Compétences Data & IA : Orange mise sur un partenariat fort avec les RH
Pour valoriser son patrimoine de 14 Po de données, Orange s’appuie sur une force de frappe de 850 spécialistes des données et de l’intelligence artificielle. L’opérateur développe aussi la formation en interne en impliquant les ressources humaines et des mentors.
« J’ai la chance d’être dans une entreprise qui a beaucoup de données – “data rich” comme on dit en bon français », plaisantait (il y a quelques années) le responsable de la stratégie des données d’Orange. La donne n’a pas changé depuis, comme en témoignait en mai – lors des Cercles de la Data de DataScientest – le VP Data, AI & Automation de l’opérateur français, Médéric Chomel. Son capital de données représente 14 Po.
Une organisation décentralisée, mais à la gouvernance fédérée
Pour valoriser cet actif stratégique, l’entreprise dispose d’un effectif conséquent : 850 personnes à temps plein sur les projets Data et Intelligence artificielle – pour plus de 100 000 salariés en France.
Gérer des données pour un acteur des télécoms n’est en soi pas une révolution. Orange a cependant fait évoluer ses pratiques, comme son organisation, en faveur d’une approche de plus en plus décentralisée depuis trois ans. La finalité : accroître la proximité métier afin de concevoir des produits ou services Data ou IA « au service et utilisés par les métiers. »
L’ambition est de rendre les utilisateurs finaux plus autonomes dans leurs usages des données. Pour Médéric Chomel, il convient cependant de cadrer cette « autonomisation des métiers afin qu’elle ne vire pas à l’anarchie ».
La solution retenue, et promue notamment par le Data Mesh, consiste en la mise en place d’une gouvernance fédérée « très forte ». Le pilotage de cette gouvernance représente aujourd’hui 90 % de l’activité du responsable d’Orange.
Autre évolution dont témoigne Médéric Chomel : un recentrage de l’IT autour de la gestion d’une plateforme de données, basée sur un partenariat avec GCP – « mais également avec d’autres acteurs. »
L’IT concentrée sur la plateforme et ses performances
L’IT se concentre ainsi sur la fourniture d’une plateforme « disponible et performante au quotidien. » Parmi les efforts également réalisés pour progresser sur la valorisation des données : leur curation et leur documentation.
Le travail à mener est considérable dans ce domaine. Le cadre d’Orange explique par exemple que le nombre de champs de données par client avoisine les 10 000. Le travail porte cependant ses fruits, notamment en matière d’industrialisation.
La stratégie déployée depuis trois ans par l’opérateur lui a permis de mettre en production environ 250 cas d’usage pour un impact opérationnel évalué à « plusieurs centaines de millions d’euros ». Ce ROI, Orange le doit à sa maîtrise technologique, mais aussi à son capital humain, souligne son expert.
Pour bonifier ce capital, l’entreprise a développé des parcours de formation et d’acculturation. Ceux-ci sont essentiels pour favoriser l’idéation et l’adoption par les métiers, mais aussi pour assurer la montée en compétence des profils experts ou le déploiement de nouveaux spécialistes.
Comme d’autres grands groupes, Orange doit en outre composer avec « des enjeux forts de reskilling et d’upskilling » de ses salariés, déclare Roxane Marsan, directrice associée d’Orange Campus Data & Artificial Intelligence.
En réponse, l’entreprise forme et reconvertit des collaborateurs à de nouveaux métiers, dont ceux de la Data. Quatre promotions à ce jour ont été lancées sur les métiers de Data Analyst et de Data Engineer, en France et aussi à l’international. Ce sont 130 salariés qui ont été formés sur deux ans. Et de nouvelles promotions sont lancées.
La formation : un jeu à trois
Au travers de ces parcours, la DRH s’efforce de favoriser la diversité (en termes de fonctions des salariés : IT, RH, etc.) et la féminisation. « C’est plus facile sur les cohortes de Data Analyst où nous parvenons à monter jusqu’à 40 % de femmes », souligne Roxane Marsan.
Avec la formation en situation de travail, Orange a pour but de rendre les collaborateurs véritablement opérationnels sur de nouveaux métiers. Cela passe par des parcours longs (au moins 9 mois) et un modèle d’alternance. Deux jours par semaine sont consacrés à la formation. Cette durée « est sacralisée dans le deal que nous passons avec les managers ».
Pour entrer dans ces parcours de formation, les candidats doivent déjà disposer du poste nécessitant l’acquisition des compétences délivrées, qu’il s’agisse de leur fonction actuelle ou future, acquise dans le cadre d’une mobilité interne.
Ce système fait intervenir trois interlocuteurs, dont les rôles sont détaillés dans une charte : l’apprenant, le manager « dont le rôle est très important » et enfin un accompagnateur, un mentor en quelque sorte. « Ce n’est pas un rôle de tutorat ou de professorat », précise toutefois la représentante du Campus.
Roxane MarsanDirectrice associée d’Orange Campus Data & Artificial Intelligence
« L’accompagnateur doit surtout avoir une appétence au coaching et aider l’apprenant à prendre du recul sur les compétences théoriques et les solutions à mettre en œuvre dans des situations concrètes. »
Les soft skills clés pour les analystes et ingénieurs Data
Près de 75 % des salariés engagés dans des parcours disposent d’un accompagnateur, avec des résultats jugés satisfaisants. À condition que l’implication de chacun soit réelle, comme la volonté de transmettre du mentor. Les qualités humaines ou soft skills sont privilégiées dans le choix de ces accompagnateurs.
D’ailleurs, les soft skills sont aussi des attendus à l’égard des apprenants suivant les parcours académiques de DataScientest. « Ce qui différencie deux Data analystes ou Data ingénieurs suivant le même parcours, c’est leur capacité à s’intégrer dans une équipe, à interagir, à questionner les métiers… Toutes ces compétences se travaillent », insiste Roxane Marsan.
Les RH accompagnent quant à elles ces parcours et les interactions entre les parties via un suivi des promotions. Elles s’assurent par exemple que le collaborateur dispose bien des jours de formation prévus, sans que cela se traduise par une surcharge de travail.
Le financement des formations est à ce jour pris intégralement en charge par l’entreprise, sur le budget de la DRH groupe d’Orange. Avec la volonté de l’opérateur de multiplier ces formations et de co-responsabilité du salarié, les modalités financières pourraient cependant évoluer, suggère-t-on au sein du groupe.