ERP cloud
L’ERP cloud – ou ERP en mode cloud – est un progiciel de gestion intégrée (Enterprise Resource Planning) qui tourne sur la plateforme cloud de son éditeur ou d’un prestataire tiers (AWS, Azure, etc.) plutôt que dans le datacenter de l’entreprise cliente.
L’ERP réunit en un même système les processus métier d’une entreprise comme la comptabilité, les RH, ou la gestion des stocks et des achats. Avant la généralisation du cloud, les ERP s’exécutaient, « sur site » (« on prem ») dans les locaux des entreprises clientes. L’ère de l’ERP cloud commence doucement en 1998 avec le premier ERP accessible par internet : NetLedger, qui deviendra NetSuite (racheté depuis par Oracle).
Composants d’un progiciel ERP en mode cloud
Cloud ou sur site, les ERP centralisent dans une base de données unique toutes les informations transactionnelles et opérationnelles de l’entreprise. Cette source de données unifiée sert de base à tous les modules, qui la nourrissent en retour.
Par exemple, un bon de commande entré par le service achat sera mis en commun dans l’ERP et servira à la logistique (pour vérifier la réception) et à la comptabilité (pour le paiement).
Le but d’un ERP avec ses modules reliés par cette base (d’où son nom français de progiciel « intégré ») – et à la différence d’applications éparses (« le best of breed ») – est d’éviter que les informations ne se contredisent entre départements et services. Ce qui réduit le risque d’erreurs, diminue les temps et de réconciliation (entre bon de commande, livraison, facture et paiement par exemple) et rend les reportings plus faciles à créer.
Quel que soit le mode de déploiement, les modules communs à tous les systèmes ERP concernent les fonctions clefs de la comptabilité et de la finance, et ses processus associés (analyse financière, prévision et reporting). On les regroupe sous l’appellation « ERP financier ».
La plupart des ERP proposent aussi des modules de gestion du capital humain (Human Capital Management, HCM ou SIRH en français) et de gestion de la relation client (CRM pour Customer Relationship Management ou GRC, Gestion de la Relation Commerciale, en français). Les modules dédiés à l’approvisionnement, à la gestion des stocks et au traitement des commandes sont aussi largement utilisés. Toutes ces fonctions sont communes à pratiquement tous les secteurs, que le produit fourni soit un bien matériel, immatériel ou un service.
Les entreprises qui fabriquent ou distribuent des biens physiques et des denrées ont souvent besoin de modules complémentaires pour la gestion de la chaîne logistique (Supply Chain Management, SCM), une fonction étendue qui englobe des processus complexes de distribution, d’entreposage, de transport et de logistique ainsi que des fonctions de planification comme la prévision et la gestion des ventes.
Ces secteurs utilisent aussi souvent un module de planification des ressources de production (Material Requirements Planning) pour planifier, programmer et s’approvisionner en matières premières et en composants nécessaires à la fabrication.
Au-delà de ces fonctions courantes, les entreprises choisissent généralement des modules ERP plus spécialisés adaptés à leur activité.
Par exemple, une entreprise qui a de nombreux équipements aura souvent un module de gestion des actifs ou des immobilisations (EAM pour Enterprise Asset Management).
Un manufacturier pourra aussi utiliser un module de gestion du cycle de vie des produits (Product Lifecycle Management, PLM) pour gérer tous les processus de planification et des données d’un produit, de la conception à la mise au rebut en passant par l’ingénierie, la production et la distribution.
Si l’entreprise veut se pencher en profondeur et rapidement sur ses performances financière et opérationnelle, elle peut se doter d’un module plus analytique de gestion de la performance (Enterprise Performance Management ou EPM). Un cabinet de conseil pourra, lui, se doter d’un module avancé de gestion de projet.
Certains ERP réunissent toutes ces fonctions en une seule suite intégrée ; mais les entreprises ajoutent souvent des modules d’autres éditeurs, spécialistes de la fonction recherchée (Salesforce dans le CRM, Ariba ou Ivalua dans les achats, Workday pour les RH) et dont les logiciels s’intègrent à l’ERP principal. Cette approche de « best of breed » se justifie particulièrement quand les fonctions natives de l’ERP ne sont pas assez développées pour leurs besoins.
ERP sur site ou en cloud
Les premières années, les ERP cloud proposaient moins de modules que leurs équivalents sur site. Mais l’écart s’est réduit à mesure que les éditeurs réorientaient leurs efforts de développement des versions « on prem » vers les versions « SaaS » (un des types d’ERP cloud, voir ci-après). Si bien qu’aujourd’hui, de nombreux ERP cloud offrent toute la gamme de modules fonctionnels disponibles sur site.
Toutefois, et quoi qu’en disent les éditeurs, la parité fonctionnelle n’est pas toujours totale et les ventes d’ERP sur site dépassent encore celles en mode cloud.
Un autre élément clef à comprendre est que l’ERP SaaS est mutualisé entre les différents clients. Dans ce modèle dit « multitenant », plusieurs « locataires » (les « tenants ») utilisent la même copie, dite « instance », du logiciel.
Conséquence, ces instances sont standardisées – certains diront simplifiées – puisque le même logiciel doit répondre à des besoins très variés selon les clients. Cette raison explique presque à elle seule pourquoi les ERP en mode SaaS tendent à offrir le « plus petit dénominateur commun » de modules, comparés à leurs équivalents sur site.
Par ailleurs, l’ERP en mode SaaS n’est pas personnalisable. Il est souvent paramétrable, mais le développement de « spécifiques » (des fonctionnalités maison qui s’ajoutent à l’ERP pour coller au plus près du besoin métier d’une entreprise) ne fait pas partie de la philosophie de l’ERP cloud. Pour modérer cette affirmation, on constate néanmoins que de plus en plus d’éditeurs proposent un PaaS dédié pour développer du code complémentaire à l’ERP – mais cela reste sans commune mesure avec ce qui se faisait « on prem ».
Ce manque de « spécifique » peut être vu comme une faiblesse par les entreprises (surtout celles qui en ont développé beaucoup). Au contraire, les partisans du SaaS considèrent qu’il s’agit d’une force qui contribue à diffuser les bonnes pratiques sectorielles, à réduire les coûts et à limiter les bogues et les pannes.
L’ERP sur site induit généralement un coût initial élevé (achat d’une licence pour plusieurs années, support, matériel, base de données, OS, etc.). À l’inverse, l’ERP SaaS revêt généralement la forme d’un abonnement mensuel par utilisateur (même si certains éditeurs combinent les deux modèles tarifaires). Le ticket d’entrée de l’ERP en mode SaaS est largement moins élevé, ce qui explique pourquoi les éditeurs ont souvent, dans un premier temps, ciblé les PME et les ETI avec ce type d’offres.
Malgré ces différences, le débat sur le modèle le moins cher à long terme fait rage. Ce qui est sûr c’est que les éditeurs poussent ce modèle, qui leur assure des recettes récurrentes grâce à l’abonnement. Ils vantent également les atouts d’interfaces plus « modernes » et intuitives, des mises à jour en continue, ou de l’Intelligence Artificielle infusée dans l’ERP cloud face à des ERP sur site vieillissants. Mais les vendeurs se heurtent encore à la résistance de beaucoup d’entreprises qui doutent que l’ERP cloud réponde à tous leurs besoins et/ou que son coût financier sur le long terme soit intéressant. Sans oublier que certaines entreprises ne souhaitent pas confier leurs applicatifs critiques et leurs données à un prestataire externe.
À côté du prix, les questions de confidentialité et de sécurité sont d’ailleurs l’autre grand débat autour de l’ERP cloud.
L’ERP cloud, parce qu’il est accessible à distance par internet (ou via un VPN), semble de prime abord plus vulnérable aux pannes des réseaux. De plus, certaines entreprises sont réticentes à sous-traiter leur progiciel. Mais, les réseaux internes subissent eux aussi des pannes, et toutes les entreprises n’ont pas l’expertise pour assurer la pérennité de leur ERP.
Quant à la sécurité, les appréhensions des premiers temps sur la sûreté du stockage dans le cloud des données sensibles se sont atténuées, à mesure que les entreprises se sont rendu compte que leurs propres datacenters pouvaient s’avérer moins sûrs que ceux des prestataires.
Mais récemment, les problématiques liées à l’extraterritorialité du droit américain (CLOUD Act, Patriot Act, FISA, Umbrella Act, etc.) qui rend les données cloud, où qu’elles soient stockées, accessibles à la justice des États-Unis et son détournement officieux, mais possibles comme outil de renseignement économique, réintroduisent une pointe de doute et relancent le débat, notamment dans les secteurs les plus sensibles (armement, défense, santé, etc.) et les plus concurrentiels.
Entre cloud et « on prem », les entreprises peuvent choisir de ne pas choisir et opter pour une combinaison des deux, dite « ERP hybride ». Une configuration très classique marie un ERP sur site – par exemple un système ultra-personnalisé et étroitement intégré avec d’autres systèmes internes dédiés à de la fabrication et à la gestion des entrepôts – à des modules SaaS pour gérer le capital humain ou la relation client.
Cette tendance au panachage des ERP et des modèles de déploiement, mais aussi des fournisseurs, remet à plat la définition de l’ERP. Les applications métiers procèdent désormais souvent d’un assemblage plutôt que d’une unique suite ERP d’un seul bloc.
Un « ERP postmoderne » de ce type apporte de la flexibilité, mais il pose aussi à nouveau des défis d’intégration – intégration native qui était la base de la définition même d’ERP.
Types d’ERP cloud
Les éditeurs aiment à dire que leur ERP est « cloud ». Mais il y a cloud et cloud. Dans certains modèles de déploiement, l’éditeur se contente de déplacer l’infrastructure sous-jacente de l’ERP, sans modifier le code du progiciel sur site. Ces ERP sont alors hébergés sur un IaaS et le terme de « cloud » n’est pas vraiment exact. Les éditeurs vantent néanmoins de tels services de « lift and shift », car ils sont bien adaptés aux clients qui sont réticents à adopter des produits ERP en mode SaaS (mutualisés, standardisés et dont les mises à jour sont régulières – ce qui peut ne pas plaire à tout le monde), mais qui souhaitent tout de même profiter de la scalabilité et de la tranquillité de gestion qu’apporte une infrastructure cloud.
Les acheteurs feront donc bien de demander aux éditeurs d’ERP ce qu’ils entendent précisément par « cloud ».
L’offre multitenant à la demande est la forme de cloud la plus pure (le SaaS).
Elle est suivie du modèle « monotenant à la demande », où chaque client a sa propre instance du logiciel ERP qui s’exécute sur la plateforme du fournisseur. Dans ce modèle « SaaS single tenant », le client continue de disposer d’une puissance de calcul évolutive et de la souplesse de la tarification par abonnement, mais ses données et son système ERP sont séparés de ceux des autres clients. Certaines entreprises choisissent cette option pour des raisons de sécurité et de confidentialité qui leur sont propres ou pour respecter les obligations légales (conformité) de pays où elles opèrent.
Les deux types d’ERP SaaS (multitenant et single tenant) sont très souvent hébergés sur un cloud public, où l’infrastructure et les services dépendent d’un autre prestataire que l’éditeur de l’ERP. Depuis la fin des années 2010, la plupart des éditeurs d’ERP cloud sous-traitent ce socle aux grands noms du marché comme AWS, Google Cloud, IBM ou Microsoft Azure.
Le troisième grand type d’ERP cloud est le « cloud privé ». Le SaaS monotenant en est souvent un. Mais d’autres sortes de clouds privés n’ont de cloud que le nom (et cela signifie juste qu’on y accède par internet). Dans l’ERP en cloud privé, les logiciels et le matériel sont ceux d’un client unique. Dans certains cas, le client de l’ERP exerce même un certain contrôle sur le datacenter et ne délègue pas toutes les responsabilités à l’hébergeur. Un ERP en cloud privé peut même s’exécuter sur site, dans les murs de l’entreprise cliente. Plutôt que cloud, on pourrait dès lors parler d’ERP « en mode hébergé et managé ».
Dans la pratique, il est possible de combiner cloud privé et cloud public pour un ERP, en fonction des modules et des couches. Il en va de même dans le seul cloud public, où le multitenant peut être pertinent pour certaines couches et pas pour d’autres. Un client peut profiter des avantages de la mutualisation au niveau de la base de données, du système d’exploitation et du matériel, tout en exécutant son application ERP en monotenant.
Atouts et avantages de l’ERP cloud
La maintenance d’un ERP cloud peut s’avérer plus facile que celle d’un ERP sur site, puisque l’éditeur de l’ERP cloud prend en charge le logiciel et le matériel. Un ERP cloud bénéficie par ailleurs de garanties en termes de disponibilité (SLA), de sauvegarde et de reprise après sinistre (PRA) limitant les interruptions.
La facilité et le faible coût de la connectivité à internet permettent d’étendre l’accès de l’ERP aux clients, aux partenaires et aux fournisseurs externes – ce qui favorise d’autant la collaboration dans les processus comme la prévision des ventes, la gestion de la chaîne logistique ou l’acquisition des talents.
Dans le modèle ERP cloud, comme dans les autres modèles de service cloud, les entreprises paient uniquement les ressources consommées et les ajustent aux fluctuations de leurs besoins (les contrats peuvent néanmoins inclure des délais de plusieurs semaines pour réajuster le nombre d’utilisateurs ou les ressources sous-jacentes)
Avec le cloud, les nouvelles technologies arrivent aussi plus rapidement que dans les ERP sur site. Un ERP SaaS bénéficie généralement de mises à jour tous les trimestres, quand un ERP sur site peut ne pas bouger pendant plusieurs années, si l’entreprise décide de ne pas appliquer les packages de l’éditeur. En conséquence, il est plus facile de proposer des expériences utilisateur modernes (interfaces vocales, app mobile, etc.) dans un ERP en mode SaaS que dans un ERP sur site.
Défis et limites de l’ERP cloud
L’ERP cloud dispose de nombreux atouts, mais il pose aussi des défis de gestion. Les administrateurs perdent une grosse part de la maîtrise du progiciel qu’ils externalisent.
Modifier la configuration et les paramètres du logiciel, ajouter des extensions clefs en main, et utiliser les PaaS des éditeurs (quand ils existent) pour écrire des « petits » spécifiques, permet une certaine personnalisation de l’ERP ; mais les versions sur site sont bien plus personnalisables.
L’ERP cloud, surtout en mode SaaS, requiert souvent une formation solide et un accompagnement du changement pour familiariser les employés aux nouveaux workflows et aux nouvelles procédures métiers (qui dans le SaaS peuvent être, comme on l’a dit, standardisées et très différentes de celles en cours dans l’ancien ERP sur site).
Les entreprises doivent aussi prêter une attention toute particulière aux obligations de localisation physique des données des différents pays, et respecter les obligations locales de sécurité et de confidentialité, si les données de leur ERP cloud sont réparties dans plusieurs datacenters et dans plusieurs zones géographiques par l’éditeur.
Dans les entreprises à forte croissance, le cloud apporte une réelle scalabilité. Revers de la médaille, les coûts d’abonnement de l’ERP peuvent aussi rapidement excéder les coûts de licences sur site. Compte tenu de ces subtilités financières, les acheteurs doivent bien connaître les modèles les plus courants d’abonnements pour les ERP en mode SaaS, et examiner avec attention les propositions de chaque éditeur. Une tâche qui est souvent beaucoup moins simple qu’elle n’en a l’air.
Éditeurs et marché de l’ERP cloud
Selon Gartner, le marché mondial des ERP aussi bien sur site que cloud atteignait 35 milliards de dollars en 2018. SAP arrivait en tête avec 22 % de parts de marché, suivi d’Oracle (11 %), Workday (7 %), Sage (6 %), Infor (5 %) et Microsoft (4 %).
À l’exception de Workday, qui est « né dans le cloud », ces leaders du marché ont une longue histoire qui a débuté dans l’ERP sur site. Ils ont progressivement évolué et développé – ou racheté – des ERP cloud depuis le début des années 2000.
D’autres éditeurs plus petits, tout aussi expérimentés, ont suivi une trajectoire comparable : Acumatica, Epicor, IFS, IQMS, QAD, Ramco, Unit4 ou en France CEGID ou Divalto.
Aux côtés de Workday, dans les éditeurs « nés dans le cloud », on peut citer Intacct (acquis par Sage en 2017), Kenandy, NetSuite (acquis par Oracle en 2016), Plex, Rootstock Software ou FinancialForce (qui s’appuie sur le PaaS de Salesforce).
Gartner ne publie pas la répartition des chiffres d’affaires ni les parts de marché du seul segment cloud des ERP. Mais dans un autre rapport sur les revenus mondiaux du cloud public, publié en 2019, le cabinet prédisait quasiment un doublement des dépenses en applications SaaS, de 80 milliards de dollars en 2018 à 143,7 milliards en 2022.