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AXA explore le métavers
Casino, Carrefour, IKKS, Gucci. Les marques arrivent déjà sur les plateformes de métavers ouvertes comme The Sandbox. C’est aussi le cas de l’assureur Axa, qui expérimente plus qu’il ne développe de cas d’usage. Un retour d’expérience partagé lors du Salon e-Marketing Paris.
En novembre 2021, Facebook changeait d’identité et devenait Meta. Il s’agissait pour la firme américaine de mettre en valeur son virage vers le métavers (ou metaverse en anglais), qu’il perçoit comme l’évolution du réseau social comme le mettait en lumière un rapport interne rédigé en 2018.
Sa conclusion : dans 20 ans, le temps consacré au métavers sera équivalent à celui alloué aujourd’hui aux réseaux sociaux. « Facebook anticipe un mouvement massif d’un univers digital composé essentiellement de réseaux sociaux vers un univers en trois dimensions », explique Bertrand Wolff, spécialiste de la réalité virtuelle et augmentée pour les entreprises lors du Salon e-Marketing Paris.
Pas une, mais des visions du métavers
Meta/Facebook étant également propriétaire d’Occulus, sa vision du métavers se focalise aujourd’hui principalement sur la Réalité Virtuelle (VR) et la Réalité Augmentée (AR). Le GAFAM fondé par Zuckerberg dispose par ailleurs d’un univers virtuel : Horizon Worlds. Mais à l’image de ses applications actuelles, Meta développe des environnements fermés et propriétaires.
Frank DesvignesDirecteur de l’open innovation chez Axa
L’ex-Facebook, malgré son changement d’identité, n’incarne qu’une des visions du métavers. Une autre se veut une approche plus « ouverte » où les utilisateurs peuvent eux aussi participer à la monétisation et être réellement propriétaires des biens numériques qu’ils acquièrent ou qu’ils créent.
Les deux plateformes de ce type les plus connues sont Decentraland et The Sandbox. Et nul besoin de s’équiper d’un casque de VR pour se connecter à ces mondes virtuels, immersifs et persistants.
Decentraland et Sandbox intègrent d’autres technologies, en particulier la blockchain et des tokens comme les NFT (tokens non fongibles, uniques et non divisibles). Ces jetons de type NFT peuvent être des accessoires et même des terrains de ces mondes virtuels.
C’est un de ces terrains, ou « Land », qu’a acheté Axa sur The Sandbox. Pour quels usages ? Ils restent à imaginer.
L’étape actuelle est celle du marketing et de l’expérimentation avant une véritable démocratisation au sein de la population. L’horizon est encore lointain, même si Gartner estime que les individus passeront une heure par jour dans un environnement de type métavers d’ici 2026.
Le métavers : une question d’image et d’anticipation pour AXA
« En tant que pionnier, nous allons explorer ce monde de demain sous plusieurs axes », confie Frank Desvignes, directeur de l’open innovation chez Axa, qui prenait la parole sur le salon e-Marketing Paris. « D’abord, nous allons positionner notre marque dans le métavers. Nous commençons aussi à travailler sur des sujets autour de l’innovation et de la création de nouveaux types de services ».
L’objectif est de cibler les communautés établies sur ces plateformes, comme sur Facebook à ses débuts. Fournisseur de services financiers, AXA pourrait imaginer des services associés aux tokens et autres NFT (des actifs qui ont un prix). Le marché demeure toutefois encore trop peu mature pour définir précisément les contours de tels produits.
Les blockchains publiques et leurs applications, dont le métavers, font transiter des tokens, c’est-à-dire de la valeur. Ces biens numériques suscitent naturellement l’intérêt des cybercriminels. De nouveaux assureurs se développent et couvrent par exemple les vols de cryptomonnaies ou les moins-values.
AXA ne propose rien de comparable, pour des questions réglementaires notamment. L’assureur avait certes lancé un produit adossé à la blockchain, Fizzy, afin d’automatiser l’indemnisation en cas de retard sur un vol. Mais cette offre s’est arrêtée dès en 2019.
L’assureur français examine en revanche sérieusement les possibilités des métavers, afin d’animer ses propres communautés de collaborateurs, notamment au sein de ses équipes tech. Celles-ci comptent plus de 2 000 personnes en France et AXA prévoit de faire grandir ses effectifs pour accompagner sa transformation digitale.
« Nos salariés ont envie, aussi, de collaborer dans ces univers. Ils sont sur Teams toute la journée. Ils ont peut-être le souhait de participer à des activités plus ludiques », suggère Frank Desvignes, qui imagine aussi des usages pour sa communauté cybersécurité.
Ces usages collaboratifs immersifs sont d’ailleurs ceux qui semblent séduire le plus les « early adopters ». L’ESN cabinet de conseil DXC a par exemple créé un « campus » avec l’application Virbela. DXC y a organisé en avril une conférence de presse in situ pour montrer comment il utilisait le métavers pour animer des réunions.
« La collaboration immersive offre des niveaux d’engagement plus élevés que les outils de collaboration en ligne traditionnels », assure Nathalie Vancluysen, Global Extended Reality Leader chez DXC.
Quant à Meta/Facebook, s’il se focalise sur l’évolution des réseaux sociaux avec le métavers, il regarde aussi de près l’évolution du collaboratif B2B – qu’il cible aujourd’hui avec Workplace. Pour amener les entreprises dans ces univers immersifs, il a lancé une application spécifique Workrooms.
Les grammaires d’usage restent à écrire
Via sa branche Axa Investment Managers, le groupe français participe actuellement à des expérimentations autour de la tokenisation d’instruments financiers traditionnels, comme les obligations. La transaction, réalisée en cryptomonnaie, était menée avec la Banque européenne d’investissement et la Société Générale.
Dans le domaine du métavers, les initiatives ne sont pas aussi avancées. Les usages et les options de monétisation semblent à l’heure actuelle plus évidents dans les domaines du luxe et de la mode. Le 24 mars, par exemple, une fashion week a été organisée dans Decentraland avec des boutiques virtuelles, des défilés retransmis en direct et des ventes de NFT (comme des sacs ou robes virtuelles).
Bertrand WolffSpécialiste réalité virtuelle et augmentée pour les entreprises
L’assurance et la finance doivent encore construire des applications pertinentes. Et elles ne sont pas les seules. « Comme le smartphone […], les nouvelles technologies n’arrivent pas avec un mode d’emploi. Les grammaires d’usage ne sont pas encore faites. Les grands cas d’utilisation sont à inventer », rappelle Bertrand Wolff.
L’analyse est partagée par Frank Desvignes. Le directeur de l’open innovation d’AXA encourage les entreprises à faire preuve de curiosité alors que se jouerait « la transition du Web2 vers le Web3 ».
Le Web3, un buzzword de plus ? Pas pour Frank Desvignes. Cette nouvelle génération du web se caractérise par la possibilité de transférer de la valeur sans intermédiaire, résume-t-il.
« Explorez. Soyez curieux. Et souvenez-vous. En 2009, Facebook arrive en France. On ne savait pas faire de publicité sur les réseaux sociaux. Instagram n’existe pas », compare-t-il. « Et petit à petit, les professionnels ont mis au point des techniques ».
« On rédige le guide du marketing en même temps qu’on explore. Pour le métavers, il s’écrit en ce moment », conclut le cadre d’AXA qui, à titre personnel, est propriétaire de ses propres parcelles sur The Sandbox.