Accor D&TS se dote d’un vrai ECM (et il est français)
La direction Design & Technologie Services d’Accor, en charge de la conception et de la rénovation des hôtels, luttait pour gérer 3 000 documents techniques et marketing. Après un projet de deux ans et demi, il en brasse à présent 140 000 avec une plateforme française. Prochaine étape : un « vrai Google de ses documents ».
Lorsque l’on chapeaute 4 800 hôtels dans plus de 100 pays, comme Accor, la gestion documentaire n’est pas une mince affaire. Le réseau de 38 enseignes (qui vont d’Ibis à Sofitel et Pullman, en passant par Mercure et Novotel) nécessite en effet d’unifier l’accompagnement de la construction, de la maintenance et de la rénovation des établissements avec des documents standardisés, marque par marque.
Le défi est d’autant plus grand que l’échange de document ne se limite pas à l’interne. Accor fait intervenir à chaque étape des partenaires le plus souvent récurrents (architecte, chauffagiste, décorateurs, franchisés, etc.).
Un existant de gestion documentaire dépassé par les nouvelles exigences
Pour répondre à ce besoin, la division Design & Technical Services d’Accor – en charge de ces problématiques – a utilisé au fil du temps plusieurs outils : un serveur de stockage, un intranet, un portail Sharepoint ou (à la limite du Shadow IT) des clefs USB.
Mais il y a deux ans et demi, le constat s’impose. Ces solutions ne répondent plus aux besoins – ni en termes de recherche, ni en nombres de documents ou de filtrage des accès. Accor D&TS a besoin d’une vraie GED.
« Notre site [de stockage de document] ressemblait de plus en plus à un oignon. On y rajoutait des couches, mais on ne pouvait plus aller au centre. On ne pouvait plus rien toucher », se rappelle Eve Simon, Directrice Standards chez Accor. « Et si en plus vous n’étiez pas sur votre poste de travail, vous n’aviez plus accès aux documents […] Bref, nous étions bloqués parce que l’outil n’était pas évolutif ».
Eve Simon fait alors le tour du marché. Elle évalue une douzaine offres et réduit sa liste à trois noms. « Pour le choix, je me suis mise à la place des utilisateurs finaux. Les aspects graphiques et esthétiques ont été très importants », explique-t-elle au MagIT. « Et comme je suis l’administratrice de l’outil et que je forme les gens, les facilités de prise en main et de gestion ont aussi joué ».
Toujours côté utilisateurs, plus question non plus d’être bloqué sur le bureau. La future GED devait permettre de consulter les documents sur des apps mobiles.
Au niveau du groupe, Accor souhaitait une solution clef en main qui réponde à 95 % de ses besoins en standard avec moins de 5 % de développements spécifiques. L’IT souhaitait également un outil capable de s’intégrer au SI.
« Étant donné le nombre de critères, le choix n’a pas été difficile ! Peu d’acteurs sur le marché pouvaient y répondre de façon exhaustive » se félicite Damien Perrot, Global SVP Design Global chez Accor.
De fait, sur ces multiples critères, le français Nuxeo s’impose avec son offre cloud hébergée et managée (Nuxeo Cloud, sur AWS).
Autre point important pour Eve Simon, échaudée par l’inertie du précédent outil : il fallait que l’outil soit pérenne et qu’il puisse évoluer. « Avec Nuxeo, ces évolutions possibles sont nombreuses [avec les extensions et les API]. À chaque fois que je demande “est-ce que ça, c’est possible ?” : la réponse est toujours “oui” », se réjouit-elle.
Un déploiement rapide et une (petite) erreur de migration
Commence alors un travail d’un an et demi pour déployer techniquement la solution, l’intégrer, la personnaliser.
La première phase de mise en production dure 6 mois environ. Un délai jugé « rapide » par Accor qui estime que le choix du cloud « a facilité l’itération et un déploiement global ».
Puis vient arrive la deuxième phase : celle de la migration des 3 000 documents existants. À cette étape, Accor concède avoir fait une erreur tactique.
Eve SimonDirectrice Standards, Accor
Un des buts de sa GED est en effet d’être un dépôt documentaire de référence. « L’idée était d’avoir tout en un seul endroit. Puis à partir de cet endroit de partager les documents de différentes façons, notamment en envoyant un lien vers le document plutôt que le document lui-même », explique Eve Simon. « Si vous envoyez un document par mail à une personne, et que cette personne le relit dans 6 mois, peut-être qu’il y aura eu une nouvelle version entre temps. Mais si elle clique sur le lien – aujourd’hui ou dans 6 mois –, ce sera toujours la bonne version […] Si le document est dans Nuxeo, nous voulons être sûrs que c’est la dernière version en date ».
Autrement dit, la migration doit s’accompagner d’un tri des documents pour éliminer les versions caduques et faire du Master Data Management. Mais Accor D&TS veut aller vite. Un peu trop vite peut-être.
« Pour aller plus vite, nous avons décidé de migrer les documents puis de les trier. Nous aurions dû faire le tri avant », diagnostique Eve Simon avec le recul. « C’est comme un déménagement, si vous ne triez pas au moment vous mettez dans les cartons, vous ne trierez pas – ou lentement – au moment où vous déferez ces mêmes cartons ».
On a coutume de dire qu’après un déménagement, il faut un an pour ne plus avoir de cartons. C’est peu ou prou le temps qu’il a fallu à Accor D&TS pour créer son référentiel documentaire après la migration. « Cela prend du temps de bien faire les choses » justifie, avec raison, Eve Simon, « Mais aujourd’hui on est bien. Nous avons un outil propre ».
Documents gérés et usages concrets
Dans un premier temps, le référentiel sous Nuxeo est baptisé D&TS Library – puis il est renommé, plus ambitieusement, Accor Library.
Il héberge à présent beaucoup plus que les 3 000 documents migrés initialement. Ce nombre est en effet monté à 14 000, notamment parce que l’ECM (Enterprise Content Management) prend en charge et permet de visualiser de nouveaux types de documents – comme les vidéos.
Concrètement, ces documents sont à 70 % techniques, à 20 % marketing et à 10 % liés au développement. « Quand vous construisez un hôtel, il faut comprendre la philosophie d’une marque. Ce qui implique des documents marketing. Vous faites aussi du développement parce qu’avant de construire il faut attirer le chaland. Donc il y a principalement du D&TS… mais pas que », explique la responsable du projet.
Eve SimonDirectrice Standards, Accor
Côté documents techniques purs, Accor Library centralise tous les guides D&TS : toolkits et guidelines.
« Les toolkits résument toutes les références (moquette, carrelage, etc.). Les Guidelines, elles, vous disent qu’on veut qu’une chambre de la chaîne soit à 22 degrés en été, etc. » différencie la responsable.
« Nous avons aussi des plans. Mais nous restons sur du générique. Nous n’avons, par exemple, pas le plan du Sofitel de Vienne, mais ceux du nouveau concept Ibis ».
L’ECM sous Nuxeo héberge également tous les cahiers des produits – qui expliquent pourquoi choisir une moquette de tel grammage, un carrelage avec tel glissement, etc. – et tous les standards techniques de toutes les marques et segments du groupe.
Au final, le chiffre de 14 000 documents peut sembler un chiffre très raisonnable pour un groupe de la taille d’Accor. Mais l’ECM gère également la localisation. « Nous avons ce qu’on appelle des “Proxys”. Ce sont des copies virtuelles des documents pour nos 16 régions et nos marques. Avec ces proxys localisés, quelqu’un en Asie n’aura pas accès aux documents de la région Amérique du Sud. Ce n’est pas pour cacher des choses, mais pour éviter la profusion de documents ».
Au final, un document corporate global (la source) a en moyenne dix proxys. Et de 14 000 documents, Accor arrive à 140 000 dans Nuxeo. Un chiffre beaucoup plus conséquent.
Un début compliqué
Après la migration, l’ouverture du portail s’est faite en deux temps. En juillet 2018, après le travail de tri d’un an, l’outil s’ouvre à la seule D&TS – dans le monde entier.
« Nous avons fait ce choix parce que ce sont nos principaux utilisateurs et que nous voulions, s’il y avait des choses à changer, avoir leurs retours en priorité » justifie Eve Simon.
Six mois plus tard, le 1er janvier 2019, Accor Library s’ouvre à tous les utilisateurs, soit 3 000 personnes – y compris externes (graphistes, architectes, marketeurs, services techniques, etc.).
« Par exemple pour un chef de Projet qui a besoin des Guidelines de la marque pour laquelle il travaille » illustre la responsable. « Disons qu’il rénove un Novotel. S’il est un peu novice, il aura besoin de comprendre la marque. Il va d’abord aller chercher les documents marketing de l’enseigne (les Brand Presentations) dans la plateforme. Ensuite il va aller y chercher des documents faits par la D&TS pour construire son hôtel. Il va aller chercher les Style Books, le Design Brief, etc. Ensuite il va aller y chercher les guides de conception des services généraux, puis celles des chambres. Et après, une fois que l’hôtel est ouvert, il pourra y chercher les documents de maintenance ».
Idem pour une rénovation où tous les prestataires externes et tous les responsables internes vont aujourd’hui chercher dans Nuxeo pour savoir, dans tel Mercure qui date des années 80 à Angers, s’il faut mettre telle moquette, et pour ses salles de bains vieillissantes s’il faut mettre telle baignoire et tels WCs.
À chaque fois, quelle que soit la date de la consultation des documents, les intervenants seront sûrs d’avoir les bons documents à jour – ce qui, pour Eve Simon, est un des principaux ROI de l’ECM.
Reste que le changement a été compliqué et a nécessité comme souvent une phase d’accompagnement. « C’est normal. Les gens ne changent pas d’habitudes comme cela. Mais ils commencent à voir l’intérêt pour eux d’utiliser [notre GED] plutôt que leurs Sharepoints ou des clefs USB ou We Transfer. Sans compter que nous avons beaucoup travaillé depuis un an pour faire évoluer l’outil et le simplifier au maximum », raconte la responsable.
Eve SimonDirectrice Standards, Accor
C’est d’ailleurs pour cette raison de simplicité d’usage optimale que dans un premier temps, Eve Simon a volontairement laissé de côté certaines fonctionnalités de Nuxeo comme la synchronisation. « Je voulais que l’évolution se fasse pas à pas. Changer d’outil était déjà une grosse révolution pour les gens. Je ne voulais pas leur ajouter, en plus, du workflow ou de la synchro. Mais c’est en cours ».
Résultat, le nombre d’utilisateurs est stable, mais avec une fréquentation beaucoup plus importante. « Les gens comprennent que ça devient un incontournable dans la mesure où ils sont sûrs que l’outil et les documents sont fiables ».
Vers « un Google des documents » de D&TS
Avec un ECM propre, un nombre de documents qui augmente, et une adoption qui se concrétise, tous les voyants du projet ECM sont au vert. Et Eve Simon se prend à rêver d’avoir un vrai « Google des documents [D&TS] ».
« Un des retours sur l’outil aujourd’hui, c’est qu’il y a trop de résultats à une recherche. Peut-être qu’il y a des documents qui ne sont pas nécessaires ou qui finalement n’intéressent personne parce qu’ils sont caducs. Faut-il les retirer ? Certains sont-ils mal nommés ? », se demande-t-elle.
Une phase d’analyse statistique (analytique) sur les documents les plus appelés, sur combien de fois ils le sont, comment, et par qui, permettra à l’avenir de faire un tri et d’affiner l’information.
Une autre étape consistera à ajouter une couche d’IA pour rendre la recherche plus intelligente. « Par exemple, si une personne inverse deux lettres [dans sa requête], il ne va plus trouver son document », regrette Eve Simon. « Et si, dans un titre, un mot est en deux parties (comme Tool Kit) et que dans la recherche on l’écrit en un seul (Toolkit), on ne va plus le trouver non plus. Ce sera vraiment “à la Google” quand on aura ça ».
Cette couche supplémentaire d’IA viendra-t-elle de Nuxeo ou d’un autre prestataire (comme Sinequoa) ? « Je regarde tout », répond Eve Simon. « C’est d’ailleurs un des atouts de Nuxeo. La souplesse de son outil, c’est aussi de pouvoir s’interfacer avec plein de choses », conclut la responsable dans un compliment à double sens.