Comment bien s’outiller pour le numérique responsable (le cas AXA)
Depuis 2020, Axa mène, au niveau du groupe, un programme Digital Sustainability avec pour objectifs de réduire les émissions et de former au numérique responsable. Et l’assureur a pour cela outillé sa démarche.
Mesurer ses émissions et sa consommation énergétique, collecte de données, allongement du cycle de vie des équipements, sensibilisation et formation des collaborateurs. Une stratégie numérique responsable repose sur de multiples actions. Chez Axa, ces actions sont regroupées au sein d’un programme intitulé « Digital Sustainability ».
Ce programme a été initié en 2020 à l’échelle du groupe. Il a commencé par la mesure, un sujet complexe et appréhendé de manière itérative.
AXA vise -20 % sur les émissions GES
La réduction de l’empreinte environnementale de l’entreprise est inscrite dans sa stratégie. Elle prend la forme de deux objectifs : la formation des salariés et une baisse des émissions de GES sur les opérations de 20 % entre 2019 et 2025.
« La seule existence de cet objectif oblige, pour l’atteindre, à réaliser une mesure de qualité et à piloter au travers d’un plan d’action », témoignait en novembre Céline Lescop, Lead Digital Sustainability & Data Architect d’Axa, lors du GreenTech Forum.
Or pilotage et mesure nécessitent des outils, plus ou moins élaborés, qui peuvent se traduire – dans un premier temps – par la création de tableaux de bord Excel. « La mesure n’est pas qu’un “nice to have” », prévient Marcos Lopes, Sustainability Manager chez Wavestone.
« La mesure est au cœur du sujet du numérique responsable. C’est une obligation. Il faut savoir se mesurer et améliorer la mesure année après année. Il est aussi nécessaire de fixer une trajectoire de réduction avec des objectifs quantitatifs », ajoute-t-il, faisant de la culture un autre impératif.
Pour le consultant, les outils sont disponibles pour toutes les briques d’une stratégie numérique responsable – dont les achats, le cloud (qui souffre d’un « manque de visibilité ») ou encore la conception applicative.
Workplace, mesure et écoconception les plus outillées
Selon Wavestone, trois domaines sont aujourd’hui les plus concernés par l’outillage, même si celui-ci ne vise pas seulement à répondre aux problématiques du numérique responsable.
Le premier domaine concerne la « workplace », couvert notamment par des référentiels des équipements (dont en particulier la CMDB – la base de données de gestion des configurations –, le « nerf de la guerre »).
« De plus en plus de solutions existent, parfois poussées par des constructeurs ou par des intégrateurs dans le cadre d’un package », note Marcos Lopes. Des éditeurs se positionnent aussi, comme Microsoft avec des calculateurs de consommation de ses applications Office 365.
Le second domaine est la « mesure réelle des impacts d’Office 365 ». Ici, la mesure « reste à améliorer, dirons-nous », concède le consultant. Même si la mesure est justement le domaine pour lequel les outils se sont le plus développés, en traitant différents axes (reporting, traçabilité, collecte, etc.).
Enfin, l’écoconception constitue une troisième priorité en matière d’outillage, que ce soit par du développement interne, des logiciels du marché ou en exploitant des licences existantes (comme les Power Apps).
Sur l’écoconception, l’offre est également florissante, constate l’expert, avec des positionnements multiples et plus ou moins spécifiques : suivi du code, scoring, etc. Au sujet de ces nombreux outils, Wavestone a même produit des Radars qui listent les acteurs, logiciels et organismes d’influence de l’écosystème.
Leurs contours sont en constante évolution, par exemple sur la verticale du reconditionnement et sur celle des méthodes de sensibilisation. Le signe d’un secteur encore en maturation… et un facteur de complexité supplémentaire pour les entreprises engagées dans une démarche de numérique responsable.
Pas de réponse magique sur l’outillage
Reste que « il n’y a pas de réponse magique », prévient Marcos Lopes, qui recommande de passer par une étape de définition claire du besoin. « Aucun outil ne répond à tout. Il est donc essentiel de bien identifier les attentes. »
Les grandes entreprises, outre le test des applications du marché, ont aussi la possibilité de concevoir du spécifique. Mais la réponse en matière d’équipement peut aussi passer par l’utilisation de solutions déjà déployées.
Marcos LopesSustainability Manager, Wavestone
« Gardez la cohérence avec votre démarche RSE globale. L’IT ne constitue qu’une partie et pas un tout », recommande Marcos Lopez. « Le volet IT doit s’interfacer avec la démarche d’ensemble de l’organisation. »
Chez Axa, le programme Digital Sustainability est mené selon une approche d’ingénierie, qui s’appuie en grande partie sur la Data et l’architecture. La principale mission de Céline Lescop et de son équipe est de mesurer l’empreinte carbone du numérique d’Axa (centres de données, postes de travail et services cloud, principalement).
Depuis 2020, l’assureur mesure ainsi les émissions liées à l’usage et à la fabrication. Un « sport » avec une qualité de données et des périmètres variables dans le temps.
Ce sport est par ailleurs une discipline collective, qui implique les membres de la DSI, de la Sustainability, les métiers en interne ainsi que des partenaires externes (le Shift Project et l’Open Group, un consortium de standardisation).
Axa donne la priorité à la réutilisation : un principe d’architecture
Quant à la pratique de la discipline numérique responsable, elle s’appuie sur une « approche scientifique », sans compromis, assure Axa.
Sur l’outillage, le programme d’Axa revendique l’application d’un principe : la réutilisation d’abord (avant donc le « buy » ou le « build »).
« C’est aussi un principe sustainable », considère la porte-parole de l’assureur. « De plus, chez Axa, nous sommes déjà très outillés. Nous avons plus un problème d’empilement technologique qu’un manque de solutions. »
Appliquant le principe de la réutilisation, Axa s’appuie donc « beaucoup sur la CMDB. Faire un bilan carbone sur le numérique, c’est avoir des inventaires à jour, incluant les écrans, et si possible les périphériques. »
Sur un groupe international de 110 000 personnes, la tâche est néanmoins ardue, avec des problèmes de qualité de données. « Nous complétons encore cet inventaire. Les écrans, typiquement, étaient très mal inventoriés, car un peu considérés comme du mobilier […] Nous progressons petit à petit. »
Céline Lescop Lead Digital Sustainability & Data Architect, Axa
Pour la mesure, la CMDB est centrale. L’équipe Digital Sustainability y a incorporé les poids carbone des modèles ainsi que les consommations électriques. Sur cette mesure, Excel a été un point de départ, d’abord en manuel puis ensuite en automatisant.
« Le Data Architect vous dira qu’il ne faut jamais automatiser directement un sujet Data. Il se travaille d’abord à la main, et toujours en se confrontant à la donnée réelle et à sa qualité, qu’on tend souvent à surestimer. »
« Votre boussole, ce sera la donnée avant d’être les outils », juge encore Céline Lescop. L’outillage s’impose en revanche pour l’auditabilité, ajoute l’ingénieure. Elle préconise aussi une distribution des responsabilités avec des responsables par périmètre.
Automatisation imposée et cohérence avec la Sustainability
« Vous faites plus attention à la qualité des données lorsque vous les rentrez dans un outil de reporting plutôt que dans un mail. Cela contribue à responsabiliser, comme pour les données financières », compare-t-elle.
Une fois le cadre suffisamment robuste, l’automatisation s’impose. Notamment lorsque la collecte implique de nombreux acteurs de l’entreprise. Mais aussi afin de gagner en précision. « On ne peut pas atteindre une mesure au détail du modèle dans Excel. On exploserait le nombre de lignes. »
Sur le reporting, Axa s’appuie sur une solution groupe Sustainability, qui mesure aussi le carbone sur d’autres actifs, comme les bâtiments.
Pour le décisionnel et le pilotage, l’assureur exploite Azure et PowerBI.
L’enjeu à présent est d’intégrer des données supplémentaires, massivement. La qualité des données, « très variable », demeure un sujet.
Les bases publiques, comme la base carbone de l’Ademe, sont critiques à ce titre. « Nous avons besoin de communs en termes de données », exhorte Céline Lescop. Les calculateurs des fournisseurs sont un autre sujet à traiter, car, constate-t-elle d’expérience, « il faut réussir à faire le tri ».