Métavers (metaverse)
La définition du métavers (ou metaverse en anglais) varie, tout comme les prédictions quant à la date de son arrivée réelle. Car pour l’instant, le métavers – au sens global et unifié qu’il est censé sous-tendre – n’est pas une réalité.
Qu’est-ce que le métavers ?
Comme souvent lorsqu’on aborde un sujet IT en devenir, la définition du Gartner résume assez bien les principales caractéristiques de « l’innovation » en cours. Pour les analystes du cabinet de conseil, le métavers est un environnement 3D :
- persistant et immersif ;
- collectif et partagé ;
- créé grâce à une réalité numérique et physique améliorée ;
- accessible via n’importe quel appareil connecté (smartphones, PC, casques VR, tablettes) ;
- alimenté par une monnaie reposant sur la blockchain.
Quelles sont les différentes variations de la définition du métavers ?
Le métavers peut donc se définir comme un espace entièrement virtuel dans lequel des personnes interagissent à travers des avatars.
Mais au sens large, le métavers peut également être un mélange d’expériences réelles et virtuelles, par exemple des spectateurs qui assistent depuis chez eux à un concert, par ailleurs bien réel, et qui peuvent voir, entendre et interagir (via leurs avatars) avec les autres personnes présentes sur site ou qui « visitent » le métavers.
Dans les deux cas, le métavers peut inclure la possibilité de faire des transactions avec des jetons non fongibles (ou NFT pour « non-fungible token »), des cryptomonnaies ou avec toute autre monnaie numérique qui s’appuie sur une blockchain. Un métavers permet donc aussi d’acheter et de vendre des produits et des services, et d’offrir une nouvelle expérience client (CX) par le biais de la reconstitution 3D.
Pour certains, cette capacité à faire des transactions est constitutive de la définition du métavers, mais pas pour tout le monde.
Finalement, un métavers pleinement réalisé reposera sur des avancées majeures dans trois domaines :
- la capacité de se transporter facilement et d’évoluer dans un autre espace ;
- une représentation 3D fidèle d’un monde physique (même s’il est conceptualisé) ;
- et l’émergence d’une économie de type Web3 (successeur du web et du web 2.0).
Les métavers existent-ils vraiment ?
« Ces trois éléments apparaissent déjà, mais c’est lorsqu’ils seront réunis que nous verrons un véritable métavers », anticipe Marty Resnick, VP de l’équipe Innovation technologique de Gartner.
Pour Jeff Wong, directeur de l’innovation au sein du cabinet de conseils EY, les métavers dont on entend actuellement parler ne sont ni une destination unique ni un espace spécifique entièrement réalisé. Il s’agirait plutôt pour lui d’une collection de mondes numériques émergents, d’une suite de petits métavers, dont certains sont publics et d’autres non, chacun étant construit pour ses propres fins.
Bien que l’avènement d’un métavers unifié ne soit pas prévu avant une dizaine d’années, un certain nombre d’entreprises pilote des versions de ce qu’un tel univers pourrait être.
Des géants de l’IT ou du jeu vidéo – comme Microsoft, Apple, Amazon, Google, Meta (ex- Facebook), Roblox, Nvidia, Epic ou Unity – se battent déjà pour obtenir leur part du métavers et déterminer les axes sur lesquels elles pourraient devenir dominantes.
Mais elles ne sont pas seules. Des fabricants ou des distributeurs – comme Nike, Carrefour, Walmart, Heineken ou Ferrari – traversent eux aussi ce qui est présenté comme « une nouvelle frontière ».
En d’autres termes : plutôt qu’un seul métavers, un certain nombre de projets de type métavers sont en cours de développement.
Marty Resnick compare cette situation aux premiers jours de l’Internet, lorsque les acteurs avaient chacun leurs propres services, que les entreprises créaient leurs propres îlots du World Wide Web et que ces parties n’étaient pas interopérables. Le fait que le concept de métavers n’ait pas de définition réellement unifiée est un signe de son manque de maturité.
Aujourd’hui, la technologie n’est par ailleurs tout simplement pas prête à supporter un métavers totalement immersif et partagé. L’interopérabilité, la puissance de calcul, les protocoles, la capacité de mise en réseau et le degré de sophistication ne permettent pas de créer un véritable espace unifié à l’UX aboutie.
Un écosystème de mondes virtuels interconnectés, motorisés par le cloud computing, nécessitera une interopérabilité et un partenariat fort entre les prestataires. Mais aujourd’hui le développement des métavers ressemble beaucoup plus à de la compétition qu’à de la coopération.
À noter que les métavers présentent aussi une multitude de risques (lire ci-après). Les DSI qui tenteront l’aventure auront tout intérêt à associer leurs collègues de la cybersécurité et du juridique.
Quelles sont les technologies d’un métavers ?
Les technologies les plus importantes derrière un métavers sont :
La modélisation 3D. De plus en plus d’entreprises travaillent à la construction d’environnements en 3D et d’objets virtuels. Certaines utilisent déjà des jumeaux numériques pour différentes tâches, qui vont de l’amélioration de la gestion de la chaîne d’approvisionnement à la maintenance prédictive de machines industrielles complexes.
La réalité augmentée (AR) et la réalité virtuelle (VR). Les deux donnent à un métavers une expérience immersive, bien que la RA et la RV prises isolément ne constituent pas un métavers.
NFT, blockchain et cryptomonnaies. La blockchain est une technologie décentralisée qui permet de se passer de tiers de confiance pour acheter, vendre ou prouver l’échange d’un actif. Les NFT reposent sur cette technologie blockchain. Ils sont un titre de propriété virtuel pour des biens, le plus souvent eux aussi virtuels. Ils permettent par exemple d’attester l’identité du propriétaire d’une œuvre d’art numérique (au format JPG ou GIF), du master d’une chanson (en MP3 ou FLAC), et même d’un tweet qui aurait été vendu (comme lorsque le fondateur de Twitter a vendu son tout premier tweet pour 2,9 millions de dollars).
L’intelligence artificielle. L’IA sera utilisée de plusieurs façons pour la création de métavers, notamment pour gérer les personnages non humains et pour faciliter les expériences réalistes avec la réalité numérique.
L’Internet des objets. L’IoT est déjà utilisé pour connecter et partager les données d’un large éventail d’objets du monde physique. Dans le concept de métavers, l’IoT est essentiel pour connecter des lieux physiques et des objets réels à des simulations 3D, en particulier pour les simulations en temps réel.
Quels sont les cas d’usage et les opportunités B2B des métavers ?
Le concept de réalité immersive, caractéristique du métavers, présente par ailleurs des cas d’utilisation divers et très distincts. Certaines applications seront par exemple destinées aux employés (travail hybride immersif), quand d’autres cibleront les clients. Certaines aideront la formation et les processus collaboratifs. D’autres cibleront la génération de revenus.
Car le métavers est aussi une autre manière de créer, de vendre et d’expérimenter du contenu et des applications. Le potentiel semble en tout cas là. « Chaque année, 54 milliards de dollars sont [déjà] dépensés en biens virtuels, soit presque le double du montant pour acheter de la musique », chiffre le rapport de la holding financière JPMorgan « Opportunities in the metaverse : How businesses can explore the metaverse and navigate the hype vs. reality ».
JPMorgan a commencé à se positionner sur le métavers en février en ouvrant son salon Onyx dans Decentraland – une des premières plateformes de réalité virtuelle où les utilisateurs peuvent acheter des terrains virtuels avec des NFT (qui s’appuient sur Ethereum). En janvier 2022, c’est Carrefour qui avait acheté un lopin sur Decentraland (pour 300 000 €).
Comme le rappelle Marty Resnick du Gartner, la plupart des entreprises ont deux présences : une dans le monde réel (boutique, bureau, etc.) et une en ligne. Selon lui « la meilleure recommandation possible pour les DSI est aujourd’hui la suivante : soyez prêts à ajouter un troisième site [le métavers] à vos sites physiques et à vos sites web ».
Cette intensification – encore relative – de l’activité des groupes dans des métavers indique qu’au moins certaines entreprises leur accordent de l’importance.
Voici quelques cas d’usage d’un métavers que les DSI peuvent envisager dans un futur plus ou moins proche :
- divertissement immersif
- opérations commerciales (boutiques virtuelles, etc.)
- amélioration de la formation
- amélioration du CX
- personnel augmenté
- publicité, image de marque et marketing (en analysant les données clients dans le métavers)
- emplacements numériques
- nouvelles sources de revenus (vente d’objets virtuels, etc.)
- travail hybride immersif
Quels sont les risques et les limites des métavers ?
Aucune innovation n’est sans danger. Les métavers ne font pas exception. Voici une courte liste des écueils à appréhender pour s’en prémunir :
- préoccupations environnementales ;
- problèmes de cybersécurité ;
- problèmes juridiques ;
- harcèlements de toutes formes ;
- problèmes de confidentialité ;
- escroqueries ;
- désinformation ;
- effets sur la santé mentale (baisse de l’estime de soi ; sentiment accru d’isolement).
De même, le métavers crée de nouvelles considérations sur les questions de conformité, sur la confidentialité des données, sur les risques et les exigences de sécurité.
Par ailleurs, les préoccupations en matière de durabilité environnementale augmentent. Un métavers peut être gourmand en ressources de calcul pour générer un immense espace en 3D. Et s’il s’appuie sur une blockchain, certaines sont particulièrement énergivores. Ce ou ces nouveaux espaces peuvent donc avoir un impact carbone important.