Comment Hagleitner a créé de la valeur en mettant du Big Data dans les WC
Cette PME industrielle a réalisé une transformation numérique radicale en repensant entièrement son offre, en la rendant « smart » avec Siemens, et en s’appuyant sur HANA dans le Cloud pour l’analyse de données. Et entrer ainsi dans l’ère du prédictif, de l’IoT et du service client en temps réel.
The « Internet of Toilets ». Telle pourrait être la nouvelle signification de l’acronyme « IoT » pour la société autrichienne Hagleitner. L’entreprise spécialisée dans la gestion de toilettes publiques s’est en effet lancée dans un grand programme Big Data en ajoutant des capteurs à ses équipements et en les connectant en Wi-Fi au réseau.
Le but, à l’instar de ce qui se passe dans certains aéroports, est de rendre ces toilettes « intelligentes ». En clair, d’avoir une vision précise et en temps réel du nombre d’utilisateurs venus se soulager et de l’impact sur les consommables : savons, papier hygiénique, parfum désodorisant.
Hagleitner est originellement une grosse PME de 950 personnes (pour un peu plus de 80 millions de CA) qui vend ces consommables (distributeurs de papiers, désinfectants) et propose des agents d’entretiens aux hôpitaux, aux fast-foods ou encore aux exploitants d’enceintes sportives, aux aéroports et aux hôtels. Elle opère dans 55 pays.
Le virage numérique de l’entreprise a débuté en 2011. A cette époque, les dirigeants de Hagleitner se penchent sur la manière dont le Big Data (terme naissant) pourrait leur permettre d’ajouter de la valeur à leur offre. Très vite, les notions d’objets connectés, d’analyse prédictive, d’optimisation des approvisionnements et d’allocation des ressources arrivent au centre de leur réflexion.
Un des premiers PoC a été la modification et l’augmentation des circuits électriques d’un distributeur de savon pour monitorer son niveau de remplissage réel et pouvoir le transmettre via un réseau sans fil.
Problème, l’Internet des Objets n’est pas encore dans l’air du temps. Les clients ne sont pas convaincus. Pour eux, mettre de la technologie dans les toilettes revient à jeter de l’argent par les fenêtres.
Mais peu importe, Gernot Bernert, un des hauts responsables de Hagleitner, persiste et signe.
Sa société continue sa R&D, conçoit une gamme complète en s’appuyant sur les outils CAD et PLM de Siemens (NX et Teamcenter), et dépose même une centaine de brevets.
En parallèle, toujours grâce aux solutions IT de Siemens, Hagleitner décide de rationaliser sa méthode de production. L’objectif est que la totalité des distributeurs de la marque soient produits sur place, par 16 machines industrielles de moulage par injection. Ce qui est effectif depuis avril 2015. Une manière de garantir la qualité des produits et d’assurer une nouvelle forme de réactivité par rapport à la demande dans une stratégie de flux tendus.
Trois ans après le premier PoC, en 2014, les efforts commerciaux commencent à payer. Une « chaine américaine de fast-food bien connue » (mais que Gernot Bernert se refuse à nommer) se laisse tenter par ce que l’entreprise appelle désormais le « sense MANAGEMENT ».
Le nombre de passages aux toilettes et les autres indicateurs clefs sont communiqués localement, en quasi temps réel, sur la tablette des managers du restaurant qui peuvent réagir si besoin et mieux gérer leurs approvisionnements.
Côté Hagleitner, ces données sont remontées et compilées sur un back-end distant qui s’appuie sur une plateforme Cloud motorisée par SAP HANA. Une fois agrégées et analysées, elles permettent de mieux déployer les agents d’entretiens chez les différents clients de l’entreprise.
Ces « digital washrooms » (WC numériques) attirent alors l’attention d’autres clients potentiels. Un hôpital prêt du siège social de Hagleitner connecte ses 1.300 distributeurs avec cette technologie. Puis c’est au tour d’un armateur de bateaux de croisières. « Avant que le navire n’ait atteint son escale suivante, les équipes au port savent déjà exactement quelles quantités de papiers hygiéniques et de savon devront être montées à bord. Et avec une précision inégalée jusqu’ici », se félicite Gernot Bernert.
La dimension Big Data du projet tient au fait que les capteurs génèrent beaucoup plus qu’un simple état (niveau ou autre). « Un seul équipement mesure 27 éléments distincts dont l’heure, la localisation, le nom du client », explique le partenaire SAP.
Au final, l’entreprise possède plus d’un Tera de données. Une fois produites, ces données sont aujourd’hui transmises au Cloud de SAP pour alimenter une démarche analytique. « Avec HANA, Nous voulons savoir comment mieux faire concorder notre offre avec la demande, comment économiser de l’espace de stockage dans nos entrepôts, comment améliorer notre logistique et comment optimiser l’affectation de nos personnels sur les sites à entretenir », explique Gernot Bernert.
« Pour nous, “Digital Restroom” signifie un meilleur service au client », conclue le dirigeant de Hagleitner. Un dirigeant qui se réjouit aussi de bénéficier d’une vision claire de son marché et de pouvoir réussir à prévoir la demande future. Et donc la quantité de consommables et de distributeurs à produire. D’où l’intérêt de produire aujourd’hui sur place et en flux tendus.
Une « agilité » qui contribue également, dixit l’entreprise, à l’aider à mieux préserver l’environnement en maitrisant mieux sa production et ses produits. Ce qui n’est pas sans importance pour une société familiale implantée depuis 1971 dans les montagnes autrichiennes, au bord d’une station de sport d’hiver située sur un des lacs les plus bucoliques d’Europe.