SDN et DevOps : les experts réseaux à un tournant historique
Avec l'arrivée du SDN et du DevOps, le contrôle du réseau devient une mission d'équipes collaboratives d'experts en virtualisation, en serveurs et en applications. Les équipes réseau seront quant à elles plus réduites et les experts seront appelés à se repositionner.
Avec la concrétisation des SDN et l’évènement du DevOps, les ingénieurs réseaux perdent la mainmise sur le réseau du datacenter au profit des équipes chargées de la virtualisation. Si bien que, si l'on en croit un rapport d'IDC Research, cette tendance pourrait bien annoncer une mutation des équipes réseaux vers un modèle plus réduit.
Selon une étude intitulée « SDN Survey: Big Changes for Data Center Operations and Personnel », les équipes IT ne laisseraient désormais plus les décisions d'achat entre les mains des seuls experts réseaux mais s'entoureraient aussi de spécialistes des serveurs, de la virtualisation et de l'architecture pour constituer des équipes collaboratives.
Décision d'achat collective pour le datacenter à définition logicielle
Si toutefois, ils conservent une influence dans la décision d'achat, les experts réseaux ne sont plus « les seuls maîtres à bord comme ils l'étaient encore il y a peu », constate Rohit Mehra, vice-président de l'infrastructure réseau chez IDC et co-auteur du rapport avec Brad Casemore, directeur des études sur les datacenters.
Cinq pour cent des prestataires Cloud et 10 % des entreprises indiquent que l'équipe réseau conserve la plus grande influence sur les achats réseau. Dans le même temps, respectivement 27 % et 23 % affirment que les décisions sont le fruit de la collaboration entre équipes réseaux et les équipes serveur / virtualisation. Et, 32 % et 30 % précisent respectivement que les décisions d'achat sont prises par les équipes réseaux et avec cellex en charge de l'architecture informatique.
Les prestataires Cloud sont même plus enclins à exclure l'équipe réseau des décisions d'achat. Si seules 6 % des entreprises ont écarté l'équipe réseau de la procédure, il est surprenant de voir que c'est le cas pour 20 % des prestataires Cloud.
Et quid des experts réseaux dans cet effondrement des silos et cette restructuration organisationnelle ?
Le passage au SDN entraînera une réduction du personnel réseau au sein des équipes IT : selon le rapport, 27 % des entreprises et 34 % des prestataires Cloud affirment que cette nouvelle technologie leur permettra de réduire la taille de ces équipes.
Rohit Mehra et Brad Casemore concluent par une bonne nouvelle : il suffit aux ingénieurs réseaux d'acquérir quelques compétences supplémentaires pour intégrer l'équipe datacenter. 54 % des prestataires Cloud et 52 % des entreprises interrogées affirment en effet qu'ils redéploieront le personnel réseau vers d'autres tâches, notamment celles portant sur la virtualisation du réseau, l'automatisation/l'orchestration, l’analytique et la planification d'architecture.
« Les experts qui s'approprient ce changement et développent leurs connaissances et leurs compétences devraient sortir largement gagnants de ce passage au réseau programmable, tant professionnellement que personnellement, » écrivent R. Mehra et B. Casemore.
La virtualisation du réseau n'est pas une affaire d'experts réseau
La lutte entre ingénieurs réseaux et équipes serveurs pour le contrôle de la virtualisation du réseau a commencé il y a une dizaine d'années. Elle ne devrait pas perdurer : prestataires Cloud et entreprises transfèrent en effet le contrôle de la virtualisation du réseau, avec des différences marquées.
Pour seulement 36 % des prestataires Cloud et pour 33 % des entreprises, l'équipe réseau est la première responsable du réseau virtuel. Les prestataires Cloud confient souvent cette responsabilité aux équipes applications, alors que les entreprises la délèguent plus facilement aux équipes serveurs ou virtualisation.
Chez les prestataires Cloud, 33 % indiquent que l'équipe application est la première responsable du réseau virtuel, contre 18 % chez les autres entreprises. Parallèlement, 30 % des entreprises et 18 % des prestataires Cloud en donnent la première responsabilité à l'équipe serveur.
B. Casemore et R. Mehra expliquent la prééminence des équipes réseaux chez les prestataires Cloud par leur approche DevOps plus marquée. L'étude montre que 45 % des prestataires Cloud contre 23 % des entreprises ont donné une orientation DevOps à leur service IT pour s'adapter au SDN et au Cloud. Mais cet écart devrait se combler au fil du temps. En effet, près de la moitié des entreprises interrogées ont signalé la restructuration prochaine de leur service informatique.
« Les prestataires Cloud adoptent une approche centrès sur les applications. Ils ne s'engagent pas sur la voie d'une infrastructure qui séparerait par exemple la gestion du réseau de celle du stockage » explique R. Mehra.
Que feront les fournisseurs réseaux s'ils ne vendent plus aux experts réseaux ?
Si les fonctions d'achat et de gestion des réseaux virtuels changent de main, les fournisseurs vont devoir s'adresser à un nouveau public d'utilisateurs. En tout état de cause, les acteurs historiques devront clarifier le versant logiciel de leurs offres.
« Les spécialistes de la virtualisation des serveurs et des applications sont formés pour penser en termes logiciels. En fait, nous essayons d'expliquer qu'étant donné leur orientation, ils pourraient être amenés à demander pourquoi ne pas se contenter d'une solution logicielle, y compris pour l'infrastructure du réseau, de façon à gagner en contrôle et en fonctionnalités ? » explique R. Mehra.
Un certain nombre de fournisseurs - Cisco, HP, Juniper ou Brocade - parlent déjà de datacenter intégré et n'auront aucun problème à toucher ce public. Ils devront toutefois faire très attention de ne pas soustimer la partie logicielle dans leur discours.