Danone tire les premiers bénéfices de sa plateforme de données
Voici un an, l'industriel de l'agroalimentaire lançait son projet de mise en place d’une plateforme de gestion des données. Couplé son programme marketing DanOn, celui-ci enregistre ses premiers résultats. Le ROI dégagé est déjà impressionnant.
C'est en juin 2015 que Danone annonce sa nouvelle plateforme dédiée aux consommateurs, DanOn. Ce site de recette remplace Danone&Vous, l'ancien programme de marketing numérique de Danone produits frais. Ce n'est en fait que la face émergée d'un changement d'approche beaucoup plus large de la part du marketing Danone.
"Alors que Danone & Vous était une proposition transactionnelle (des coupons de réduction), nous avons enrichi notre proposition de valeur avec du service", explique Caroline Lemoine, Danone Produits Frais France, CONNECT Manager (Digital, CRM & Media strategy). "Nous avons créé du contenu et l’avons rendu accessible via un moteur de recherche qui permet, entres autres, sur le web ou sur une app, d’identifier les recettes adaptées à votre famille".
Des recettes équilibrées mais surtout personnalisées et c’est cela le cœur du propos. Alors que Danone ne vend pas ses produits en direct, n'a pas de boutique en ligne, qu'est-ce qui pousse ce géant de l'agroalimentaire français à proposer des recettes de Tacos de poisson ou d'œufs au bacon ?
Des simples programmes de fidélisation fonctionnant à grand renfort de coupons de réduction, la stratégie de fidélisation de l'industriel se mue en véritable programme relationnel. "Ce programme est notre porte-avion au marketing chez Danone. Il est stratégique dès lors qu’il est lié à nos marques filles. Notre objectif est de créer une navigation, une expérience client sans coutures entre nos marques."
Pour drainer de l'audience vers ce site, et surtout alimenter ses bases avec de nouveaux contacts, le service marketing de Danone a recours à tous les leviers désormais classiques du numérique : les médias, les réseaux sociaux, les achats de mots clé sur les moteurs de recherche, les campagnes display selon différents formats, et, bien sûr, le tout dans un mode multi-devices. Autant d'outils du marketing efficaces mais qui ont chacun leurs propres agences, leurs propres outils de mesures, leurs propres KPI.
Or "nous croyons chez Danone, qu’aujourd’hui les silos sont dépassés et que l’expérience des clients et des prospects en général est la première clé d’entrée. Il n’y a pas de manichéisme entre le branding d’un côté et la performance de l’autre. Le business passe par l’expérience client, l’image de marque et la relation client."
Objectif : passer d'une approche "mass market" à la personnalisation
Comme c’est le cas chez beaucoup d'annonceur, le marketing de Danone était jusqu’à présent très centré sur les campagnes. "Lors d'une récente campagne, nous avons fait le constat qu’avec des coupons très attractifs, cela fonctionnait très bien, mais que si on pouvait optimiser l’efficacité de telles campagnes, on ne pouvait en revanche pas franchir une étape. Il est parfois plus difficile de faire +10 que x10. Toutes nos méthodes de travail nous permettaient d’optimiser les résultats de chaque campagne, mais on n’arrivait pas à changer de modèle."
Ce changement, c'est le passage d'une approche de type « mass market » avec des messages sensiblement les mêmes, répétés sans cesse auprès des consommateurs, à une approche « Always on » où la marque communique de façon régulière avec le consommateur - mais à la fois en mode push et pull et avec une maitrise de la pression exercée sur ses contacts. Adopter ce que Caroline Lemoine appelle une « Contact Strategy ».
Pour aller dans cette voie, le marketing de Danone devait faire face à 3 défis.
D’une part, améliorer sa connaissance client en réconciliant les données de tracking de ses sites web, les données issues de la publicité en ligne, celles des campagnes de marketing direct. Chacun de ces silos ayant ses propres outils de mesures, il fallait être capable de les réconcilier afin de gérer au plus juste la pression exercée sur un contact, ne serais-ce que pour éviter d’envoyer un email d’inscription à une personne déjà inscrite.
Autre enjeu clé, celui de la performance. Acheter des mots-clés pour faire venir sur un des sites un internaute qui est déjà client grève le ROI des campagnes. "Essayer de faire plus avec moins pour pouvoir réinvestir et créer de la valeur pour l’entreprise, c’est en cela que nous nous sommes dits que c’est une vraie opportunité de créer un DMP (Data Management Plateform)", ajoute la responsable.
Pour mener à bien ce projet à l'intersection des média, du CRM et du numérique, le marketing de Danone a choisi de s'appuyer sur une société de conseil spécialisée, Agusta Consulting à qui le projet de constituer un DMP a été confié voici 12 mois.
L'intégration d'un DMP représente de 10 à 14 semaines de travail
"Le projet a été découpé en 4 phases, avec un cadrage des besoins business, le choix d’outil, la phase d’intégration puis la phase opération avec du test&learn pour tester les cas d'usage", résume Vincent Luciani, co-fondateur d’Agusta Consulting.
"La phase amont se doit d’être cross-métier. Nous avons travaillé avec le marketing, l’IT, les différentes agences qui travaillaient avec Danone. Les agences spécialisées dans le Search et les Medias ont été embarqués le plus tôt possible pour construire le cahier des charges."
C'est lors de cette phase de rédaction que le marketing va notamment définir les cas d'usage de son DMP, c'est-à-dire les scénarios imaginés pour réagir face à un internaute inconnu, un prospect froid, un habitué. Au début du projet, une vingtaine de scénarios sont ainsi imaginés.
A la suite d'un appel à proposition, c'est l'offre Adobe Audience Manager, une offre de DMP en mode Saas qui fait partie du Cloud d’Adobe qui est sélectionnée. Le mode Saas permet un déploiement rapide de la solution, mais attention au volet intégration avec les autres briques du SI marketing : "Dans ce type de projet, il faut bien comprendre l’écosystème du client", explique Vincent Luciani. "Danone a un certain nombre de marques filles avec des bases de données différentes, or il faut brancher ces différentes sources de données sur l’outil, qu’elles proviennent des médias, des sites, des CRM, etc. Il faut bien comprendre les intégrations à réaliser avec le DMP. Certaines intégrations étant ad-hoc, d’autres pas, cela va conditionner très directement la charge de travail nécessaire par la suite."
Pour le projet Danone, un processus batch a été créé entre le CRM de l'industriel et la DMP. Le projet d'intégration du DMP s’échelonne de 10 à 14 semaines. Dans le cas de Danone, l’ensemble du projet a été mené en 3 mois à partir de la décision de la direction. Au bout de 2 mois, les premiers scénarios étaient en place.
Sur les 20 scénarios imaginés au départ, pour l'instant quatre ont été effectivement mis en place. Il s'agit d’une part du ciblage des visiteurs inconnus, du reciblage des prospects froids, d'un scénario d’inclusion de visiteurs qui sont déjà venus mais qu'il faut réactiver après un certain temps d'inactivité, et enfin de l’exclusion. Paradoxalement, les internautes les plus fans de la marque Danone doivent être exclus des campagnes. "Quelqu’un qui a tapé Danone dans un moteur de recherche doit être exclu des campagnes média puisque c’est de l’argent gâché ", souligne le co-fondateur d'Agusta Consulting.
Pour le ciblage, Danone a signé un partenariat avec un blog de cuisine qui lui fournit des données sur les internautes qui ne sont pas encore passés sur le site Danone. "La problématique de Danone, c’est que tout le monde connait la marque mais très peu de gens vont sur leur site", ajoute l'expert. "On n’a pas besoin d’aller sur dan-on.com pour acheter des produits Danone. Le blog de contenu apporte une audience très large qui nous permet, via scoring, d’identifier les parcours d’internautes qui vont avoir une appétence supérieure à aller sur le site de Danone. Nous avons clustérisé ce site de recettes, notamment les recettes sucrées, salées, plutôt courtes (snack) ou les recettes plus élaborées. Les gens qui s’intéressent à Danone sont ceux qui consultent plutôt les recettes de type snacks sucrés et ce sont eux qui sont ciblés de préférence même s’ils ne sont jamais passés par le site Danone."
Les 4 scénarios ont délivré un ROI significatif dès leur mise en place
Les premiers résultats engrangés par Danone avec son DMP sont spectaculaires. Mesurés par rapport à un segment témoin, l'amélioration de l'inscription d'internautes inconnus sur le site a atteint 20%. Les coûts d’acquisition d’un internaute par reciblage ont été divisés par deux et le scénario d’inclusion a permis de réduire le coût d’acquisition de 43%. Enfin, la mise à place du processus d’exclusion a permis une économie de 10% du budget.
Si Danone ne communique pas sur le nombre de contacts que cela représente, le coût du projet nécessite toutefois de faire monter en puissance la plateforme sur un périmètre plus large. Vincent Luciani précise : "Les ROI atteints sont aujourd’hui satisfaisants. Il nous faut désormais travailler sur les volumes. Aujourd’hui, entre 20 à 30% des investissements médias transitent par la DMP, contre seulement 5% en début d’année. L’objectif est de passer de 40 à 50% l’année prochaine. Il faut véritablement travailler sur les volumes pour pouvoir rentabiliser cet outil. »
Pour Caroline Lemoine, alors que les Adblockers ont un impact de plus en plus palpable sur l'efficacité des campagnes, les premiers succès engrangés par le DMP sont encourageants : "Cela confirme le fait que quand on propose quelque chose de pertinent aux clients et aux prospects, ça fonctionne. On fait une proposition et on rend service à un client qui cherche une information, ce qui est une approche très différente que de l’inonder de messages qui ne le concernent pas."
Désormais, le marketing de Danone songe à faire monter en puissance sa DMP, notamment en incluant les marques filles du groupe. "Le DMP fonctionne et délivre un ROI à court terme. C'est bien, mais c’est bien plus vaste que cela. Il s’agit certes de casser les silos, mais la DMP met la même information à la disposition de tous et cela crée de la transparence. Cela permet de renverser le sablier. Alors que dans le marketing, on est généralement habitués au mode Top-Down dans la manière de décider, de collaborer, désormais, on est dans une démarche bottom-up dans un mode de fonctionnement communautaire avec nos partenaires."