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Confinement : pour aider les métiers, le SI de Fnac Darty passe en « gestion de crise »
Le groupe Fnac-Darty s’appuie habituellement sur un réseau d’enseignes pour supporter son activité de distribution. Avec le confinement en cours, il a recentré ses activités sur le e-commerce. Les responsables SI sont en première ligne pour adapter les services et maintenir l’activité auprès des clients.
Le groupe Fnac Darty est touché par la crise sanitaire actuelle à deux niveaux. Il doit gérer le passage d’une activité de distribution omnicanal à une autre, qui ne s’appuie pratiquement que sur l’e-commerce, tout en passant une bonne partie de ses collaborateurs en télétravail. Dans ce premier article, nous reviendrons sur les implications techniques de ce recentrage temporaire sur l’activité de vente par correspondance.
Jean LabordeFnac Darty
« Nous sommes encore en mode de crise. Tous les jours amènent leur lot d’adaptation. Notre activité est fortement impactée depuis la fermeture des magasins le samedi 14 mars. Depuis, nous faisons fonctionner au maximum nos activités e-commerce. Ces activités e-commerce sont également soumises aux capacités de fournisseurs à nous livrer et aux prestataires de livraison qui eux aussi peuvent avoir des soucis de personnels », déclare Jean Laborde, Directeur adjoint des systèmes d’information chez Fnac Darty.
Le groupe Fnac Darty a en effet dû fermer l’ensemble de ses magasins en France, en Belgique et en Espagne. En France, cela représente 716 magasins Fnac, Darty (618 pour ces deux enseignes) et Nature&Découvertes. Le spécialiste de la distribution a également mis en place des mesures de chômage partiel pour 80 % de ses effectifs.
De plus, il doit s’adapter aux baisses de volumes de livraison alors que son taux de transformation augmente. Par exemple, la Poste a réduit à partir du 30 mars 2020 ses activités à trois jours travaillés consécutifs dans la semaine, puisque les volumes de colis à traiter baissent de manière générale.
Une forte augmentation des commandes dès l’annonce du confinement
« Dès l’annonce par Emmanuel Macron de la fermeture des écoles, le jeudi 12 mars, nous avons commencé à voir une accélération du trafic et surtout de la transformation sur des produits d’équipements pour télétravailler, et culturels/éducatifs pour occuper les enfants. Nous avons vendu beaucoup d’imprimantes, d’ordinateurs et une bonne quantité d’équipements gaming », constate Jean Laborde.
La première semaine de confinement a provoqué une augmentation des commandes par trois par rapport à la même période l’année dernière. Le trafic, lui, a augmenté d’environ 30 %. « Aujourd’hui, les commandes sont multipliées par deux », estime-t-il.
Si d’autres sites e-commerce observent une augmentation du trafic liée à un phénomène de lèche-vitrine, le directeur adjoint des systèmes d’information chez Fnac Darty a d’autres priorités. « Je m’occupe moins de l’observation du trafic que de m’assurer que tout le SI répond bien au niveau de la transformation, de l’exécution et de la promesse », explique Jean Laborde.
Pour l’instant, les front-end web issus de développement interne de Fnac et Darty restent séparés. Ils sont associés à des orchestrateurs, des gestionnaires, des OMS (Order Management System) principalement issus de développement maison que les deux enseignes ont fait évoluer au fil du temps. « Avec la montée en puissance de l’omnicanal, nous avons créé un OMS en interne qui communique avec le back-office, des systèmes centraux de gestion de stock basés sur des ERP pour une mise en commun des stocks entre Fnac et Darty. Les opérations logistiques sont communes aux deux enseignes », détaille le directeur adjoint des SI.
Des SI dimensionnés pour supporter les pics de trafic
Une telle montée en charge aurait pu entraîner des pannes ou des arrêts temporaires de service sur les sites Web. C’est loin d’être le cas selon notre interlocuteur.
« En cette période de l’année, nous avons généralement des SI capables d’encaisser la charge », assure-t-il. « Nous en avons encore sous le pied. Le Black Friday a pris une telle importance pour nous que nous n’avons été ni vraiment surpris ni mis en difficulté au regard de nos capacités IT ».
Le groupe Fnac-Darty a tout de même adapté le monitoring et ajouté des serveurs frontaux pour anticiper la charge en France, entre autres. « Nous gérons également depuis la France les front-end en Espagne, au Portugal, en Belgique et en Suisse », rappelle Jean Laborde.
Cette capacité d’anticipation a bien aidé le groupe pour supporter le trafic. Son SI repose aujourd’hui sur des installations sur site. « Nous avons de petits modules dans le cloud public, mais cela reste anecdotique. C’est une trajectoire que nous avons prise, mais notre écosystème n’est pas encore assez modulaire pour pouvoir exposer tous nos front-end sur un cloud public. Il y a encore de l’adhérence entre certaines briques de notre SI », affirme le responsable.
Jean LabordeDirecteur adjoint des systèmes d'information, Fnac Darty
Soutenir les métiers dans un contexte de crise
« C’est davantage la capacité côté métier à exécuter les volumes de commande, qui demande notre attention, que les pures problématiques IT », note Jean Laborde. La DSI joue tout de même un rôle prépondérant pour s’adapter aux changements d’organisation effectués à vitesse grand V.
Les responsables SI ont mis en veille tous les projets IT pour se consacrer uniquement à la gestion de crise. « Nous avons gelé les projets. Dans les équipes IT j’ai entre 60 et 70 % des effectifs qui sont au chômage partiel. Nous avons conservé les responsables de la production, le support et les personnes capables de faire les changements de nos processus dans les systèmes métiers », détaille Jean Laborde.
« Nous essayons d’adapter en permanence notre dispositif à ces événements extérieurs. Tout cela nécessite de la réactivité côté IT concernant la configuration des items, des processus, le suivi des clients, la capacité de commander ou encore de livrer », assure-t-il.
Dès la fermeture des magasins en Espagne le samedi 14 mars, le pôle SI a commencé à débrancher tous les parcours omnicanaux entre les sites espagnols et les magasins. Ce même samedi, les annonces du président français ont entraîné les mêmes tâches pour l’hexagone dès le lendemain. Il a fallu modifier les informations depuis les sites et s’assurer que les moteurs de recherche les prennent en compte.
« Certains parcours clients ont été bloqués, puis nous nous sommes concentrés sur la gestion des commandes en cours », témoigne Jean Laborde. « Le retrait de commande en magasin est un flux important pour nous. Vous imaginez que nous avions des dizaines de milliers de commandes dans les tuyaux en partance pour les magasins et qu’il était difficile de toute les honorer dans les temps. Il nous a fallu mettre en place de la présence avec les clients, leur proposer des solutions alternatives pour que finalement ils puissent récupérer leurs commandes ».
De même l’encours de Relais Colis a été grandement impacté par la crise sanitaire. « Des milliers de commandes se sont retrouvées dans un entre-deux alors que les clients attendaient des produits pour travailler le temps du confinement », précise le responsable.
Gérer les relations entre les OMS et les ERP
Jean LabordeDirecteur adjoint des systèmes d'information, Fnac Darty
Côté IT, cela impacte la relation entre certaines briques du SI. « Nous devons jongler avec des règles de gestion entre les OMS et les ERP qui ne sont pas naturellement prévus », explique Jean Laborde. « J’ai deux points par jour avec le comité de direction pour gérer toute la partie opération, qui inclut toute la logistique e-commerce, la gestion des colis, la relation client à distance, la livraison à domicile, le transport et l’IT. Nous gérons le moteur de règles pour nous adapter à tous les événements auxquels nous devons faire face ».
Ces modifications très régulières servent par exemple à s’adapter au désistement des prestataires qui ne livrent plus certains types de colis comme le gros électroménager. D’autres initiatives sont toujours en développement pour faire face à la crise.
« Les équipes actives sont mobilisées et engagées à 100 %, pour répondre aux besoins des métiers, par exemple trouver un nouveau transporteur, l’intégrer dans notre système et créer rapidement les étiquettes colis. […] Ce n’est même plus de l’Agile, c’est de la gestion de crise », conclut Jean Laborde.