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Data : comment réconcilier les métiers avec la DSI ?

En se penchant sur le cas d’école d’Appart’City, le cabinet de conseil Datasulting partage ses conseils et ses bonnes pratiques pour mener à bien une transformation digitale, où DSI et métiers collaborent en harmonie. Une situation qui n’est pas forcément la norme dans toutes les entreprises.

L’évolution numérique des entreprises, associée à la montée en puissance des technologies de la data, a conduit à une transformation rapide des processus décisionnels et opérationnels. Cependant, cette transformation soulève une problématique centrale : comment la Direction des Systèmes d’Information (DSI) peut-elle répondre efficacement aux besoins croissants des métiers, sans devenir un goulot d’étranglement, et comment embarquer les équipes dans ces projets de grande envergure ?

Pour répondre à cette question, le cas d’école Appart’City (la chaîne française d’appartements hôtels) avec lequel nous avons collaboré est exemplaire à plus d’un titre.

La DSI, perçue comme un goulot d’étranglement : comment y remédier ?

Resituons d’abord les choses. Appart’City compte une centaine d’établissements en France, en Belgique et en Suisse, et plus de 10 000 appartements prêts à vivre.

En interne, le DSI François Teyssonnières observait un paradoxe fréquent. Les projets data, portés par une équipe réduite, suscitent un engouement croissant à mesure que les premiers résultats sont visibles. Mais cet enthousiasme peut rapidement se heurter à des obstacles organisationnels, avec une DSI parfois perçue comme un goulot d’étranglement.

À son arrivée en 2022, François Teyssonnières trouve une DSI fragilisée, qui accumulait une dette technique importante et qui souffrait d’un manque de continuité dans la direction.

Le défi était donc double : d’une part, réorganiser et moderniser les systèmes en place, et d’autre part, répondre aux besoins croissants des métiers.

Pour François Teyssonnières, la solution a été de créer un pôle data au sein de la DSI, capable de structurer les projets de manière à répondre progressivement aux attentes tout en garantissant l’efficacité de l’équipe.

L’un des grands enseignements à tirer de cette expérience est la nécessité d’éviter la surcharge immédiate des équipes. En effet, face à des métiers enthousiastes, il est tentant de vouloir répondre à toutes les demandes immédiatement, mais cette approche est rarement tenable.

François Teyssonnières souligne l’importance d’allotir les demandes et de les prioriser, non seulement en fonction de l’urgence apparente, mais aussi de la complexité de leur mise en œuvre et de leur impact réel sur le business. Le DSI nous rappelle également que l’une des clés du succès réside dans la livraison régulière de solutions intermédiaires, même imparfaites, pour maintenir l’engagement des métiers.

Structurer la demande : la création de processus dédiés

Dans la lignée de ces enseignements, l’une des stratégies clés pour désengorger la DSI et assurer une réponse efficace aux métiers est, d’après nous, la mise en place de processus dédiés.

Ces processus doivent permettre de prioriser les demandes entrantes, mais aussi de structurer la communication entre la DSI et les métiers. Ces processus permettent de justifier, au besoin, l’augmentation des équipes pour répondre à des volumes de demandes toujours croissants.

Il est fréquent que les métiers ne soient pas sensibilisés à l’impact de leurs demandes sur la charge de travail des équipes IT. La DSI, elle, doit non seulement répondre aux besoins immédiats, mais aussi garantir que les solutions apportées ne créent pas de dette technique ou de complexité supplémentaire à long terme.

Dans ce contexte, il est fortement recommandé d’organiser les demandes de manière à ne pas seulement répondre à l’urgence du moment, mais aussi à construire des solutions pérennes qui s’inscrivent dans la stratégie data de l’entreprise.

Comment embarquer les équipes métiers dans les projets data ?

Un projet data n’est pas seulement un projet technologique, c’est aussi un projet humain. La réussite dépend en grande partie de la capacité à embarquer les équipes métiers dans l’initiative.

Pour François Teyssonnières, cette dimension humaine est essentielle. « L’acculturation des métiers à la data est une étape indispensable. Cela implique de les former, de leur expliquer les enjeux, mais aussi de leur donner une vision claire du projet et des étapes à venir », dit-il.

La communication joue ici un rôle central. Trop souvent, les projets data échouent parce que les métiers ne comprennent pas les raisons des délais ou les contraintes techniques auxquelles la DSI est confrontée.

Ce manque de compréhension peut conduire à des frustrations qui ralentissent l’avancée du projet. Dans ses témoignages, François Teyssonnières insiste bien sur l’importance de donner de la visibilité sur l’avancement des projets, en partageant des roadmaps claires et en expliquant les contraintes techniques.

« Il ne faut pas hésiter à expliquer et à accompagner », souligne-t-il. Cette démarche permet de renforcer la confiance et de maintenir un dialogue ouvert entre la DSI et les métiers.

Acculturer les métiers à la data : un défi organisationnel

Acculturer les métiers à la data signifie également leur faire comprendre les enjeux technologiques et organisationnels qui sous-tendent les projets. Dans de nombreuses entreprises, seule une partie des équipes est réellement sensibilisée aux enjeux data. Même au sein des CODIR.

Chez Appart’City, François Teyssonnières a mis en place une approche progressive, en commençant par des cas concrets et en montrant rapidement des résultats tangibles. Par exemple la crise énergétique de 2022 a permis à Appart’City de démontrer l’importance de la data dans la gestion des consommations énergétiques de ses établissements.

Ce projet, bien que n’étant pas encore totalement finalisé, a permis de montrer la valeur ajoutée de la data aux équipes métiers, renforçant ainsi leur engagement dans la démarche.

La qualité des données : un socle indispensable

« Les DSI et les métiers doivent comprendre que la qualité des données qu’ils saisissent au quotidien impacte directement les analyses qu’ils recevront par la suite. »
Jérôme HuguenyDirecteur Conseil, Datasulting

On le sait, la qualité des données est l’un des piliers de tout projet data. Sans des données fiables et propres, il est impossible de générer des analyses pertinentes et d’en tirer des conclusions éclairées. « Garbage in, garbage out », comme on dit.

Chez Appart’City, Jérôme Hugueny a insisté sur l’importance de « fixer les bases ». Pour lui, la mise en place de référentiels, le nettoyage des données, et la rationalisation des actifs data étaient des conditions indispensables avant de lancer des projets plus ambitieux.

La qualité des données ne doit pas non plus être perçue comme une tâche technique isolée, mais comme une responsabilité partagée entre la DSI et les métiers. « Ils doivent comprendre que la qualité des données qu’ils saisissent au quotidien impacte directement les analyses qu’ils recevront par la suite », avertit Jérôme Hugueny en évoquant un exemple concret en de projet de reporting chez Appart’City.

Les premières analyses étaient entachées d’erreurs dues à une mauvaise saisie des données sur le terrain. Pour remédier à cela, Jérôme Hugueny a expliqué aux équipes métiers l’importance de la qualité des données et les a formées à de meilleures pratiques de saisie.

Innover tout en évitant la dette technique : un équilibre délicat

« Il est essentiel de construire progressivement une solution cohérente, capable de répondre aux besoins actuels tout en restant flexible et évolutive pour le futur. »
Jérôme HuguenyDirecteur Conseil, Datasulting

Un dernier piège courant dans les transformations digitales est de s’éparpiller. Il est facile de s’enliser dans une accumulation de projets, de systèmes complexes, difficilement maintenables, et qui finissent par freiner l’innovation.

Pour éviter ce piège, Jérôme Hugueny s’est au contraire projeté sur une « cible data » à long terme pour avoir une vision claire de l’architecture data souhaitée et veiller à ce que chaque projet s’inscrive dans cette vision, plutôt que de simplement répondre à des demandes ponctuelles. « Il est essentiel de construire progressivement une solution cohérente, capable de répondre aux besoins actuels tout en restant flexible et évolutive pour le futur », résume-t-il.

Cette approche permet également de mieux anticiper les demandes futures des métiers et de s’assurer que les solutions mises en place aujourd’hui ne deviendront pas obsolètes ou ingérables dans quelques années.

10 bonnes pratiques pour faire collaborer efficacement DSI et métiers

1. Créer un pôle data dédié au sein de la DSI pour structurer les projets et centraliser les compétences.

2. Mettre en place un système clair de priorisation des demandes, basé sur l’urgence, la complexité et l’impact business réel.

3. Privilégier les livraisons régulières de solutions intermédiaires pour maintenir l’engagement des métiers.

4. Établir des processus de communication formels entre DSI et métiers, avec des roadmaps claires et un suivi transparent.

5. Former et acculturer les équipes métiers aux enjeux data et aux contraintes techniques.

6. Commencer par des cas concrets à forte valeur ajoutée pour démontrer rapidement les bénéfices.

7. Partager la responsabilité de la qualité des données entre DSI et métiers, avec des formations aux bonnes pratiques.

8. Éviter la surcharge des équipes en allotissant les projets et en échelonnant leur mise en œuvre.

9. Construire une vision data à long terme pour garantir la cohérence et la pérennité des solutions.

10. Maintenir un dialogue ouvert et constant en expliquant les contraintes et les choix techniques.

Datasulting est un cabinet de conseil data spécialisé dans l’analyse, l’exploitation et la valorisation des données depuis plus de 10 ans.

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