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Comment la DSI de l’Université Grenoble Alpes est devenue agile
Poussée par un besoin de se renouveler, la DSI de l’Université Grenoble Alpes a adopté les méthodologies inscrites dans le manifeste Agile. Elle s’aide désormais de Tuleap, une suite de gestion de projets open source pour mener à bien ses développements.
Qui a dit que le SI d’une université ne s’administrait pas comme celui d’une entreprise ? Si la réponse à cette question rhétorique s’avère plus complexe que nous le laissons entendre, il n’en est pas moins que l’Université Grenoble Alpes doit gérer les dossiers de 55 000 étudiants répartis dans 30 écoles, facultés et instituts (plus de 200 bâtiments) ainsi que ceux des 6 600 membres du personnel. En combinant les ressources de recherche et celles des élèves, l’UGA stocke pas moins de 3 pétaoctets de données sur site.
Nina Reignier-Tayar est directrice de l’appui numérique à l’administration de l’Université Grenoble Alpes (UGA). Ce département nommé Direction d’appui numérique à l’administration (DANA) construit les applications de gestion pour le RH, la scolarité, les finances, et des programmes internationaux. La DANA correspond à l’une des huit familles de métiers de la Direction Générale des Systèmes d’Information (DGDSI) de l’université Grenoble Alpes.
La DANA accueille une petite trentaine de collaborateurs. « Nous sommes une direction support aux directions métiers pour développer les outils de gestion et les connecter, afin d’optimiser le SI ». Au sein de cette sous-direction, deux grands services œuvrent. Le service d’assistance à la maîtrise d’ouvrage accompagne les métiers dans leurs projets. « Il cherche les solutions possiblement existantes qui peuvent répondre à leurs besoins ou bien s’occupe de se procurer et de déployer un progiciel du commerce », note Nina Reignier-Tayar.
Le deuxième grand service est chargé du développement des applications métiers. Il dispose d’une autre corde à son arc : l’administration des sites Web. Au dernier relevé réalisé en février 2020, la DANA orchestrait pas moins de 200 applications de gestion.
« Tous les sites Web de l’université sont développés au sein de ma direction, de l’intégration de la charte graphique, de la personnalisation des modules, jusqu’aux projets portés par le pôle communication de l’université », précise Nina Reignier-Tayar. Cela représente au total plus de 200 sites Web hébergés et pilotés par la DANA. Celui-ci a épousé une méthodologie Agile pour s’occuper de l’automatisation des processus métier, des logiciels de gestion de l’administration et de la recherche.
Un besoin de se « réinventer »
Cette adoption des méthodes agiles s’inscrit dans un contexte spécifique. « En 2016, nous avons dû nous réinventer dans le cadre de la fusion de trois universités ». Les DSI se sont retrouvées en première ligne pour adapter les installations et les logiciels.
« La DSI de l’UGA s’était installée sur le nouveau site trois mois avant la fusion et au moins six mois avant n’importe quelle direction métier. Nous avons dû être réactifs en matière de déploiement matériel et logiciel afin de nous assurer que tout était prêt pour accueillir nos collègues dans les meilleures conditions possibles. Pendant quatre ans, les DSI ont géré quatre systèmes d’information, les trois anciens systèmes et le nouveau », témoigne la responsable.
Cette expérience fut révélatrice pour l’ensemble des DSI de l’Université de Grenoble.
Nina Reignier-TayarDirectrice de l’appui numérique à l’administration, Université Grenoble Alpes
« Nous avons compris que les méthodologies agiles pouvaient nous aider dans cette quête de réinvention », affirme Nina Reignier-Tayar. La DANA s’est mise à l’écoute des individus et des cercles concentrés sur cette méthodologie. Après en avoir assimilé les rouages et avoir défini leurs besoins, les personnels de la DANA ont découvert un outil lors d’une journée Agile à Grenoble. Celui-ci semblait correspondre à ses aspirations du moment.
« Nous représentons l’Université Grenoble Alpes, un acteur majeur dans le paysage grenoblois et nous cherchons en premier lieu des partenaires locaux. S’il ne s’agit pas du critère principal de sélection, mais nous sommes très sensibles à cet aspect. Il se trouve que Tuleap, développé dans le bassin grenoblois, répondait à notre besoin. Nous avons commencé par essayer la version communautaire, gratuite dès 2017. Après une vague d’essai successif qui a duré un an, nous avons déterminé que nous n’avions plus à chercher d’autres solutions ».
Tuleap est un outil open source de gestion de développement Agile principalement développé par Enalean, un éditeur fondé en 2011 et basé à Saint Alban-Leysse, à quelques kilomètres de Chambéry et à un peu moins de 60 kilomètres de Grenoble.
Un outil commun pour la gestion de projets et des pipelines CI/CD
Par la suite, la DANA a déployé Tuleap auprès d’une grande partie des sous-directions IT de l’UGA et a voulu obtenir l’assistance de l’éditeur. « C’est une boîte à outils qui peut aller très loin et nous souhaitions profiter de l’ensemble des possibilités offertes par Tuleap ».
Tuleap est en effet pensé comme un outil pour centraliser toutes les démarches de développement. Il doit faciliter le suivi et la gestion de projets, le suivi de tickets, la connexion avec les composants CI/CD dont Jenkins, de publier des pull requests, des forks et observer les activités au sein de dépôt Git, de régir les tests, la revue de code, la documentation du code et des API, de comparer les itérations, etc. « Tout notre environnement de développement est intégré avec Tuleap », confirme Nina Reignier-Tayar. « Tuleap est un outil qui vit, qui profite régulièrement d’améliorations. Et nous savons que nous y trouverons des réponses pour nos besoins futurs ».
Tuleap fait maintenant office de référence pour une majorité du personnel de la DSI de l’Université de Grenoble. « Tuleap est désormais utilisé par les différentes directions au sein de la DSI de l’UGA. Par exemple, la direction en charge des infrastructures connaît bien Tuleap puisque son personnel a en charge son déploiement pour toute l’UGA », assure Nina Reignier-Tayar.
La direction RH, formation, de la communication, les responsables des bibliothèques recourent également au logiciel. « Tuleap se propage petit à petit, nous le présentons à chaque direction et à chaque émergence de projets ». C’est un des éléments contingents de la méthodologie Agile adoptée par la DSI de l’UGA.
En chemin vers l’approche DevOps
« Nous avons un projet consacré aux emplois des étudiants qui a commencé en janvier 2021. Nous avions déjà travaillé avec la direction des formations dans le cadre d’autres projets, mais pas avec les mêmes acteurs. S’ils ne connaissent pas Tuleap, ils souhaitent employer les méthodes agiles. Nous avons lancé des formations pour instruire des Product Owners, mais ce n’est pas Tuleap qui est le plus dur à maîtriser et suivant leur niveau et leur besoin, ils l’utiliseront de manière plus ou moins intense ».
La DANA s’est rapprochée de l’éditeur Enalean afin de bénéficier de son support et de ses services. La startup réalise des audits annuels dans le but de mieux cerner les exigences de la DSI. « Nous travaillons notamment à déployer la technologie Docker et nous voyons comment explorer ce sujet avec Tuleap et Enalean », illustre la directrice.
Après la méthodologie Agile, la DANA s’intéresse aux pratiques DevOps. « Nous sommes en chemin vers l’approche DevOps, mais je ne peux pas dire que nous l’avons adopté à 100 %. Nous ne pouvons pas arrêter les équipes pendant six mois pour les former. Nous apprenons petit à petit, à notre rythme », indique-t-elle.
L’agilité et les outils ne font pas tout
La méthodologie et l’approche adoptée par la DSI de l’UGA lui a permis de conserver sa robustesse, même lors du confinement quand il a fallu installer les postes en télétravail. De même, la DGDSI est responsable du développement d’un logiciel consacré à l’orientation pédagogique des étudiants nommé CPRE (à prononcer compère – Contrat Pédagogique de réussite étudiante) utilisé par l’ensemble des universités dans le cadre de la loi ORE (Objectif et Réussites des Étudiants) promulguée en mars 2018.
« En plein confinement, nous étions en train de développer une V2 d’une application “nationale” pour les étudiants avec une date butoir fin juin 2020, avant les inscriptions massives en juillet, et ce malgré le confinement. Heureusement que nous avions mis en place le télétravail et la méthodologie pour continuer à travailler et nous épauler les uns les autres ».
Nina Reignier-TayarDirectrice de l’appui numérique à l’administration de l’Université Grenoble Alpes
Désormais, l’UGA est perçue comme un des fers de lance de ces pratiques agiles et de ces approches au niveau national. Mais l’outillage, la méthodologie ne font pas tout, selon la directrice. Il faut également prendre en compte des évolutions structurelles qui motivent ces besoins et l’engagement des DSI de l’Université de Grenoble.
« Être agile n’est pas une fin en soi. Je crois que le métier d’informaticien apporte beaucoup d’atouts, parce que nous sommes soumis à beaucoup de changements. De plus, en dix ans, il y a beaucoup de réformes dans l’enseignement supérieur qui nous ont obligés à nous adapter. Auparavant, les facultés disposaient d’un CRI, un centre de ressources informatiques chargé d’installer et de gérer le matériel, mais jamais nous n’étions invités à parler de stratégie et de gouvernance. Désormais, il y a une direction générale déléguée au système d’information et des divisions pour chaque activité IT de l’université. Ce changement provient de l’engagement des DSI et des informaticiens de l’UGA », entend rappeler Nina Reignier-Tayar.
« De plus, c’est en étant besogneux, en accomplissant un travail de longue haleine que ces méthodologies agiles paient », conclut-elle.