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Qu’est-ce que l’ERP composable ?
Le concept de Gartner « d’ERP composable » est la continuité de « l’ERP postmoderne ». Il est un mélange de « best of breed », d’hybridation, de cloud, d’intégration et d’ouverture, qui redessine la manière d’imaginer ces suites applicatives historiquement monolithiques.
En 2013, Gartner introduisait le concept « d’ERP postmoderne ». Celui-ci prédisait l’éclatement de l’ERP monolithique traditionnel en plusieurs applications opérationnelles, plus faiblement couplées, et principalement SaaS. Aujourd’hui, Gartner va plus loin et parle « d’ERP composable ».
La principale conclusion de ce nouveau concept est que les architectures ERP ont pu encore évoluer vers ce mélange de « best of breed » et d’unité grâce aux technologies d’intégration.
Qu’est-ce que l’ERP composable et pourquoi les entreprises en ont-elles besoin ?
Gartner définit l’ERP composable comme une stratégie technologique adaptative, qui vise à créer une base de capacités administratives et opérationnelles permettant de réagir plus rapidement aux changements économiques. Ce qui implique souvent d’assembler – dans un mode hybride – des applications sur site et cloud.
Mike Guay a joué un rôle important dans le développement de ces réflexions sur l’ERP lorsqu’il était analyste chez Gartner, avant de partir en 2020 pour devenir vice-président d’Infor.
Il raconte le cas d’un grand manufacturier qui possède depuis plusieurs décennies un ERP qu’il a hautement personnalisé. Cet ERP de 20 ans gère des fonctions critiques comme le contrôle de la qualité ou les réglementations. Et cet ERP le fait bien. L’entreprise y a investi du temps et de l’argent et elle s’est même constitué une propriété intellectuelle non négligeable.
« Y a-t-il une raison de jeter tout cela juste au prétexte que quand on change il faut tout changer ? Évidemment que non », répond-il. « Mais dans le même temps, les applications financières et RH de cette entreprise ne sont plus vraiment adaptées à ce qu’elle voudrait être capable de faire ».
Le problème, dit-il, c’est que jusqu’ici, ceux qui souhaitaient conserver leurs systèmes de gestion de la chaîne d’approvisionnement (SCM) ou leur système de gestion de la fabrication, mais qui voulaient remplacer la partie Finance de leur ERP, ou inversement, découvraient que les liens avec les modules Achats et de comptes créditeurs étaient très difficiles à couper. En grande partie parce que c’est dans ces modules que les entreprises conservent les données fournisseurs.
La décision, alors, était simple : on n’y touche pas, on ne change rien. Mais aujourd’hui, tous ces produits se sont souvent enrichis avec de l’Intelligence artificielle et gèrent l’IoT (maintenance prédictive, etc.). Les MES sont plus modernes et plus flexibles. Le besoin d’évoluer se fait sentir à l’heure de la transformation numérique, mais toujours sans sacrifier ce qui fonctionne encore très bien. C’est là qu’entrent en scène l’ERP composable et son complément, les « Enterprise Application Platforms ».
L’Enterprise Application Platform (EAP) : la glue applicative
L’ERP composable est clé dans une ère émergente où les fonctions traditionnelles et centrales de l’ERP, comme la comptabilité et la gestion des commandes, sont complétés par des applications qui apportent des « capacités métiers et opérationnelles », formulait Mike Guay dans un billet de blog peu avant de quitter Gartner.
Mike GuayVP Infor et ex-analyste Gartner
« Un ERP est essentiellement un ensemble massif de processus fiables, éprouvés, qui ont fait leur preuve depuis 15 à 20 ans. Ça fonctionne tout simplement », résume-t-il en prenant en exemple l’inventaire des stocks, la gestion des commandes ou l’approvisionnement. Elles sont relativement standard dans un secteur.
D’autres fonctions, qui reposent sur des technologies émergentes, contribueront en revanche à différencier une entreprise d’une autre. Ces capacités peuvent par ailleurs être assemblées par les utilisateurs et/ou des développeurs en interne grâce à des outils low-code. « Je n’ai plus besoin d’être un expert en développement informatique pour brancher une application tierce à mon ERP », estime Mike Guay.
Les plates-formes d’applications d’entreprise (EAP) regroupent les outils à disposition de ces « citizen integrators » et « citizen developers ». Tous les leaders du Magic Quadrant de Gartner sur les ERP facilitent aujourd’hui l’intégration de nouvelles fonctionnalités dans leurs suites ERP en proposant des EAP, insiste Mike Guay. Que ce soit Infor, Microsoft et Oracle ou SAP.
Avec les EAP, il devient aussi facile d’intégrer des applications et d’accéder aux métadonnées que de créer un formulaire avec Microsoft Access, ajoute-t-il. Le fait que les fonctions de gestion des données proviennent généralement du cloud public sur lequel fonctionne l’ERP (comme AWS pour Infor, Azure pour Dynamics ERP, OCI pour Oracle) contribue à cette simplification.
L’ère du Cloud
Car l’évolution de l’ERP postmoderne vers l’ERP composable doit également beaucoup à la cloudification des produits des éditeurs.
« On me demandait souvent : “Est-ce que je peux avoir un ERP composable sans avoir d’ERP Cloud ? » La réponse est que, techniquement oui, on peut l’imaginer. Mais la plupart des applications sur site ne sont pas conçues pour être aussi faciles à intégrer », confirme Mike Guay.
« Il y a longtemps [N.D.R. : dans les années 70, 80], tout le monde faisait du “best of breed”, mais il fallait se démener pour tout intégrer. Puis sont apparues les mégasuites déjà intégrées : les ERP. Aujourd’hui, nous dirigeons de plus en plus vers un environnement cloud avec toutes ces solutions de pointe. Les clients regardent de plus en plus comment avoir les meilleures fonctionnalités dans chaque domaine et comment brancher les applications [de manière transparente] à leur écosystème », confirme Claus Jepsen, CTO de l’éditeur hollandais d’ERP Unit4. « Les mots-clés ici sont “sans couture et simple”, ce qui signifie que la solution doit être plus facile à gérer. Or dans le cloud, la complexité devient le problème du fournisseur ».
L'ERP devient une base de données
« L’ERP va devenir comme la base de données », entrevoit-il. « Si vous revenez quelques années en arrière, pour utiliser un SGBD, vous deviez comprendre l’outillage qui l’entoure (SQL, etc.). […]. Aujourd’hui, la plupart des personnes accèdent à des bases sans le savoir et sans avoir de compétences de DBA. La base est là. Elle fait son travail. Et c’est tout. L’ERP [composable] suit un peu la même voie » compare Claus Jepsen. « Il sera toujours là, mais vous n’aurez pas l’impression d’interagir avec un ERP. C’est ce que nous appelons l’omniprésence, c’est-à-dire qu’il est à la fois partout, mais pas vraiment là ».
Dans un ERP composable, l’ERP est le moteur transactionnel. Mais l’interaction avec l’utilisateur se fait ailleurs. « L’idée que tout le monde doit aller dans l’ERP pour faire le travail appartient au passé », assure-t-il. « Au lieu de tirer l’utilisateur vers l’ERP, c’est l’ERP que vous poussez vers l’utilisateur, là où il se trouve – par exemple, dans Teams. Et vous construisez des expériences spécifiques pour les applications à l’intérieur des outils que les employés utilisent ».