Physique quantique
La physique quantique étudie la manière dont la matière se comporte dans l'infiniment petit.
Déconstruction d'un quatre quart
Un quatre quart par exemple est composé de quatre ingrédients (farine, sucre, œufs, beurre). Chaque ingrédient est lui-même constitué de plusieurs éléments (principalement du gras et de l'eau pour le beurre). Ces éléments sont des molécules.
Chacune de ces molécules (les grosses du gras, comme les petites de l'eau) sont faîtes d'atomes. L'eau par exemple est un ensemble de molécules composées de deux atomes d'hydrogène et d'un atome d'oxygène (H2O).
Jusqu'aux molécules, nous restons dans le domaine de la physique classique - qui est également celle sur laquelle s'appuie le matériel des ordinateurs d'aujourd'hui.
Le grand saut dans la physique quantique se fait lorsque l'on arrive à l'atome.
Particules et particules élémentaires
On commence à parler de particules - et donc de physique quantique - au niveau subatomique.
Certaines « grosses » particules - comme les atomes ou les ions (des atomes chargés) - sont elles mêmes un assemblage composite d'autres particules plus petites.
Les particules qui ne se décomposent pas en des particules plus petites sont dites « particules élémentaires ». C'est le cas, par exemple, de l'électron ou du photon - ce dernier étant au cœur de certains ordinateurs quantiques et de la lumière (la lumière étant une particule).
Reprenons la déconstruction de notre quatre quart. Nous en étions arrivés aux molécules d'eau, à l'intérieur du beurre. Ces molécules d'eau sont composées d'atomes d'oxygène (O) et d'hydrogène (H).
Dans le cas de l'hydrogène, l'atome est constitué d'un noyau et d'un seul électron. Comme dit plus haut, l'électron est une particule élémentaire (il ne se décompose en rien d'autre). Le noyau des atomes, lui, est composé de neutrons et de protons. Dans le cas de l'hydrogène, le noyau est fait d'un seul proton.
Les protons et les neutrons sont eux même faits de quarks - une autre particule élémentaire.
Un quatre quart est donc composé de quarks et d'électrons. Mais pas que.
Les particules s'échangent en effet en permanence des "messagers" - qui sont également des particules élémentaires (que l'on appelle des « bosons de jauge ») et qui expliquent, au niveau quantique, les forces physiques : des gluons pour l'interaction nucléaire forte (à l'intérieur des neutrons et des protons), des bosons (W et Z) pour l'interaction nucléaire faible (entre neutrons et protons), et des photons pour l'interaction électromagnétique (entre le noyau et les électrons).
Un quatre quart est au final composé de quarks, d'électrons, de photons, de gluons et de bosons W et Z.
Il existe en tout 61 particules élémentaires dont l'existence a été prouvée au CERN.
L'informatique quantique tente de tirer partie des propriétés très étranges de ces particules - qu'elles soient élémentaires (comme le photon) ou pas (comme les atomes et les ions).
Einstein, Schrödinger, Bohr, Curie et les autres
Car les principes de la physique classique - ceux qui nous sont intuitifs, comme la gravitation qui fait tomber la pomme de Newton de l'arbre - ne fonctionnent plus avec les particules.
Dans les années 30, un groupe de scientifiques de génie ont réussi à poser les bases d'une nouvelle physique : un corpus capable de modéliser et de formaliser mathématiquement le comportement très contre-intuitif de cet infiniment petit. Une photo devenue mythique les regroupe en 1927 au Congrès de Physique de Solvay.
Parmi ces fondateurs de la physique quantique, les plus célèbres dans le grand public sont certainement Albert Einstein et Neils Bohr (qui ont eu un débat historique sur la superposition et l'intrication - lire ci-après), Erwin Schrödinger (et son fameux chat) ou en France Marie Curie.
D'autres comme Werner Heisenberg (et le principe d'incertitude qui porte son nom), également présent à Solvay, et plus tard dans les années 60, Richard Feynman (qui a unifié a l'échelle quantique trois des forces connues) font également partie du Panthéon quantique de la physique. Celui-ci comporte évidemment bien d'autres « héros », y compris vivants, dont les français Alain Aspect, Serge Haroche, Claude Cohen-Tannoudji ou encore feu Georges Charpak.
Quatre quart quantique
Mais pourquoi dit-on que la matière dans l'infiniment petit est étrange ?
Premièrement, si l'on étudie une de ces particules, on constate qu'elle est à plusieurs endroits à la fois. Elle est également dans plusieurs états simultanés (vitesse, « spin »).
Un quatre quart est ici, devant nous, froid, sur la table de la salle à manger. Il ne peut pas en même temps être là-bas, dans la cuisine, chaud, sur le plan de travail. Dans un monde quantique, il serait pourtant les deux à la fois (en entier, et non parce qu'on l'aurait coupé en deux) - c'est le principe dit de « superposition ». Un principe qui déplaisait fortement à Einstein mais qui a depuis été validé.
Un deuxième comportement très étrange pour l'esprit est que lorsque deux particules ont été liées, elles le restent (principe d'intrication) quelle que soit la distance qui les sépare, quitte à défier notre conception du « voyage » impossible au-delà de la vitesse de la lumière (principe dit de « causalité relativiste »).
Imaginez deux quatre quarts cuits dans le même four : on envoie le premier à Chicago et le deuxième à Montpellier. Imaginez maintenant que vous réchauffez celui de Chicago au micro-onde. Dans l'instant même où sa température augmente, la température de celui de Montpellier augmente strictement à l'identique.
Ces deux principes de la théorie quantique sont au cœur de l'ordinateur quantique.
Quatre quart quantique ET classique
On le voit, le comportement de la matière dans l'infiniment petit est extrêmement différent de celui qu'elle a à notre échelle.
Mais alors, comment expliquer cette différence, puisque tout objet est composé d'une seule et même matière ? Un quatre quart est à la fois quantique si on regarde ses particules et « classique » à notre échelle (dans la vraie vie, il ne peut pas être intriqué avec un quatre quart frère envoyé à Chicago ou sur la lune).
La physique quantique n'a pas encore totalement résolu ce paradoxe de passage à l'échelle mais une des pistes s'appelle « la décohérence ».
La décohérence est un mécanisme naturel qui mettrait fin au comportement quantique des particules lorsqu'elles interagissent avec des éléments extérieurs.
Cette décohérence existe en tout cas au niveau d'une particule isolée, comme dans les qubits. Elle est d'ailleurs un des plus gros défis de l'ordinateur quantique qui veut garder ces particules le plus longtemps possible dans leurs états de superposition pour stocker à la fois des 0 et des 1 (et pas l'un ou l'autre comme dans les bits classiques). Après la décohérence, une particule perd en effet définitivement cette faculté.
Un corpus en évolution
La physique quantique ne cesse d'évoluer avec de nouvelles théories (super cordes, gravitation à boucle, univers multiples dans la théorie d'Everett, etc.).
Un de ses grands défis actuels est de tenter de trouver une explication quantique à la seule force qui lui résiste encore : la gravitation.
Au-delà de ces évolutions et de ces nombreuses explorations théoriques - qui se croisent aujourd'hui avec la cosmologie via les trous noirs et le Big Bang (deux situations d'infiniment petits dans l'infiniment grand de l'univers) - on retiendra que l'informatique quantique est surtout concernée par trois principes bien établis de la physique quantique : la superposition, l'intrication et la décohérence.