Bombardier Transport : Alstom met sa fusion sur les rails avec la donnée
Les SI d’Alstom et de Bombardier Transport ne sont pas encore unifiés, mais le constructeur ferroviaire français dégage déjà des synergies de son rachat du Canadien. En attendant un ERP commun, la BI – et plus largement la convergence des données – permet de réaliser les premières économies.
Le 29 janvier 2021, Alstom annonçait l’acquisition de son rival canadien Bombardier Transport pour 5,5 milliards d’euros. Cette acquisition a permis à l’industriel français de se hisser au rang de numéro 2 mondial du secteur, derrière le chinois CRCC. Cette opération capitalistique a été le point de départ d’un vaste programme de transformation et de fusion des deux structures – dont la particularité est d’avoir une taille très proche (environ 8 milliards d’euros de chiffre d’affaires). Avec ce rachat, Alstom est un géant industriel de 75 000 employés présents dans 70 pays.
Fabrice Ramé, Directeur « Enterprise Data » chez Alstom ne le cache pas : la priorité du constructeur ferroviaire est de réussir l’intégration de Bombardier Transport : « Nous avons des processus métier différents, des applications différentes. […]. Il faut mettre en place un ERP et des applications communes. Ce sont des projets qui vont demander de 3 à 4 ans de travail. Entre-temps, c’est grâce aux données que nous allons pouvoir accélérer les synergies entre nos entités ».
Générer des synergies avant même la fusion de l’IT
Responsable de la donnée chez Alstom, Fabrice Ramé est au cœur de cette stratégie d’accélération « par la Data ».
Il est à la tête d’une équipe formée de profils tant IT que métiers. « C’est une approche un peu schizophrène avec des priorités qui ne sont parfois pas les mêmes, mais c’est intéressant pour mettre en place les plateformes métier, le Master Data, des plateformes d’échange de données, stockage, etc. »
Il est aussi chargé de la gouvernance des données et de la diffusion d’une véritable culture de la donnée dans une grande entreprise industrielle. L’atout de Fabrice Ramé – souligne-t-il – est de pouvoir s’appuyer sur un Top Management qui accorde une place très importante à ces sujets, ce qui a permis la naissance d’une cellule Enterprise Data au sein de l’équipe de transformation digitale.
Le responsable ajoute : « Outre l’intégration de Bombardier, notre deuxième priorité porte sur notre portefeuille de commande qui nous assure 5 ans de travail. Il s’agit de tramways, de rames de métro, de trains à grande vitesse que nous devons livrer dans le monde entier. Notre défi est de les livrer en temps et en heure et au coût escompté ». Tenir ces engagements est d’autant plus complexe que la pandémie a eu un impact direct sur l’activité des sites de fabrication de l’industriel et de ses fournisseurs.
Des dashboards spécifiques pour contrer la pénurie de composants électroniques
Comme de nombreux industriels, Alstom doit faire face à un problème sérieux d’approvisionnement en composants électroniques. Les trains modernes mettent en œuvre des éléments électroniques dont la disponibilité dépend directement de celle de leurs composants.
« Nos chaînes de production sont parfois interrompues par manque de composants. Pour faire face à cette situation, nous avons créé des dashboards spécifiques pour savoir où se trouvent nos stocks : dans quelle usine on en dispose encore ? En quelles quantités ? ». Ces tableaux de bord permettent aux responsables métiers de réallouer les composants disponibles dans les bonnes usines afin de maintenir la chaîne en production. « Nous déplaçons ainsi les stocks d’une usine à une autre plutôt que de les garder en stock dans une usine qui n’en a pas un besoin immédiat. Les données nous permettent d’identifier les communs que nous avons entre Alstom et Bombardier ».
Qlik au cœur du rapprochement des données Alstom/Bombardier
Alstom est un client de longue date des solutions de l’éditeur Qlik, avec QlikView puis Qlik Sense depuis 2015, et des déploiements menés sur des infrastructures on-premise puis dans le Cloud Alstom. « Notre enjeu initial portait essentiellement sur la visualisation des données, avec la mise en place de dashboards. Aujourd’hui, nous ne parlons plus que de projets Data. »
Fabrice RaméDirecteur « Enterprise Data » chez Alstom
L’illustration la plus évidente du rapprochement Alstom et Bombardier porte sur les données Achats ; rapprochement qui a débuté dans les trois premiers mois ayant suivi l’acquisition. « Le secteur du ferroviaire est relativement petit et les fournisseurs d’Alstom et de Bombardier sont les mêmes ! », rappelle Fabrice Ramé. « Nous avons donc entrepris de rapprocher nos données Fournisseurs et nos données Articles – qui avaient toutes des codes différents dans nos bases de données respectives. Ce rapprochement de données nous a permis de voir ce que, chez un fournisseur donné, nous achetons en commun ».
La création d’un puits de données Qlik Sense permet ainsi aux utilisateurs métiers d’avoir – pour un fournisseur particulier – le volume d’achat de Bombardier, celui d’Alstom, et les prix négociés par chacun pour chaque article. Des informations particulièrement pertinentes pour optimiser les achats et négocier avec les fournisseurs.
« Généralement, les économies engendrées par une acquisition n’apparaissent qu’au bout de plusieurs années : dans ce cas nous engrangeons les premières économies dès les premiers mois : les données constituent un accélérateur avant même que l’on ait eu le temps de migrer les systèmes ».
Mission : insuffler une culture Data dans toute l’entreprise
Si la BI et l’analytique ont démontré leur efficacité dès les premiers mois de l’acquisition, Fabrice Ramé a encore beaucoup à faire pour transformer la société en une « Data Company ». Il lui faut insuffler de plus en plus une culture de la donnée à l’ensemble des collaborateurs, ce qui commence par la confiance dans les données qui leur sont présentées : « Les collaborateurs Alstom disposent de KPI, mais veulent encore savoir d’où proviennent les données et comment celles-ci sont transformées afin d’aboutir à ces indicateurs. Nous avons mené un grand chantier d’audit de nos dashboards, et un projet de Data Lineage lors duquel nous avons analysé d’où provient chacune de nos jeux de données ainsi que les transformations qui leur sont appliquées ».
Ce vaste projet a pour objectif d’identifier toutes les données qui ne sont pas de confiance (c’est-à-dire qui ne bénéficient pas du tampon « Data d’entreprise »). Parfois, certaines données métiers proviennent de fichiers Excel, ou de sources de données qui ne sont pas validées par la structure de Fabrice Ramé. « Nous identifions ces données et traitons toutes ces exceptions afin d’être sûrs que l’on part de la bonne donnée initiale, que les transformations apportées sont adéquates et que les dashboards n’affichent que des données certifiées. ».
L’autre bâton de pèlerin du directeur « Enterprise Data » d’Alstom est d’instaurer une culture de la donnée. « Les métiers ne se rendent pas toujours compte que tout le monde crée de la donnée ; tout le monde en consomme aussi. Une donnée mal saisie peut avoir des répercussions sur l’ensemble de l’entreprise. J’ai créé un département Data Culture Literacy dont la vocation est d’expliquer à tous l’importance des données. »
Fabrice RaméDirecteur « Enterprise Data » chez Alstom
Cette structure organise des événements, avec parfois jusqu’à plusieurs milliers de participants en ligne, lors desquels des utilisateurs métiers expliquent à leurs pairs les nouvelles fonctionnalités. « Très récemment, nous avons modifié la façon dont sont gérés les articles, c’est-à-dire tous les composants et pièces de nos trains. C’est une problématique très importante, car nous gérons de l’ordre d’un million d’articles différents. Un “Live Event” a expliqué aux utilisateurs comment chercher un article, comment y souscrire dans le système afin de le rendre disponible sur un site industriel ».
Fabrice Ramé met volontairement en avant des porte-parole qui ne sont pas des experts IT de la Data mais des profils métiers capables d’expliquer les concepts dans un langage compréhensible par tous.
Aujourd’hui, le responsable n’entend pas relâcher son effort d’acculturation et prépare déjà la prochaine phase : la gamification des données.
Propos recueillis lors de l’événement QlikWorld Paris du 5 juillet 2022