Air France - KLM en route pour l'IA (1) : des chatbots et du cognitif

La compagnie propose aujourd'hui une petite dizaine d'assistants numériques. Ils sont une première réalisation pour démontrer l'intérêt de l'Intelligence Artificielle dans un projet plus large qui veut infuser ces technologies en interne. La reconnaissance d'images et la compréhension sémantique de texte sont également dans les cartons.

Ils ne sont qu'une petite dizaine, mais ils ont de grandes ambitions. L'équipe dirigée par Waïl Benfatma s'est fixée pour mission d'infuser la culture de l'Intelligence Artificielle dans le groupe Air France - KLM. Et de le faire dans un délai très court.

Le programme a été lancé en juin 2017 par la DSI et le service de recherche opérationnelle. La troisième et dernière étape, celle de l'aboutissement, est prévue pour 2019 à peine.

Les trois escales du voyage d'Air France - KLM vers l'Intelligence Artificielle

Une exploration en trois escales

Avant d'atteindre cette terre promise, Waïl Benfatma a prévu deux étapes intermédiaires.

La première a consisté à prouver les bénéfices de l'IA par des projets courts et modestes mais avec des gains réels et bien visibles (des « quick wins »). La deuxième étape - sur laquelle LeMagIT reviendra dans l'article suivant - applique cet ensemble de technologies émergentes à l'opérationnel pour améliorer l'efficacité, la productivité, et au final dégager des revenus.

Cette deuxième escale se concrétise actuellement par le développement et l'usage d'algorithmes prédictifs et de Machine Learning dans l'activité Cargo (transport de marchandise dans les avions de passagers).

Quant à la première phase de décollage, elle a donné ces premiers fruits en début d'année avec la sortie d'une petite dizaine de chatbots.

« Quick Wins » et synchronisation des projets

« Nous avons d'abord voulu travailler sur des offres et des outils cognitifs que nous pouvions proposer au client. Cette partie a principalement concerné les assistants virtuels, qui peuvent également être proposés aux employés en interne », se souvient Waïl Benfatma.

Mais au début de son voyage dans l'IA, en juin 2017, le groupe Air France - KLM fait un étrange diagnostic. Le groupe recense pas moins de treize initiatives parallèles de chatbots, éparpillés et sans aucun lien les uns avec les autres.

Lorsqu'il fait un premier tour de ces initiatives, Waïl Benfatma identifie immédiatement le problème. « Une dizaine de chatbots émergeaient de partout dans le groupe. Du coup, nous ne savions plus trop comment organiser tout cela. En clair, un client qui interroge un bot pour une réservation pouvait-il ensuite lui demander une information sur les bagages ? Nous ne savions pas comment articuler ces bots », admet celui qui, dès lors, œuvre pour un rapprochement de tous ces projets.

« Une dizaine de chatbots émergeaient de partout dans le groupe »
Waïl Benfatma, Air France - KLM

Le premier début de réponse passe par l'organisation. « Nous avons dû mettre autour d'une table les personnes qui avaient des projets similaires », pour commencer à les coordonner.

Le responsable du projet IA propose alors un début de centralisation avec un support unique - et donc cohérent - sur les questions d’architectures et de connaissances techniques sur les bots.

Dans un deuxième temps, le Monsieur IA d' Air France - KLM crée un "Chatbot Board" « pour avancer plus rapidement et s’assurer que le niveau d’information était le même dans chaque initiative. C’est vraiment très important. Nous l’avons lancé au mois de janvier. Tous les mois, il permet d’arbitrer et de travailler plus efficacement sur l’architecture et la mise en place des assistants conversationnels ».

Aujourd'hui, la compagnie propose des bots, en production, pour renseigner les passagers sur leurs bagages (sur Facebook Manager), pour aider à réserver un billet KLM ou pour avoir des informations sur un vol Air France - KLM (sur Alexa et sur Google Home), un assistant pour faire sa valise (un « Packing assistant » en fonction de la météo à destination), un pour les questions relatives au programme de fidélité Flying Blue, et deux assistants pour les centres d'appels.

Le bot : on outil de promotion interne de l'IA

Cette première vague d'IA a commencé réellement en octobre 2017 pour se terminer au mois de mars 2018. Pour l'équipe IA, il s’agissait d’un moyen de gagner en crédibilité rapidement auprès de reste du groupe, qui plus est au moment où les métiers se tournaient vers ces agents numériques.

L'aspect communication est primordial pour atteindre l'objectif plus général qui est d'insuffler une culture IA, insiste le Artificial Intelligence Program Manager.

Ce faire-savoir, en plus du savoir-faire, est en permanence au centre de sa démarche. « Nous avons fait beaucoup de communication au sein du groupe autour de l’IA et de ces cas d'usage. [...] Nous avons créé des sortes de "councils" avec IBM - pas la peine de me taper dessus, je sais que ce n'est pas toujours une entreprise appréciée dans le domaine de l'IA, mais là c'était un cadre très spécifique, sur quelques journées. Le but était de créer de l'awareness [conscience NDLR.] et de venir expliquer différentes parties ce que peut faire l'intelligence artificielle. »

En tout Air France - KLM a organisé trois sessions d'acculturation, avec une quatrième à venir. Les participants sont issus de presque tous les métiers du groupe.

Les sessions traitent des cas d’usages - des chatbots ou d'automatisation des processus internes - et intègrent des ateliers participatifs pour mieux impliquer les acteurs internes.

La dimension technique et les compétences

Si Air France - KLM possède son infrastructure informatique en propre, une centaine de Data Analystes, et environ deux cents experts qui travaillent sur le Yeld Management, le groupe n'avait pas nécessairement toutes les compétences en interne pour maitriser l'ensemble des facettes de l'IA.

Même s'il a mis en place des formations en interne, des sessions de training et qu'il a essayé de créer un « environnement stimulant pour les Data Scientists », Waïl Benfatma a aussi rapidement dressé une cartographie des partenaires possibles, de la startup aux géants de l'IT (Google, IBM, etc.) pour l'accompagner techniquement.

« Aujourd’hui Watson est vendu comme quelque chose qui est capable de tout faire. Je n’ai pas l’impression que ce soit vraiment le cas »
Waïl Benfatma, Air France - KLM

« Nous utilisons les gros vendeurs pour des services qui sont robustes et très figés. Typiquement quand nous voulons un service de traduction ou des briques pour faire un Chatbot [comme le Natural Language Porcessing (NLP)] », explique-t-il. Pas question, donc, de gâcher des ressources pour réinventer la roue. A l'opposé, les startups permettent à l'équipe de Waïl Benfatma « d’avancer plus rapidement sur des cas d’usage ».

Du côté des jeunes pousses, Air France - KLM a sélectionné et entamé une collaboration dans les bots avec The Chatbot Factory et DigitalGenius. Du côté des grands fournisseurs internationaux, la compagnie utilise le NLP d'IBM et de Google. Même si Google semble avoir la préférence de Waïl Benfatma.

« Aujourd’hui Watson est vendu comme quelque chose qui est capable de tout faire. Mais je n’ai pas l’impression que ce soit vraiment le cas », lance-il sur la scène du IA Paris 2018.

Vers encore plus de chatbots et vers la voix

Le projet bot ne s'arrête pas là. « Nous en avons une quinzaine dans les cartons. J’ai beaucoup parlé de l’aspect commercial, mais il y a aussi des projets de bots internes, sur le support informatique ou sur des coach RH par exemple ».

« Nous avons aussi des projets de bots internes sur le support informatique ou des coach RH »
Waïl Benfatma, Air France - KLM

Air France - KLM se penche également sur des assistants dotés de la reconnaissance vocale - à la Siri. Aujourd'hui, les bots vocaux d'Air France - KLM sur Alexa/Google Home n'en sont pas vraiment puisqu'ils s'interfacent à la reconnaissance intégrée aux appareils d'Amazon / Google. Le but de ces prochains bots est d'aller un pas plus loin dans la pratique de l'IA, avec des assistants encore un peu plus évolués que les bots textuels avec lesquels on n'interagit que par écrit.

Ce chantier n'a pas encore totalement débuté mais le choix de la brique de reconnaissance vocale semble fait. « Nous finalisons le contrat avec Google. Nous étudions la question de la confidentialité des données », répond Waïl Benfatma dans un échange avec LeMagIT.

Le choix de Google s'expliquerait par une contrainte inhérente à Air France - KLM. Le bot doit comprendre et parler l'anglais, le français et le hollandais. « Sur le français et sur le néerlandais, ça bloque souvent », constate le responsable du projet. « Je parlais de Watson tout à l’heure, typiquement sur les chatbots en français, cela ne marche pas très bien ».

D'autres usages cognitifs : « Text Mining » et reconnaissance d'images

Les chatbots sont les réalisations à base d'informatique cognitive les plus tangibles. Mais Waïl Benfatma pense déjà à étendre l'application de cette branche de l’IA à d’autres réalisations.

« Nous sommes par exemple déjà capables de traiter des questionnaires de satisfaction ou de classer des rapports en utilisant des techniques de “text mining” pour synthétiser plus d'éléments dans des documents qui jusque-là n'étaient pas véritablement exploités ».

Autre projet cognitif en cours d'étude, Air France - KLM planche avec la startup Wassa sur la reconnaissance d’images appliquée aux bagages.

Les usages métiers d'une telle technologie peuvent aller de l'automatisation du dispatch entre le guichet d'enregistrement et la soute de l'avion (pour éviter les erreurs d'orientations), jusqu'à l'amélioration de la recherche dans le gigantesque dédale entièrement mécanisé des bagages perdus (surnommé « le Cube ») pour retrouver les valises égarées en provenance du monde entier en fonction de leurs descriptions par leurs propriétaires.

 

Propos recueillis au Salon IA Paris, le 12 juin 2018

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