’usages les plus simples pour nous rapprocher de l’utilisateur et nous intégrer à son environnement connu ».
Quant à l’application, MyDBox, elle sert à déclencher l’intervention de la personne compétente, en temps réel, et à suivre en direct sa résolution. « Pour garder simple, des tâches simples. Et garder tout le monde dans la boucle » vante une vidéo interne.
L’équipe du projet a également mis en place des enquêtes de satisfaction à la fin des interventions pour itérer. « Par exemple, lorsque nous avions mis en place les boîtiers avec les boutons, les utilisateurs ne savaient pas si leur demande était vraiment partie ou pas », illustre Sandrine Radé. « C’était pénible pour eux d’aller sur le portail pour vérifier. C’est l’expérience et la bonne compréhension qui nous ont appris cela ».
Un produit IT qui fait entièrement partie de l’offre
La plateforme CSM gère aujourd’hui ce premier client avec une cinquantaine d’utilisateurs et neuf métiers. « Nous y avons consolidé 220 KPI – ceux de l’appel d’offres (avec engagement de SLA) ou simplement en restitution brute – en co-construction avec lui (et en les modélisant sur Excel quand ils n’existaient pas) », ajoute la responsable.
Si l’outil lui a été conçu spécialement pour ce premier contrat de plusieurs millions d’euros, « il est destiné à tous nos autres clients », insiste Sandrine Radé qui réfléchit à la meilleure manière de cloisonner chaque entreprise (« on a pris en compte cette problématique dès le début », assure-t-elle).
Des éléments sont évidemment à personnaliser comme la présentation de chaque portail, les services proposés, etc. Et chaque nouveau « workflow impose de se poser avec un papier et un crayon », conseille Sandrine Radé. Mais l’outil est désormais le socle du produit Derichebourg FM qui le propose lors de ses réponses à tous les appels d’offres.
En route vers l’IA
La prochaine étape va consister à infuser de l’IA dans l’outil pour optimiser l’opérationnel (Comment j’optimise la prise en charge des demandes dans mon plan de charge ? Comment lisser ma charge ? Comment cela se passe-t-il si je veux réintervenir, si j’ai un nouvel incident ? etc.).
L’idée est également d’utiliser la brique « Performance Analytics » de ServiceNow pour permettre aux FM Managers (les pilotes des sites) de faire du prédictif « de manière visuelle, graphique, simple » – quand PowerBI est utilisé pour faire des restitutions à destination des clients.
Sandrine Radé se montre en revanche plus prudente sur les chatbots (le Virtual Agent chez ServiceNow). « Il faut d’abord comprendre et mener réflexion pour savoir s’il y a un usage réel pour les clients », répond-elle à une question sur le sujet.
ROI
Comme le déploiement a été le démarrage d’une nouvelle activité, il est difficile à Sandrine Radé de quantifier un ROI, « nous n’avions pas d’expérience de l’avant ».
La responsable constate néanmoins une satisfaction des usagers avec une prise en compte plus rapide des demandes, des créations de tâches 8 fois plus rapides pour les managers – « il n’y a pas besoin de ressaisir dans un outil central, on récupère directement les données des outils d’exploitation » – et un réel suivi des opérations.
Prochaines étapes : IoT et au-delà
Une autre grosse évolution en parallèle de l’IA concernera l’IoT. « Nous en avons déjà déployé, mais je voudrais aller plus loin », espère la responsable de la transformation numérique.
Les objets connectés ouvrent la porte à un nouveau paradigme opérationnel dans le secteur. « La propreté est en séquentiel. Vous nous voyez à 8 h et à 17 h. L’idée est de passer à la demande. On va connecter un capteur, par exemple dans les sanitaires qui au bout de X passages va déclencher une alerte qui sera intégrée dans ServiceNow en tant que demande ».
« Moi je voudrais connecter le savon, le papier hygiénique ; récupérer l’ensemble et générer une feuille de route avec de l’IA pour optimiser les parcours d’intervention », rigole Sandrine Radé.
Au-delà de l’IoT, la responsable envisage déjà d’intégrer plusieurs autres éléments : les plans 2D et 3D des bâtiments et le BIM pour optimiser encore plus et cartographier les parcours, les objets et les assets ; la réservation de salle (propre, pas propre, à nettoyer, matériel en panne à réparer, etc.) ; ou encore la GMAO (pour la planification sous contrainte).