DSI du Puy-du-Fou : « passer au cloud a fait de nous une direction de l’innovation »
À la base, le Puy-du-Fou souhaitait juste déplacer certains de ses serveurs dans un cloud public pour réduire ses coûts fixes. À l’arrivée, son équipe informatique permet aux métiers de tester en temps réel toutes leurs idées.
Porté par une activité en pleine expansion, le groupe du Puy-du-Fou avait besoin d’une informatique plus élastique. Parti la chercher dans le cloud public, il y a trouvé des services additionnels qui ont littéralement transformé la relation entre le DSI et les métiers.
« Tout le monde connaît notre parc d’attractions historique en Vendée. Nous avons à présent des ambitions de rayonnement à l’international. Nous ouvrons un parc en Espagne, nous sommes en train d’acheter un terrain en Angleterre. Nous avons un projet de croisière ferroviaire avec spectacle à l’intérieur. Et puis nous produisons des films », résume Yvelain Naudé, DSI groupe du Puy-du-Fou.
Il a en charge toute l’informatique : celle industrielle (celle qui pilote la machinerie des spectacles), celle de gestion (postes utilisateurs, mais aussi sites web, billetterie) et puis celle disponible au public, qui va des bornes Wifi dans les hôtels aux kiosques disponibles pour les utilisateurs.
Yvelain NaudéDSI, groupe du Puy-du-Fou
« Nous avions jusqu’en 2023 une infrastructure assez classique. Tout reposait sur deux datacenters installés sur site. Mais avec les ambitions du groupe, nous avions besoin de changer d’échelle », ajoute-t-il, en expliquant que la question s’est posée dès 2020, juste avant la pandémie de Covid-19.
« Il y avait la possibilité de renouveler encore nos serveurs. Mais la période du Covid-19, qui nous a impactés à 100 % avec la fermeture administrative du parc, a mis en exergue la problématique des coûts fixes posée par une infrastructure sur site », raconte-t-il.
À l’époque, l’IT du Puy-du-Fou représente 350 serveurs virtualisés et 2,5 Po de données. Il n’est pour autant pas envisageable de tout transférer dans le cloud.
« Certaines activités sont très locales, typiquement la vidéosurveillance, qui nous sert notamment à intervenir très rapidement en cas de danger sur une attraction. Le parc étant situé au milieu d’un champ, ce n’est pas une application que nous voulons faire dépendre d’une connexion Internet. En revanche, toute une autre partie de l’infrastructure gagnait à aller en cloud, car nous pouvions lui trouver des synergies avec toutes nos autres sociétés », précise Yvelain Naudé.
AWS pour la précision technique
C’est donc en pleine pandémie de Covid que la DSI du Puy-du-Flou évalue les différentes options qui se présentent à elle. « À l’époque, OVHcloud n’était pas au niveau technologique, notamment en ce qui concernait leur offre Kubernetes, alors que nos développeurs voulaient adopter cette plateforme. Nous nous sommes donc tournés vers les trois hyperscalers du marché, tous américains », raconte Yvelain Naudé.
Rapidement, AWS séduit la DSI par son approche plus technophile. « Quand nous avons contacté Azure, GCP et AWS, nous nous attendions à discuter de solutions techniques avant toute chose. Hélas, Azure et GCP nous ont redirigés vers leurs partenaires avec une offre commerciale. Nous ne pouvions même pas comprendre comment leurs offres fonctionnaient. AWS, qui s’implantait alors dans la région, cherchait au contraire à apporter un service aux clients. Ils nous ont tout de suite apporté des réponses techniques », se souvient notre interlocuteur.
Yvelain Naudé et son équipe partent du principe que pour évaluer la pertinence des offres d’AWS, le plus utile était de se lancer sur un projet. Justement, le groupe opère parmi toutes ses activités une boutique en ligne de produits dérivés qui présente peu de risques en cas d’échec.
« Nous étions alors en mars 2021 et nous avons demandé à AWS que ce projet soit en production pour le mois de juillet suivant. Ils nous ont mis en contact avec un Solution-architect, à savoir un de leurs techniciens qui explique quels services nous devions déployer et comment les configurer pour parvenir au résultat attendu. Et le projet s’est fait dans les temps ! », se félicite le DSI du Puy-du-Fou.
Après cette réussite, il ne se passe plus grand-chose pendant un an et demi. « Après juillet 2021, il a fallu convaincre notre hiérarchie que le projet de migrer une partie de nos serveurs chez AWS était faisable. Mais nous devions encore discuter des coûts, des délais. Évaluer les risques », dit-il.
Yvelain NaudéDSI, groupe du Puy-du-Fou
Durant cette période, AWS met la DSI du Puy-du-Fou en contact avec un intégrateur pour l’accompagner dans sa migration : Devoteam, également présent dans la région. Début 2023, le groupe et son partenaire commencent à dérouler le MAP, ou Migration Acceleration Program. Il s’agit d’une feuille de route qui permet d’évaluer les coûts, qui sert à visualiser tout ce qui fonctionnera dans le cloud à terme et qui donne une idée du planning. Ce MAP sert au premier chef à faire un inventaire très précis de l’IT en production au Puy-du-Fou. Il s’agit notamment d’évaluer la taille de chaque application, sa complexité et même la capacité des métiers à l’utiliser en cloud.
« Nous avions clairement sous-évalué le temps que prendrait le déroulement du MAP. Par exemple, nous avons dû retrouver en quel langage telle ou telle application avait été programmée, comment sa base de données est organisée, etc. Cela concernait 90 applications », reconnaît Yvelain Naudé, qui explique être venu à bout du MAP en mai 2023.
Le MAP aura aussi permis de mettre en exergue des incohérences. Les applications utilisaient toutes sur site Microsoft SQL Server, mais une fois en cloud, il aurait fallu payer une souscription à ce logiciel pour chacune des applications, ce qui aurait fait exploser les coûts. « Nous avons donc pris le temps de moderniser ces applications-là, c’est-à-dire les adapter à des alternatives Open source, typiquement PostgreSQL », témoigne-t-il.
Une DSI transformée en direction de l’innovation
De fil en aiguille, la migration des serveurs vers AWS aura duré jusqu’à la mi-2024. « En termes de coût, notre infrastructure en cloud ne nous revient pas plus cher que notre infrastructure sur site. Le coût est même légèrement inférieur. En fait, on se rend compte avec AWS qu’il y a une véritable activité d’ingénierie financière qui est possible pour optimiser encore les coûts », note tout d’abord Yvelain Naudé.
Mais le bénéfice qu’il remarque le plus est justement la facilité avec laquelle son service peut désormais essayer des alternatives. Ou des services inédits. « Par exemple, nous venons de tester très facilement un chatbot d’IA générative qui aide nos agents de réservation à répondre aux questions de nos clients. Désormais, dès qu’un métier ou un média parle d’une innovation, tout de suite, nous sommes capables de faire la relation avec un service présent sur AWS et vous pouvez le tester immédiatement », se félicite-t-il.
Yvelain NaudéDSI, groupe du Puy-du-Fou
De manière assez inattendue, cette migration a découlé sur une nouvelle organisation à la DSI : « avant, nous étions un service informatique qui dépanne. Aujourd’hui, nous sommes un service de l’innovation. Notre rapport aux métiers a totalement changé. Nous ne disons plus qu’il faut élaborer un projet et un budget quand une idée surgit. Nous la testons tout de suite », ajoute-t-il. Il prend en exemple une refonte totale du site dédié à la billetterie qui s’est déroulée en mode agile avec les métiers.
Pour autant, il souligne que cette transformation ne s’est pas faite toute seule. Dès l’étape du MAP, il est apparu incontournable que les équipes de la DSI devaient être formées aux services d’AWS. Selon Yvelain Naudé, ce serait le seul moyen pour remplacer l’administration par l’automatisation dans de nombreux domaines et ainsi libérer suffisamment de temps aux informaticiens pour qu’ils accompagnent les métiers.
Cet entretien s’est déroulé lors du salon AWS re:Invent 2024 qui vient de se tenir à Las Vegas. Au terme de l’entretien qu’il a accordé au MagIT, Yvelain Naudé s’est pressé de plier ses affaires pour rejoindre une session sur le point de débuter.
« Nous avons un gros sujet sur l’IoT, pour parvenir à faire de la maintenance prédictive sur nos machineries. C’est un sujet que nous ne maîtrisons pas encore et je découvre ces jours-ci tous les services et toutes les architectures faisables. Ce qui est intéressant, c’est que notre migration en cloud a fait de notre informatique une plateforme de données, naturellement conçue pour ingérer des données. Or, c’est exactement ce qu’il faut pour relever les métriques de capteurs. Bref, nous pouvons dire que nous avions anticipé ce cas d’usage », s’est-il réjoui avant de nous quitter.