Cet article fait partie de notre guide: Comment l'IT révolutionne les campagnes électorales

Tour d’horizon des CRM politiques en France

Le CRM s’impose de plus en plus en politique. Ou plutôt les CRMs. Voici les 7 principales solutions utilisées par les équipes de campagnes des candidats français. Et leurs particularités.

Françaises ou américaines, prédictives ou non, « Digital » ou « Field Services » (de terrain), apolitiques ou marquées politiquement, les solutions de CRM politiques se ressemblent certes un peu (elles répondent aux mêmes besoins) mais elles sont également très diverses.

Nation Builder

Le leader américain est certainement celui dont on parle le plus, en bien comme en mal. Certainement parce que « la plateforme est utilisée pour les campagnes de huit candidats aux élections présidentielles françaises », comme l’indique Trifacta, le partenaire de la solution SaaS pour la préparation des données.

Le socle de NationBuilder est un CMS qui permet de créer un site officiel et d’enregistrer son activité pour nourrir une base.

Typiquement, un citoyen qui devient membre d’un parti s’inscrit sur le site et y paye sa cotisation. Le back-end l’enregistre, crée une fiche, puis archive les activités de cette personne. Si le militant a renseigné ses informations de réseaux sociaux, sa fiche suit ses comptes. En France, la fonction d’auto-complétion par des données tierces a été désactivée pour se conformer à la CNIL.

Un dashboard résume les informations clefs de la totalité des activités.

L’atout de Nation Builder est de centraliser toutes les informations d’une campagne au même endroit. « Une base unique pour une vérité unique », dit le dicton IT.

Avec cette base unique, il est possible de faire des recherches (« militant très actif sur Twitter avec un gros nombre de followers et habitant une ville particulière ») soit pour fidéliser des contacts, soit pour en faire des ambassadeurs ou pour les inviter à se joindre à des actions terrains. Cette fonctionnalité de recherche poussée est néanmoins plus limitée en France où les jeux et la collecte des données est moins fournies qu’aux Etats-Unis et ne permet pas de faire des ciblages complexes.

La partie « communication » du CRM permet pour sa part de « nourrir » (« nurturer » en langage de commercial) ces « prospects » avec des mailings et d’analyser les réponses, un peu à la manière d’un Marketo. Elle permet également de gérer les newsletters avec des templates préconçus.

Nation Builder « est un outil très performant et très complet dans son domaine : gérer une campagne digitale, connecter et faire une veille de tous les réseaux sociaux […], collecter des fonds via le site de campagne ou via des campagnes d’emailing performantes. NationBuilder a également une bonne capacité d’analyse et de mise en relation des données », résume son concurrent français Previoo qui se présente comme complémentaire (lire ci-après).

Blue State Digital

Blue State Digital est l’autre gros CRM politique américain. Ses fonctionnalités sont assez proches de Nation Builder avec des variantes plus ou moins marquées (test de mails sur des segments de listes avant envoi, etc.) mais l’outil est - encore plus - cher. Il s’appuie en fait sur beaucoup de conseils. Il est également moins « apolitique » que son concurrent.

Blue State Digital est en effet marqué « démocrate ». Il a été utilisé par Barack Obama en 2008 et en 2012 puis par Hillary Clinton en 2017 (face à Donald Trump qui utilisait lui Nation Builder). En France, l’équipe de campagne de François Hollande l’a choisi en 2012, tout comme Anne Hidalgo en 2014 pour les municipales à Paris.

DigitaleBox

Plus abordable en termes de prix que ses concurrents américains, le français DigitaleBox se veut agnostique aussi bien côté technique que politique.

Ce CRM s’interface avec des CMS tiers comme WordPress. Et son éditeur confirme travailler avec tous les partis politiques, sauf les extrêmes.

Son argument majeur – en plus du prix – est d’être concçu dès le départ pour les campagnes françaises et d'être de ce fait respectueux des règles de la CNIL.

Autre argument avancé par Vincent Moncenis, DigitaleBox « est développé et hébergé en France ». Le créateur du CRM ne précise pas les prestataires qui gèrent les datacenters derrière cette solution SaaS mais il confirme au MagIT que « tout est français du sol au plafond ».

L’argument a fait mouche auprès d’Arnaud Montebourg dans le cadre des primaires socialistes mais aussi auprès de Michelle Alliot-Marie.

Aujourd’hui, ce Nation Builder « made in France » a pour client plus de 200 élus dont « encore deux candidats en course pour la présidentielle mais qui ne communiquent pas », nous répond poliment Vincent Moncenis (NB : l'échange a eu lieu avant le premier tour des Présidentielles de 2017)

Cent cinquante candidats pour les prochaines législatives l’ont en tout cas déjà adopté.

50+1

Ce CRM conçu par le cabinet Liegey Muller Pons (LMS) est en fait une solution en deux parties. La première s’apparente à un outil d’analytique prédictif. La deuxième, plus CRM de terrain (à la « Field Services ») gère les actions de type porte-à-porte et la distribution de tracts.

De fait, « Cinquante + Un » ne se voit pas comme un concurrent de Nation Builder.

Sur la première partie stratégique, 50+1 rassemble les résultats électoraux passés (depuis 2007), et les croise avec des informations issues de l’Open Data et de l'Insee. En y appliquant des algorithmes prédictifs, LMS « score » les bureaux de vote (couleurs politiques, abstention) et recommande des actions ciblés à ses clients.

Parmi ses utilisateurs connus, on trouve Jean-Paul Huchon lors de la campagne régionale de 2010, François Hollande pour sa campagne présidentielle de 2012 ou Anne Hidalgo pour les dernières municipales à Paris. Emmanuel Macron l’utiliserait actuellement.

50+1 se veut néanmoins apolitique, même s’il se refuse à travailler avec les « partis populistes » nous indique un porte-parole. 

Corto

Corto est un outil cartographique à vocation généraliste qui a été conçu par la société Spallian. Outil « généraliste » dans le sens où son éditeur le destine aussi bien au développement commercial des entreprises qu’à la lutte contre la délinquance et la criminalité. Interpol en serait d’ailleurs équipé.

Dans son application politique, Corto sert à « parfaire la connaissance de la carte électorale d’un territoire et en identifier les principales forces et faiblesses ».

Ce micro-ciblage peut se faire en croisant des données publiques et privées (celles collectées précédemment par les partis). Ou en remontant des informations du terrain via l’application Memento.

Le but de ces deux outils complémentaires – et complémentaires des CRM - est d’identifier des zones prioritaires et pertinentes pour les actions terrains des militants. Ce qui en fait, de facto, un outil de scoring particulièrement adapté pour les scrutins locaux.

Parmi ses utilisateurs on trouve Alain Juppé (pendant les primaires de la droite) ou Nathalie Kosciusko-Morizet lors de sa dernière campagne municipale à Paris.

Previoo

Previoo (prononcez Preview) est un outil CRM SaaS développé par l’agence de communication politique Plebiscit, basée à La Rochelle.

Previoo sert à gérer les campagnes terrains (CRM de type Field Services donc). Il prend en charge l’organisation des militants, de porte-à-porte – « avec des fiches pré-remplies grâce aux données électorales », dixit sa présentation vidéo - et du reporting terrain.

Il permet également l’enrichissement de base, l’évaluation des performances des militants et celles des ROI des actions. Previoo permet également de tester des thématiques de programme, ou encore le ciblage d’électeur.

Previoo prend aussi en charge les différentes obligations réglementaires des élus et des candidats (via des rappels).

« Entre Previoo, le logiciel en ligne pour gagner une campagne électorale et NationBuilder, il est plus question de complémentarité que de concurrence », revendique l’éditeur.

Depuis deux ans, ce CRM a accompagné 283 candidats de tout bord sur l’ensemble du territoire français. L’outil a séduit particulièrement les candidats – législatives et municipales – qui ont « souvent perdu de peu aux dernières élections » confie un porte-parole de Plebiscit au MagIT.

Federavox

Marqué à droite, Federavox est un autre outil qui pour « analyser les territoires sur une carte interactive, pour cibler les efforts de campagne et mobiliser un maximum d’électeurs ».

Le CRM de type Filed Services permet de « coordonnez des actions terrain pour mener une campagne de proximité efficace ». Sur le même principe que les autres solutions de scoring, il utilise le triptique de données du Ministère de l’Intérieur, de l’Insee et de l’Open Data.

Et aussi : ceux qui ne sont pas (encore) en France

NGP Van

L’histoire veut que l’équipe de Jean-Luc Mélenchon se soit trompée au moment de sélectionner son outil CRM et qu’elle ait pris Nation Builder à la place de NGP Van, la solution qui est effectivement utilisée par un de ses modèles : Bernie Sanders.

Plébiscité par les démocrates et dans un contexte américain où la donnée politique est beaucoup plus ouverte qu’en France, NGP Van permet d’organiser des campagnes auprès des personnes qui se déclarent sympathisants, « mais aussi auprès de celles qui – prédit la plateforme – voteront pour le candidat » rapportait Wired lors d’un reportage sur les primaires démocrates.

Un usage Big Data que ne permet pas vraiment la France. Mais ce frein ne devrait pas l’empêcher d’arriver dans nos contrées, a priori dans les équipes de candidats de sensibilité de gauche.

Salesforce

Utilisé par Ted Cruz aux Etats-Unis mais à notre connaissance par aucun candidat en France (Salesforce n'a pas donné suite à notre demande sur ce sujet)..

Pourtant, alors que les spécificités locales sont très importantes, Salesforce ne manque pas d’atout. Le CRM numéro un dans le monde permet de choisir une localisation des données en Europe et en France (voire de les garder en local comme le montre Bouygues Telecom). Quant aux possibilités de personnalisation pour l’adapter aux besoins particuliers de chaque candidat, elles sont nombreuses grâce à son PaaS.

Pour approfondir sur Gestion de la relation client (CRM)