Rise with SAP : le programme de SAP pour s’envoler vers le cloud
SAP lance une offre « tout en un », à guichet unique, sur abonnement, pour accompagner ses clients en trois étapes vers le cloud, S/4 et la « Intelligent Enterprise ». Les analystes accueillent positivement cette « conciergerie » de la transformation numérique. Même si des défis demeurent.
SAP a lancé un nouveau programme (« Rise with SAP ») qui regroupe en un seul contrat d’abonnement la gestion d’une infrastructure cloud, le logiciel et les services managés.
La présentation a eu lieu lors d’un événement virtuel mené par le PDG de SAP, Christian Klein. Le président a confirmé au passage l’acquisition de l’éditeur de process mining Signavio (qui joue une place importante dans le programme) et est revenu sur la récente intégration de Microsoft Teams dans les produits SAP.
L’objectif de « Rise with SAP » est d’aider les clients à migrer de leurs ERP ECC sur site vers SAP S/4HANA dans le cloud.
Pour SAP, cette migration est une étape pour atteindre l’objectif plus ambitieux d’une transformation plus profonde – ce que l’éditeur nomme la « Intelligent Enterprise ». Cette entreprise intelligente, telle que décrite par SAP, utilise le cloud et les technologies de nouvelle génération pour devenir plus flexible, plus résistante et plus consommatrice de données dans ses décisions (« une version plus intelligente et plus rapide de vous-même », lance Christian Klein). Mais avant d’en arriver là, la première étape qu’est la migration vers S/4HANA est déjà un projet complexe, long et difficile.
Christian KleinSAP
« Rise with SAP », que Christian Klein qualifie de « Business Transformation as a Service », vise à simplifier ce voyage au long court. Pour la plupart des chefs d’entreprise, la question n’est pas de savoir pourquoi ils devraient devenir une entreprise plus intelligente, insiste-t-il, mais comment y parvenir.
« Avant de concevoir cette nouvelle offre, il était essentiel pour nous d’écouter nos clients avec empathie, pour comprendre exactement leurs défis et leurs besoins », assure le PDG de SAP. Or « le plus gros défi pour de nombreuses entreprises, c’est ce comment – comment se transformer de manière holistique, surtout quand on connaît aujourd’hui le succès sur son marché ».
Ce qu’il y a dans le programme « Rise with SAP »
Concrètement, ce programme est composé de très nombreux produits de SAP.
En soi, aucun n’est nouveau. La nouveauté vient plus de la manière de les agréger dans une offre unique, sur abonnement. On y trouve de la Business Process Intelligence – nom maison du process mining (avec Signavio donc) – la gestion par SAP de l’infrastructure voulue par le client (celle de SAP, mais aussi Azure, AWS, GCP, IBM ou Alibaba Cloud), l’accès à l’environnement de développement SAP Business Intelligence Platform, l’accès au SAP Business Network (dont Ariba) et, bien sûr, S/4 HANA Cloud.
Dans « Rise with SAP », SAP assume la responsabilité des contrats, des accords sur les niveaux de service (SLA), des opérations et du support. Il devient le point de contact unique pour le client. SAP devient « votre service de conciergerie personnelle pour l’Intelligent Enterprise », compare Christian Klein.
Le responsable promet des SLA de 99,9 % (« inégalés dans l’industrie » [sic]) et des économies de TCO qui peuvent aller « jusqu’à 20 % par rapport à votre paysage IT actuel ».
Trois grands piliers et six briques
« Rise with SAP » se compose de trois grands piliers, qui sont autant d’étapes de transformation :
- La refonte des processus, qui permet aux clients d’analyser en permanence leurs processus, de les comparer aux standards de leurs secteurs et de les adapter aux nouvelles exigences opérationnelles selon les besoins. C’est ici que joue à plein le rachat de Signavio.
- L’accompagnement technique à la migration, avec des services de SAP et de ses partenaires pour repenser le paysage applicatif du client (diminution voire élimination des spécifiques, harmonisation et nouvelle gouvernance des données, etc.). Cette étape doit permettre de faire fonctionner tous les systèmes sur une seule et même couche de données.
- Enfin, la concrétisation de l’Intelligente Enterprise utilise la Business Technology Platform de SAP comme fondation de ce projet d’envergure. Cette étape doit permettre aux clients d’exécuter des processus métiers, intégrés et qui partagent un modèle de données sémantiques commun à toute l’entreprise.
À noter que le programme, dans sa partie « Tools & Services » donne accès au SAP Learning Hub (une bonne surprise si l’on en croit l’USF qui a souligné ce point dans un échange avec la rédaction).
S’ajoute à ces « plateformes » l’intégration de Teams (pour la collaboration d’équipe) qui fait suite au nouveau partenariat entre SAP et Microsoft. Un ajout qui permettra d’échanger entre collègues sans avoir à jongler avec les applications vante Christian Klein.
L’accompagnement par les partenaires devrait également faire partie du lot (et donc facturé par SAP). En France, Capgemini et Atos sont déjà dans le programme aux côtés d’Accenture, Cognizant, DXC, IBM, Infosys, HCL, PwC, Tata, Wipro, EY ou encore Deloitte pour n’en citer que quelques-uns parmi les dix-neuf acteurs actuels.
« Les partenaires peuvent facilement compléter et étendre [l’Intelligente Enterprise] et y intégrer n’importe laquelle de nos applications métiers (LoB) et de nos solutions sectorielles, ou [intégrer] des solutions de partenaires et de tiers », résume Christian Klein. Le tout « en utilisant exactement le même modèle de données et les mêmes services que nos applications SAP, ce qui vous permet d’exécuter vos processus critiques et vos processus sectoriels spécifiques en toute transparence, de bout en bout et de haut en bas [de la stack technologique], avec une transparence totale et une visibilité à 360° ».
Hybrid or not hybrid, telle est la question
On l’aura compris, le but affiché de SAP est d’amener ses clients vers le cloud (et au-delà). Mais le cloud hybride et le multicloud rentreront-ils dans ce programme ?
La réponse est a priori oui, mais le point reste à clarifier.
Frédéric ChauviréSAP France
Côté oui, Christian Klein vante « les plus de 2 200 APIs pour assurer une intégration avec du SAP sur site et du non SAP ».
Le PDG, qui évoque les solutions tierces en plus de ses LoB pour étendre la Intelligent Enterprise, souligne également que S/4HANA supporte très bien l’hybridation. « S/4 peut aussi bien être dans un cloud public qu’en cloud hybride pour vous fournir une flexibilité maximale en fonction du degré de standardisation de votre système, de la complexité de vos processus et de la vitesse avec laquelle vous pouvez faire évoluer votre entreprise », liste-t-il. « Nos architectes vous aideront à standardiser dans le cloud même les systèmes ERP les plus modifiés », avance-t-il dans la foulée.
Autre signe en faveur de l’hybride, Christian Klein promet de respecter le choix des clients qui s’abonneront à « Rise with SAP » : « vous pouvez décider de migrer votre ERP vers le cloud public ou de rester en cloud hybride pendant un certain temps ».
Mais cette phrase ouvre une question : l’hybride dans « Rise with SAP » est-il vu comme une architecture pérenne possible ou comme une phase de transition ?
Pour Frédéric Chauviré, de SAP France, l’objectif du programme, « c’est d’amener les clients vers le cloud ». Il est possible de faire de l’hybride avec SAP, mais ce ne serait pas le but du programme. Au contraire, le but « c’est d’aller plus loin qu’une simple migration technique vers un hyperscaler. C’est vraiment une plateforme de “business transformation” qui permet de faire évoluer nos clients vers le cloud à court terme et ensuite de simplifier leurs systèmes [une fois dans le cloud] ».
Par exemple, « un client qui a un ECC hébergé chez lui et du SuccessFactors : l’objectif avec Rise, c’est de prendre son ECC et de le migrer sur un hyperscaler. C’est la première étape », illustre-t-il. « L’étape numéro 2, c’est d’utiliser les technologies qu’il y a dans Rise pour simplifier son ECC, faire son analyse de process pour, à terme, le préparer à migrer vers S/4. C’est un des cas les plus classiques que nous allons avoir. Il y a beaucoup de clients en France qui sont sur un historique ECC et qui utilisent nos solutions de cloud public ».
Mais peut-on imaginer un client qui veuille garder une partie de son ERP dans ses datacenters (comme la partie finance), qui mette la partie manufacturing ou distribution dans un cloud privé, et avec un SuccessFactors sur le cloud public ?
« Pour être totalement transparents, pour le moment, nous n’avons pas regardé de cas comme cela », répond le responsable au MagIT. « Nous avons eu des cas où nous migrions des offres spécifiques, par exemple BW/4HANA, sur du HEC parce que ce n’était pas disponible sur Rise ».
Le point reste donc à confirmer. Tout comme la possibilité d’adhérer à « Rise with SAP » en utilisant un autre outil de process mining que Signavio.
L’avis (positif) des analystes sur Rise with SAP
Liz HerbertForrester Research
« L’annonce de RISE amène des concepts très intéressants, bien qu’il s’agisse en grande partie d’un changement de tarification et de package », analyse Liz Herbert de Forrester Research dans un échange avec LeMagIT. « Cette annonce montre en tout cas que l’éditeur essaie de résoudre certains vieux problèmes qui le freinent (et qui freinent ses clients) et qu’il essaie de faciliter le passage à son nouvel ERP, S/4HANA ».
« Plus précisément, Rise vise à apporter de la simplicité, une tarification par abonnement, et un TCO plus faible ; autant de domaines qui font l’objet de fréquentes plaintes de la part des clients de SAP », poursuit Liz Herbert. « [Lors de sa présentation], SAP a bien fait de mettre en avant des approches et des parcours différents vers l’ERP cloud [N.D.R. : l’éditeur a par exemple évoqué Siemens qui fait plus de 50 milliards de dollars de revenus et LiveKindly qui en fait moins de 200 millions] plutôt que d’imposer une vision unique et un seul chemin – au moment où tout le monde de l’ERP, dont SAP, devient cloud-first ».
Joshua Greenbaum, directeur Enterprise Applications Consulting confirme pour sa part à nos collègues de SearchSAP (groupe TechTarget, également propriétaire du MagIT) que SAP a écouté ses clients. « Rise with SAP » montre que l’éditeur s’efforce d’établir un partenariat avec eux plutôt que de leur dicter des conditions, déclare-t-il. C’est ce dont aurait le plus besoin son importante base de clients, qui utilise encore largement les anciens ERP de SAP sur site.
« Le gros intérêt de Rise with SAP se verra particulièrement pour la migration de ces dizaines de milliers d’ERP de très grandes entreprises. Ce sont des systèmes très complexes. Il est donc très difficile pour ces grands groupes de faire ces migrations totalement », explique Joshua Greenbaum. « C’est un bon package parce qu’il réunit tout ».
Les défis du cas d’usage et des spécifiques persistent
Pour lui, la façon dont les clients pourront gérer leurs spécifiques sera aussi clé, quant au succès du programme.
Liz HerbertForrester Research
« Le gros enjeu pour les clients sera de savoir ce qu’ils peuvent faire de leurs personnalisations existantes et comment ils pourront conserver l’avantage concurrentiel qu’ils [ont construit] en intégrant [ces codes] dans ECC », continue-t-il. « De nombreux sujets dans Rise vont porter sur la manière de répondre à cette question. Ils ont ces spécifiques et ces fonctionnalités dans ECC qui ne sont pas encore des standards disponibles dans S/4HANA : alors que vont-ils faire ? Ce sont des missions de conseil stratégique importantes – et juteuses – qui viendront s’ajouter aux composants de gestion de l’infrastructure et aux technologies de Rise ».
Mais Rise ou pas Rise, des obstacles à une migration restent à lever pour SAP. En premier lieu en ce qui concerne les bénéfices des cas d’usages de S/4.
« L’un des principaux défis sera de savoir si SAP pourra concrétiser les promesses qu’il fait publiquement », souligne Liz Herbert au MagIT. « Dans sa présentation, SAP a mis en avant la transformation et les avantages opérationnels qui découlent de son programme. Mais il reste à voir si sa tarification donnera aux clients le sentiment qu’il est plus adapté à leurs objectifs et aux bénéfices opérationnels… qui sont les vrais moteurs et les déclencheurs des très gros investissements dans les ERP ».