Comment Bercy mutualise ses systèmes documentaires
Le ministère a choisi Alfresco Enterprise comme outil de GED standard pour 19 de ses directions ainsi que pour son Secrétariat général. Un choix de l’Open Source pour mutualiser des ressources, mais aussi pour porter le projet restructuration de la DGE, un projet clé pour le futur de l’administration française.
Sur les 138 000 personnes que compte le ministère des Finances, 75 % dépendent de la DGFiP (Direction générale des finances publiques) qui dispose de son propre service des systèmes d’information, de même que les Douanes, l’Insee, la direction du Trésor.
Mais hormis ces énormes structures, la sous-direction informatique du secrétariat général des ministres économiques et financiers gère l’informatique de 19 directions, soit environ 12 000 personnes, dont la DGE (Direction Générale des Entreprises), l’Agence des participations d’État, la direction du Budget, et le secrétariat général des ministères économiques et financiers qui compte à lui seul environ 2 500 personnes.
Cette sous-direction informatique compte plus de 220 personnes et gère environ 160 projets et applications. « Nous sommes confrontés aux spécificités propres de chacune des 19 directions et aux métiers propres du secrétariat général », expliquait Gilles Bellamit, chargé de mission à la sous-direction informatique du secrétariat général des ministères économiques et financiers sur la scène de l’Alfresco Day à Paris. « Ce sont des processus de support, notamment liés aux ressources humaines, les achats, la dépense, les services généraux, l’informatique bien sûr, mais aussi la documentation. »
Un catalogue de services a été publié auprès des directions métiers
Il y a 4 ans, la sous-direction informatique a lancé une enquête auprès des directions afin d’évaluer le niveau des services informatiques délivrés ainsi que les offres dont elles souhaitaient disposer. Ce fut le point de départ à la constitution d’un catalogue de produits et services IT correspondant à ces demandes. « Ce catalogue est constitué de logiciels libres, de logiciels commerciaux, d’applications internes, c’est le plus simple. Ensuite, il faut définir une offre, c’est-à-dire quel savoir-faire acquérir en interne, lesquels seront confiés à des sous-traitants, quelles offres de conseils et d’assistance nous allions délivrer. Les offres logicielles ont été intégrées, packagées et déclinées en ce que nous appelons des briques blanches. »
Parmi les solutions retenues figure Alfresco Entreprise pour un volet GED baptisé Documento, Drupal pour porter les réseaux sociaux du ministère, Jahia pour ses portails, Pentaho pour le volet décisionnel, Talend pour les besoins en ETL, la solution Low-Code Joget pour générer des formulaires et encore Sinequa comme moteur de recherche.
Parmi les intégrateurs impliqués dans la mise en place des solutions de ce portefeuille, Atol CD. Charles Juhel, directeur commercial de l’ESN détaille la démarche du ministère : « Nous travaillons avec le ministère des Finances sur une partie des briques blanches de leur catalogue de solutions, sur la brique décisionnelle notamment avec Pentaho et l’ETL Talend, ainsi que sur le volet dématérialisation/GED. Nous fournissons les solutions de numérisation avec Kofax, et nous intervenons sur l’ensemble des briques Alfresco pour le Ministère. »
L’Agence française de lutte anticorruption, un projet GED type
Parmi les GED déployées sur la plateforme Alfresco/Documento, celle de l’AFA, l’Agence française de lutte anticorruption. Créée en 2016, il s’agit de l’entité qui est notamment en charge du contrôle de toutes les entreprises de plus de 100 millions de chiffre d’affaires et qui veillera sur la conformité des contrats des Jeux olympiques de 2024. « Quand ils sont venus nous voir en 2017, ils n’avaient rien, ce qui est plutôt inhabituel », se souvient Gilles Bellamit.
« Nous sommes allés voir ce que faisait la DGFiP, Tracfin, l’autorité à la concurrence. Tous disposaient d’applications lourdes, bâties de toutes pièces avec des budgets conséquents que nous n’avions pas. Je voulais m’appuyer sur Alfresco et l’exemple le plus proche de leur besoin était celui de FranceAgriMer qui assure le suivi des dotations européennes au secteur de la pêche et qui avait une démarche bien structurée et des workflows associés. »
Après une rapide formation à la modélisation de processus, le chargé de mission a demandé à l’AFA de cartographier ses processus avant de lancer la réalisation d’un démonstrateur sur le processus de gestion des contrôles des entreprises. « J’ai pris la totalité du processus, retiré toutes les variantes et ajouté quelques fonctionnalités utiles comme la génération automatique de rapports, le publipostage, etc. Le démonstrateur a séduit l’AFA et la décision a été prise de généraliser l’approche sur plusieurs processus et aller vers le zéro papier interne et zéro papier externe. »
Gilles BellamitChargé de mission, secrétariat général des ministères économiques et financiers
Tous les processus de l’AFA seront amenés à être modélisés sur la plateforme Alfresco, la version 1 est en cours d’homologation avant son entrée en production. « Les développements ont été menés par sprints en suivant les méthodes agiles auxquelles j’ai ajouté un peu de méthode Kanban et un soupçon de Merise, car j’aime bien la modélisation fonctionnelle », ajoute Gilles Bellamit.
Comme les agents de l’AFA manipulent des données classées Confidentiel Défense pour lesquelles Bercy dispose de solutions gérées par le ministère des Armées, se posait la problématique de gérer les documents en Diffusion Restreinte. « Le module encryption d’Alfresco permet de chiffrer les instances, j’ai donc cherché à faire référencer cette solution auprès de l’ANSSI pour pouvoir l’utiliser sur les documents Diffusion Restreinte. Malheureusement, nous n’avons pas trouvé de reconnaissance auprès d’organismes équivalents à l’ANSSI et le faire homologuer nous aurait demandé environ 2 ans. Finalement, ce besoin est tombé de lui-même avec l’émergence des télétravailleurs. Les agents se connectent avec des puces sécurisées qui ne sont pas conformes au RGS** (Référentiel Général de Sécurité). J’ai donc dû leur retirer l’accès aux documents en diffusion restreinte. »
Le chargé de mission souligne néanmoins qu’il a des demandes, un appel du pied sans doute pour qu’Alfresco se lance dans la certification ANSSI de son module de cryptographie tout comme Gilles Bellamit veut pousser les éditeurs présents dans son catalogue de services à implémenter le protocole d’accès FranceConnect Agents à leurs solutions, à la place de SAML.
Le package Alfresco/OnlyOffice a été préféré à Office 365 par la DGE
16 structures exploitent aujourd’hui la GED transverse Alfresco, nous avions taillé une première instance pour 1000 utilisateurs, nous venons d’en créer une nouvelle pour porter 9 000 personnes. 3 GED verticales ont été créées, et la demande pour une quatrième est en cours d’instruction. Une offre dédiée aux services ouverts sur internet devrait être mise en place, soit portée par le RIE (Réseau interministériel de l’État), soit hébergées en externe si la première option est rejetée pour raisons de sécurité.
L’heure désormais est à l’enrichissement de l’offre Documento, notamment pour aller vers l’édition collaborative de documents. « Une demande émise par beaucoup de directions était de pouvoir produire des documents en mode collaboratif en temps réel. Nous allons adjoindre à Alfresco la solution OnlyOffice, un équivalent de SharePoint. Pour la Direction Générale des Entreprises, nous allons l’interfacer avec la solution de gestion des courriers qui alimente tous les services généraux de toutes les structures du ministère des Finances. »
Charles Juhel, d’Atol CD ajoute : « Nous avons élargi le volet fonctionnel de l’offre Documento en y adjoignant OnlyOffice, une solution de travail collaboratif sur le document. La DGE a évoqué sa volonté d’aller vers Office 365/SharePoint et nous a demandé quelle solution nous pouvions leur proposer sachant que l’on déployait Alfresco par ailleurs. Nous étions en lien avec l’éditeur d’OnlyOffice, la solution a été testée, présentée en atelier. Celle-ci a finalement été choisie pour être déployée sur les serveurs du ministère soit en mode stand-alone pour un usage purement bureautique, soit avec un connecteur Alfresco donc en s’appuyant sur le référentiel GED avec toutes ses règles d’indexation, de stockage. »
Gilles BellamitChargé de mission, secrétariat général des ministères économiques et financiers
Le projet de la DGE est beaucoup moins anodin qu’il n’y paraît comme l’explique Gilles Bellamit : « La DGE joue le rôle d’organisation pilote sur une très grande réorganisation avec à la fois une restructuration des métiers, mais aussi en parallèle un basculement vers un fonctionnement en mode projet. C’est une réorganisation qui est suivie à très haut niveau puisque si cette expérimentation fonctionne, celle-ci sera généralisée à l’ensemble du ministère des Finances et à l’ensemble de l’administration française. Ils sont venus nous voir pour avoir les outils qui leur permettent de moderniser leur mode de fonctionnement. »
Le chargé de mission voit dans ce projet le jalon d’un véritable changement de paradigme dans la mise en œuvre de la GED dans l’administration : « Historiquement la GED recevait des documents finalisés. Or aujourd’hui il s’agit de plus en plus fréquemment de documents en cours d’élaboration. La demande va de plus en plus vers de la co-construction de documents. L’administration française change d’échelle, casse son fonctionnement interne, les rapports sont rédigés par des personnes issues de plusieurs ministères et on a besoin de travailler plus en transverse et surtout en temps réel. Le temps réel permet de raccourcir les délais donc c’est plus productif. » La GED, un nouvel outil pour la transformation de l’administration française ? C’est l’étonnante conclusion de l’intervention de Gilles Bellamit.