A.P. Møller-Mærsk devient fournisseur de Blockchain pour le transport maritime
En créant une co-entreprise avec IBM, l’armateur veut convaincre ses co-opétiteurs et les parties prenantes du transport de conteneurs de déployer la Blockchain. Le but est de fluidifier et d’optimiser les échanges réglementaires. Tout en réduisant les coûts administratifs de tout le secteur.
IBM et le transporteur A.P. Møller-Mærsk ont poussé leur collaboration, entamée en mars 2017, un pas plus loin. Le géant américain de l’IT et le géant danois des armateurs ont créé une joint-venture pour développer techniquement et commercialement leur projet de blockchain.
Ce type de « plateforme », qui s’appuie sur un registre numérique distribuée, aurait pour bénéfice de réduire les coûts et d’accélérer le transit des conteneurs dans le monde.
L’administratif peut représenter 20% du cout du transport d’un conteneur
La blockchain, dans sa version « privée » ou « de consortium », permet de partager un registre entre des acteurs indépendants mais identifiés à l’avance. Dans le cas du transport maritime, un envoi réfrigéré partant d'Afrique de l'Est pour l'Europe peut passer par trente organisations différentes et impliquer plus de 200 communications, explique Vincent Clerc, le Directeur Commercial de Mærsk dans un échange avec Reuters.
La documentation et la bureaucratie peuvent même, dans certains cas, représenter jusqu' à un cinquième du coût total du transport d'un conteneur du fait que les échanges sont encore réalisés sur un support papier.
Dématérialiser ces documents réglementaires et fluidifier la chaine pourraient faire économiser plusieurs milliards par an au secteur.
Créer une convergence d’intérêts est indispensable au succès d’une blockchain
Le facteur économique est d’ailleurs un des arguments clefs qui pourraient convaincre les différents acteurs à collaborer techniquement autour d’une blockchain, malgré sa complexité et la jeunesse de la technologie.
Car comme le souligne Fréderic Panchaud de Viseo, une blockchain n’a de sens que lorsque ses participants sont des entités indépendantes. « Si vous avez la maitrise sur tous les sujets dans votre projet Blockchain, c’est probablement que vous pouvez faire la même chose avec une autre technologie plus adaptée », explique-t-il.
Le revers de la médaille est qu’il faut donc constituer un écosystème. Souvent avec des co-opétiteurs.
Pour être un succès, le projet d’IBM et A.P. Møller-Mærsk devra convaincre tous les participants potentiels : expéditeurs, destinataires, transitaires (dont la mission est d'organiser la liaison entre les différents transporteurs), transporteurs maritimes, ports et autorités douanières de différents pays.
« Le succès de la plateforme dépendra de leur acceptation » admet sans détour le directeur commercial de Mærsk.
Mærsk ? Un poids lourd du maritime que le secteur écoutera surement
Point important, et qui n’est pas un hasard, c’est l’ancien responsable des opérations de Mærsk Line pour l’Amérique du Nord (Michael White) qui prend la tête de la coentreprise. Preuve que c’est bien sur un connaisseur du secteur – et sur son réseau professionnel - que repose la réussite de cette blockchain.
Michael White aura un atout majeur dans sa manche. Mærsk, qui utilise déjà la plateforme, opère quasiment 15% de la totalité des conteneurs maritimes. Son poids devrait, au moins, susciter l’attention de ses partenaires. Selon Vincent Clerc, les autorités douanières et portuaires des États-Unis, de Singapour, des Pays-Bas et de la province chinoise du Guangdong auraient déjà manifesté leur intérêt pour la plate-forme.
Des concurrents transporteurs seraient aussi déjà prêts à devenir des co-opétiteurs, affirme le Directeur Commercial. Sans citer de nom.
Une offre de BCaaS composée d’un DLT et de Smart Contracts
Dans un jargon particulièrement opaque, IBM explique que la nouvelle société prévoit dans un premier temps de commercialiser deux fonctionnalités.
La première sera « un pipeline d'informations sur l'expédition qui fournira une visibilité de bout en bout sur la chaîne d'approvisionnement pour permettre à tous les acteurs impliqués dans sa gestion d'échanger des informations sur les événements d'expédition, même en temps réel » (sic). En clair, un registre distribué classique (Digital Ledger Technology ou DLT).
La deuxième offre « numérisera et automatisera le dépôt des documents administratifs en permettant aux utilisateurs finaux de soumettre, de valider et d’approuver en toute sécurité les documents au-delà de l'organisation, ce qui contribuera à réduire le temps et les coûts de dédouanement et de transport des marchandises. Les Smart Contracts garantiront que toutes les approbations requises sont en place, ce qui permettra d'accélérer les approbations et de réduire les erreurs ». En clair, une offre de développement de Smart Contracts spécialement taillés pour le transport maritime et qui seront déclinables en fonction des exigences réglementaires liées aux différentes marchandises convoyées.
Techniquement, la plateforme utilise la Blockchain-as-a-Service (BCaaS) du Cloud d’IBM. Cette BCaaS s’appuie sur Hyperledger – la blockchain soutenu par la Linux Fondation – plus exactement sur le framework Hyperledger Fabric 1.0.
IBM est un des éditeurs qui poussent le plus la Blockchain alors que d’autres – comme Oracle ou SAP – se montrent plus prudent sur les usages réels de la technologie à court terme. Au contraire, Big Blue en fait un axe stratégique de son développement. A tel point que certains analystes financiers l’ont rebaptisés, en rigolant, « International Blockchain Machine ».