Cet article fait partie de notre guide: Le guide des annonces d’AWS re:Invent 2024

Berger-Levrault : « Nous passons au cloud pour simplifier l’édition de logiciels »

Éditeur de logiciels pour les collectivités, l’Éducation, la Santé ou encore l’industrie, Berger-Levrault peine à maintenir ses produits sur les serveurs de ses clients. Au 1er janvier, son infrastructure sera un Kubernetes managé en cloud.

Faire de l’édition de logiciels, pas de la maintenance de datacenters. Tel est le revirement stratégique que le nouveau comité exécutif de l’éditeur Berger-Levrault a imposé quand il a pris ses fonctions fin 2022.

« Nous avons souhaité une nouvelle organisation parce que notre travail consiste à écrire des logiciels pour résoudre les difficultés des collectivités, des administrations, des industriels, des écoles et des centres de santé afin de leur permettre d’innover. Notre travail n’est pas d’aller installer des serveurs dans des étagères rack, de gérer leur climatisation et leur logistique », lance Jérôme Bonnet, le directeur technologique du groupe.

Imprimerie multicentenaire (ses origines remonteraient au XVIIe siècle), Berger-Levrault a muté en éditeur de logiciels de gestion pour les collectivités locales et le secteur du médico-social au début des années 2000. Depuis plus de vingt ans, ses logiciels sont installés sur des serveurs qui appartiennent à ses clients, mais dont il est responsable.

« Ces serveurs sont soit déployés dans les data centers de nos clients, soit dans nos datacenters où nous les infogérons, soit chez des fournisseurs de cloud avec lesquels nos clients travaillent. Parfois, ces serveurs exécutent de très anciennes versions de nos logiciels, nos clients décidant quand ils souhaitent les remplacer par une version plus récente. Forcément, tout cela crée de l’inertie », continue Jérôme Bonnet en suggérant que cette situation complique le support que l’éditeur doit fournir en cas de problème.

L’enjeu de proposer du SaaS pour ne plus gérer plusieurs versions d’appoint

« Autre difficulté, nos gros clients industriels – Safran, Dassault, Thalès… – nous demandent régulièrement de mettre en place des environnements éphémères de démonstrations pour former leurs nouveaux agents à nos applications de maintenance assistée par ordinateur. Nous n’avons souvent qu’une semaine pour reproduire la pile applicative qu’ils utilisent en production : nous devons restaurer ses bases de données, déployer de nouveaux serveurs, reconstruire une configuration identique à leur version du logiciel », dit-il.

« Si nous voulons vraiment nous focaliser sur notre valeur ajoutée, nous devons […] arrêter de gérer des data centers en propre et déployer nos logiciels sur des services d’infrastructure managés par des prestataires. »
Jérôme BonnetDirecteur technologique, groupe Berger-Levrault

« La plupart de nos logiciels sont d’une échelle assez complexe. On parle de plusieurs millions de lignes de code, des milliers d’écrans », ajoute-t-il, en pointant que devoir gérer en plus leurs éditions obsolètes est difficilement tenable.

La transformation consiste donc à amener tous ces clients vers un environnement SaaS, à savoir une version unique de chaque logiciel édité par Berger-Levrault, mise à jour en même temps pour tout le monde par l’éditeur.

« Cela signifie pour commencer que nous devons héberger nous-mêmes beaucoup de choses. Mais si nous voulons vraiment nous focaliser sur notre valeur ajoutée, nous devons monter dans les couches hautes. C’est-à-dire arrêter de gérer des data centers en propre et déployer nos logiciels sur des services d’infrastructure managés par des prestataires ». Prestataires qui sont donc des fournisseurs de cloud.

EKS chez AWS, pour un Kubernetes managé et une approche technophile

Depuis le printemps dernier, Berger-Levrault s’est donc attaché à choisir une plateforme de destination pour ses logiciels. Le premier d’entre eux qui migrera en version SaaS dès le début de l’année 2025 est justement celui de la maintenance assistée par ordinateur, puisque c’est surtout lui qu’il faut savoir décliner en version démo en un temps record.

De plus en plus, les logiciels de Berger-Levrault sont écrits sous la forme de containers. L’enjeu de l’éditeur était donc de trouver une plateforme clés en main prête à les exécuter, en l’occurrence un service Kubernetes managé.

« Nous ne voulions pas devoir installer nous-mêmes toute la pile Kubernetes sur des serveurs virtuels, ce que nous a proposé OVHcloud, par exemple. Déployer et gérer une telle plateforme pose des contraintes. Nous avons donc étudié les offres de hyperscalers qui proposent de gérer pour nous ces contraintes : AKS chez Azure, EKS chez AWS, GKE chez GCP », précise Jérôme Bonnet.

« Nous avons retenu AWS pour leur approche. Ils viennent en rendez-vous avec cinq architectes et un tableau blanc pour expliquer la technique. Cela démontre un niveau d’engagement bien plus adapté au profil technique de nos développeurs que les autres hyperscalers, lesquels sont arrivés avec pour seul bagage des contrats à nous faire signer », se souvient-il.

Parmi les démonstrations techniques qui font mouche, les architectes d’AWS expliquent qu’il existe chez eux un service Babelfish qui va permettre d’exécuter toutes les bases SQL Server d’origine sur des services de bases de données Aurora PostgreSQL, bien moins chères. Comme dans le cas du Puy-du-Fou, autre entreprise française à migrer chez AWS, l’hyperscaler propose ensuite les services du prestataire local Devoteam, pour accompagner les équipes au quotidien dans le réglage des détails. Le contrat est signé dès l’été 2024.

Quatre fois moins cher que des VM, dix fois moins que des serveurs

« Nous sommes facturés à la consommation de ressources, c’est-à-dire par jetons de puissance de calcul sur Kubernetes, PostgreSQL et aussi Elasticsearch. Pour l’heure, nous avons calculé que cela représentait un coût environ quatre fois inférieur par rapport à un précédent déploiement mutualisé. En l’occurrence, un déploiement dans lequel nous devions installer nous-mêmes Kubernetes et SQL Server sur des VMs en cloud », indique Jérôme Bonnet, sans préciser de quel fournisseur en cloud il parle.

Jérôme Bonnet raconte que Berger-Levrault était bien passé par une étape intermédiaire, en 2023, où il avait remplacé certains des serveurs de ses clients en infogérance par des machines virtuelles hébergées chez Azure et OVHcloud.

« Le problème des machines virtuelles est qu’elles restent allumées même lorsque nos clients ne s’en servent pas, ce qui induit des coûts de temps de calcul pour rien. Il y avait un stress de la part de nos équipes à surveiller sans cesse les VM qui n’étaient pas utilisées, mais aussi à les dimensionner manuellement pour coller au besoin réel de nos utilisateurs. Un service Kubernetes managé résout ce problème dans le sens où il n’active en ligne des containers qu’au fur et à mesure de la demande utilisateur », se félicite notre interlocuteur.

En ce qui concerne les serveurs physiquement dédiés aux clients, Jérôme Bonnet estime que le passage à EKS pourrait cette fois-ci réduire les coûts par dix par rapport au loyer que l’éditeur devait payer dans des datacenters en colocation.

Pour autant, et même si les applications étaient écrites dès le départ en containers, cette élasticité automatique a nécessité des réglages afin de fonctionner correctement.

« Depuis cet été, nous avons passé six mois à affiner le code de nos applications, à définir les seuils et les plafonds qui déclenchent le déploiement ou l’arrêt automatique de ressources. Kubernetes ne fait pas tout, tout seul. Il faut tester le comportement de l’application à chaque échelle pour savoir dans quelles circonstances il est le plus utile de lui faire changer de taille. »

Des applications déployées en quinze minutes

Outre l’élimination des contraintes que subissait Berger-Levrault et des coûts réduits, le bénéfice principal du service Kubernetes en cloud est la rapidité de mise en production d’une nouvelle instance applicative pour les clients de Berger-Levrault.

« Même dans le meilleur des cas, c’est-à-dire à partir de machines virtuelles, il nous fallait au moins plusieurs heures pour mettre en production une nouvelle copie de nos logiciels. »
Jérôme BonnetDirecteur technologique, groupe Berger-Levrault

« Même dans le meilleur des cas, c’est-à-dire à partir de machines virtuelles, il nous fallait au moins plusieurs heures pour mettre en production une nouvelle copie de nos logiciels. Avec cette infrastructure EKS, il ne nous faut plus que 15 minutes. Mieux, nous allons même intégrer le processus avec notre CRM Salesforce pour que l’environnement soit déployé automatiquement dès que notre client l’a approuvé dans son bon de commande », se réjouit Jérôme Bonnet.

Une autre observation de Jérôme Bonnet est l’outillage désormais à la disposition des équipes informatiques. « Dans toute transformation informatique, il est d’usage de connaître une période de résistance au changement. Ici, cet effet est minimisé par la fourniture d’outils d’administration qui sont bien plus fonctionnels que ceux que nous utilisons pour gérer des serveurs sur site. Ils permettent de surveiller précisément l’activité, de faire du FinOps, de regrouper les alertes sur des tableaux de bord. »

« Nous redoutions que passer par un service managé génère de la frustration parmi nos administrateurs qui auraient pu se sentir dépossédés de leur fonction. Mais, au contraire ! Avec cet outillage plus riche, ils peuvent faire des choses beaucoup plus précises et c’est très motivant. ».

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