© Pierre Bouras / TRR
Advens for Cybersecurity, un concentré de technologies connectées à l’assaut du Vendée Globe
Thomas Ruyant va participer à son deuxième Vendée Globe en novembre prochain. Le skipper disposera d’un monocoque flambant neuf doté des équipements connectés les plus modernes, mais aussi de quelques développements exclusifs imaginés par les ingénieurs R&D d’Advens.
Le 8 novembre 2020 à 13h02 sera donné le départ du Vendée Globe, la 9e édition de la plus célèbre des courses à la voile autour du monde. Parmi les concurrents de cette course de monocoque de 60 pieds, Thomas Ruyant, le skipper d’Advens for Cybersecurity. Pour sa deuxième participation, le nordiste compte bien jouer la victoire avec un bateau flambant neuf, doté d’impressionnants foils qui lui permettront de voler au-dessus des vagues.
Son bateau, l’Advens for Cybersecurity, a été dessiné par l’architecte naval Guillaume Verdier a l’origine des bateaux alignés par la Team New Zealand sur la Coupe de l’America en 2011, 2016, et 2018. Si ces bateaux sont, comme une Formule 1 des mers, amenées à courir des séries de régates de quelques heures seulement, l’exercice du Vendée globe est très différent.
Les monocoques IMOCA de 60 pieds partent pour 2 mois et demi à 3 mois de course et sont menés par un skipper en solitaire qui ne peut bénéficier d’une assistance. Le bateau est bien évidement bardé de capteurs en tous genres, mais ce n’est pas une équipe au sol qui est chargé de l’analyse des données collectées en temps réel. C’est bien au skipper de synthétiser l’ensemble des informations dont il dispose et d’adapter les réglages de son bateau en fonction de ces données.
Lucas MontagneTeam TR Racing
Faire tourner des équipements informatiques sur un monocoque IMOCA n’a rien d’évident souligne Lucas Montagne, le responsable informatique du team TR Racing, l’équipe de soutien d’Advens for Cybersecurity : « un ordinateur n’a rien à faire dans un bateau de course. C’est un environnement extrêmement hostile avec des chocs, de grosses différences de température, de l’humidité et des difficultés à avoir de l’énergie. La gestion de l’énergie par le skipper doit être très soignée. Toutes ces contraintes font qu’il faut mettre en œuvre du matériel particulièrement robuste, peu énergivore et privilégier la redondance pour chercher la fiabilité ».
Pour collecter les données, le bateau est doté de deux réseaux Ethernet distincts. Le premier est exclusivement dédié à la centrale de navigation, un ordinateur embarqué de type Bravo5 conçu par l’entreprise spécialisée Madintec. Vers ce boitier sous Linux, convergent toutes les données issues des capteurs du bateau, depuis la girouette, le capteur de cap, le GPS, jusqu’aux capteurs d’efforts dans tous les câbles du mât ainsi que sur les foils. Le skipper est informé à tout moment des efforts qui s’appliquent sur le mât du bateau. A lui de maintenir les efforts dans les limites de contraintes admissibles par le mât.
La centrale de navigation dispose d’un réseau qui lui est dédié et qui est isolé du second réseau, lui-même plus particulièrement exploité par la partie communication. Ce réseau est connecté à Internet via un modem Iridium. Celui-ci offre une connectivité Internet de l’ordre de 350 Kbit/s à 700 Kbit/s.
Lucas MontagneTeam TR Racing
L’ordinateur de navigation de Thomas Ruyant est connecté à ce réseau. Cette machine sous Windows 10 fait notamment tourner le logiciel de navigation d’Adrena Software. C’est le logiciel de référence de la course au large et il est mis en œuvre par tous les compétiteurs du Vendée Globe. Ce logiciel permet au skipper d’assurer sa navigation et surtout de déterminer sa route en fonction des prévisions météo et des évolutions du vent attendues sur sa route.
« Les besoins de calcul à bord du bateau restent assez contenus. Le logiciel d’Adrena Software n’a pas besoin d’une machine très puissante, mais c’est lui qui sert au skipper à faire du routage. Le skipper passe beaucoup de temps sur ce logiciel afin d’analyser sa météo, vérifier que les prévisions sont conformes à ce qu’il rencontre sur sa route, etc. ».
Thomas Ruyant dispose en outre d’un iPad dédié aux médias, c’est-à-dire pour envoyer des photos, des vidéos pour les médias, réaliser des interviews par visioconférence. Deux tablettes numériques seront aussi connectées au Wi-Fi du bateau. Elles joueront le rôle de répéteur de l’écran de navigation sur le pont.
Les données de position sont envoyées de manière totalement automatique à l’organisation de la course par une balise qui est autonome et sur laquelle le skipper n’intervient pas. Par contre, le skipper peut envoyer à son équipe à terre d’autres informations, pour que l’équipe puisse faire un suivi du bateau, vérifier que les systèmes fonctionnent correctement.
Là encore, le règlement limite l’équipe dans l’aide qu’elle peut apporter au skipper : « la différence entre un Vendée Globe et le suivi d’une régate d’un bateau de la course de l’America, c’est que sur un tour du monde sur 2 mois et demi à 3 mois, nous n’aurons pas une cellule à demeure pour suivre le bateau en 24/7. Le skipper est autonome. Il n’a pas besoin qu’une équipe surveille son bateau à sa place et ce n’est clairement pas l’esprit de la course en solitaire ».
Les données des capteurs ne sont donc pas envoyées et traitées en temps réel par l’équipe, mais sont stockées à bord pour une analyse à posteriori, lorsque le bateau sera revenu à quai à la fin de la course. « Les volumes de données à faire transiter par satellite seraient trop importants et cela a un intérêt assez limité en course au large. Les bateaux font 2 à 3 courses par an. Nous récupérons donc les données à la fin de la course et les analysons pour préparer la suivante ». Un disque SSD de 1 To suffit à stocker les données de l’intégralité d’une course.
Advens mène des développements pour optimiser l’exploitation du bateau
L’une des particularités de TR Racing est de s’appuyer sur une ESN spécialisée dans la cybersécurité en tant que sponsor titre, Advens. De ce fait, l’équipe fait appel aux ingénieurs d’Advens afin de développer quelques logiciels qui vont aider le skipper dans ses décisions. « Advens nous a notamment développé un logiciel qui permet d’analyser les efforts subits par les foils », explique Lucas Montagne évoquant ces grandes ailes fixées de part et d’autre de la coque du bateau et qui lui permettent de sortir de l’eau et littéralement voler sur les vagues dès lors que la vitesse est suffisante. « Il faut savoir que ce sont des pièces extrêmement sensibles et fragiles. Or ce sont ces foils qui donnent toute la vitesse au bateau ». Connaître précisément les efforts mécaniques subis par les foils est déterminant pour trouver le réglage optimum et tirer un maximum de vitesse du bateau, tout en restant sous les contraintes de rupture de ses foils.
Le logiciel développé par Advens permet au skipper d’avoir en temps réel les valeurs des efforts sur ces foils afin d’éviter une rupture synonyme de course perdue. « Nous aidons Thomas à traiter en temps réel les données issues des foils », résume Jérémie Jourdain, le directeur technique d'Advens en charge de l’équipe R&D de l’ESN.
Jérémie JourdainAdvens
« L’objectif est d’anticiper une rupture des foils car ce sont des appendices du bateau qui restent assez fragiles. Nous disposons de données des tensions mesurées en temps réel et des valeurs de résistance établies au moment de la fabrication. L’idée était de présenter une information de manière synthétique et efficace à un skipper en pleine course, dans des conditions parfois très difficiles. Cela nécessite une réflexion en termes d’ergonomie pour afficher les valeurs dans un format immédiatement lisible ».
Le règlement limite les automatisations possibles sur les bateaux
D’autres développements sont en cours pour le Vendée Globe, puis les courses suivantes. C’est notamment le cas d’une application qui permettra à Thomas Ruyant de stocker un réglage de voiles qu’il juge très performant pour les conditions de mer et retrouver ce réglage par la suite lorsque les conditions sont proches. Là encore, le règlement de course pose des limites très strictes en termes d’automatisation et les développeurs ne peuvent aller très loin dans le sens de l’automatisation.
« Le seul automate toléré, c’est celui qui gère la trajectoire du bateau, ce que l’on appelle le pilote automatique » rappelle Lucas Montagne. « De nombreux réglages sont possibles sur un bateau de ce type, depuis l’angle de la quille, la position des foils, les voiles. Tous ces réglages restent dévolus au seul skipper et ne peuvent être automatisés, ce qui limite énormément les champs de recherche ».
Le pilote automatique reste donc le seul axe de recherche possible en termes d’automatisation et l’équipe R&D d’Advens veut se rapprocher de Madintec, l’éditeur breton qui développe MADBrain, le pilote automatique utilisé par une bonne partie de la flotte des bateaux de course au large. « Le pilote automatique est une technologie qui est aujourd’hui globalement bien optimisée, mais nous pensons pouvoir faire mieux, notamment en intégrant les données issues des foils », explique Jérémie Jourdain.
« L’idée est d’accroître autant que possible le temps de vol du bateau, puisque c’est lors de ces phases de vol qu’il atteint son maximum de vitesse ».
Enfin, il est un dernier axe de développement sur lequel l’équipe Advens travaille avec TR Racing mais sur lequel Jérémie Jourdain est particulièrement discret, c’est celui de la cybersécurité du bateau. En effet, même dans les quantièmes rugissants, le bateau de Thomas Ruyant ne sera pas à l’abri d’une cyberattaque.
« Le bateau est connecté à Internet, donc il existe un risque », souligne Jérémie Jourdain. « On peut imaginer un email envoyé en pleine course aux concurrents du Vendée Globe avec un pièce jointe qui pourrait installer un virus ou un ransomware sur les ordinateurs de bord. Il y a clairement un risque. D’autres types d'attaques sont possibles sur ces bateaux et c’est un aspect sur lequel nous travaillons. » Rendez-vous le dimanche 8 novembre 2020 sur les quais des Sables d’Olonne pour l’ultime mise à jour de l’Advens for Cybersecurity.