Qu’est-ce que Dawex ? (Et quel est l’intérêt du Data Exchange ?)
Vendre ses données. En acheter à un tiers. Ou simplement les partager. Simple sur le papier, beaucoup moins dans la réalité. Dawex est un acteur français, précurseur et prometteur, dans ce domaine naissant du Data Exchange à grande échelle.
Générer de la donnée propre et utilisable, c’est bien. Voire fondamental. Une telle capacité prouve qu’un SI est mature et prêt pour une réelle transformation digitale. Consommer sa donnée – en la modélisant dans un outil BI par exemple, ou en en tirant des enseignements (Insights) – c’est encore mieux.
Mais tant qu’à faire, pourquoi ne pas échanger – vendre ou importer – des informations avec un écosystème (fournisseurs, revendeurs, partenaires, autorités ou même concurrents) pour créer de nouveaux revenus et/ou enrichir ses connaissances ?
Ces échanges, dans les deux sens, sont le cœur d’une discipline naissante : le « Data Exchange ».
Fondé en 2015, le français Dawex en est un des champions mondiaux. Et un des précurseurs.
Intérêts de l’échange de données (Data Exchange)
« Les données produites par les entreprises peuvent être valorisées en interne (avec le Big Data). Mais elles peuvent aussi [créer de la valeur] en externe, en la partageant », explique Laurent Lafaye, co-fondateur de Dawex.
L’échange de données à plusieurs avantages. Il permet :
- de se procurer des données tierces pour mieux connaître son marché, ou mieux appréhender des problématiques logistiques ou industrielles.
- en la distribuant, de créer des services en amont et en aval de ses produits historiques
- d’orchestrer un écosystème en animant l’offre et la demande autour de la donnée, entre acteurs « transverses » – comme des organisations professionnelles ou dans des projets de type Smart City où se mélangent collectivités territoriales, acteurs privés, startups, etc.
Laurent LafayeDawex
« La donnée était un résidu des SI. Elle devient un actif, un objet de valeur pour les DSI, les CDO et le top management ; un actif dont on prend soin, que l’on protège et que l’on veut aujourd’hui “trader” », résume Laurent Lafaye qui ajoute immédiatement que pour concrétiser ces promesses, le partage de données doit se faire « de manière contrôlée et formalisée ». Simple sur le papier, beaucoup moins dans les faits.
« Notre métier c’est de marketer et de packager l’offre de données au-delà de la dimension technique : qui a reçu quoi ? Quand ? C’est complexe ».
Que fait Dawex ?
Dawex couvre quatre piliers fondamentaux du « Data Exchange » :
1 – Le pilier technologique : c’est-à-dire de s’assurer que la donnée va bien de son fournisseur à l’acquéreur (traçabilité de l’échange), et qu’elle est bien sourcée (validation de l’origine). « Nous sécurisons la transaction ; que ce soit un fichier, une API, une donnée en temps réel ou des données historiques ; qu’elle soit brute ou agrégée », liste Laurent Lafaye
2 – la contractualisation. Contrairement au Big Data où elle reste dans les murs de l’entreprise, dans l’échange avec des tiers, la donnée franchit par définition les barrières de l’organisation ; ce qui implique une dimension juridique supplémentaire.
Les clauses varient logiquement en fonction du type d’échange. La donnée peut par exemple transiter entre filiales indépendantes (« une en France et deux en Allemagne et au Japon ») ou entre entreprises (« dans l’automobile, avec des fournisseurs de rang 1 ou avec des sociétés d’assurance qui s’intéressent aux données générées par les voitures connectées » illustre Laurent Lafaye).
Dawex a modélisé des contrats types qui encadrent la propriété intellectuelle de la donnée, aussi bien dans un cadre d’open data que de licences privées. Ces contrats prennent en charge la territorialité, le droit d’usage, la capacité à la revendre, etc.
3 – le modèle économique. Ou comment vendre une donnée ? « Ce n’est évidemment pas le même modèle sur une API que sur la vente d’un fichier », souligne le dirigeant de Dawex, « ou pour une vente ponctuelle et un abonnement avec des livraisons récurrentes ».
Là aussi, Dawex propose des accords-cadres en fonction de chaque type de vente.
4 – la conformité réglementaire de la circulation des données. La donnée est devenue un sujet sensible. L’échanger, encore plus. Il faut évidemment prendre en compte le RGPD en Europe, pour les données à caractères personnelles. « Mais il existe aussi une réglementation sur les données non personnelles qui impose d’appliquer des principes de traçabilité, de responsabilité, sur la fourniture et l’accès à la donnée », avertit Laurent Lafaye.
Ces quatre piliers permettent au propriétaire d’un jeu de données d’avoir la maîtrise et de contrôler les conditions, le cadre, les modalités et « surtout avec qui » il les partage.
Dawex propose également un accompagnement stratégique pour déterminer une feuille de route (quel est le plan global ? Quelle offre de données proposer à qui ? Comment exposer l’offre à la demande ? etc.)
Les produits de Dawex
Pour « organiser et orchestrer ses échanges de données », dixit Laurent Lafaye, Dawex propose deux produits.
L’éditeur fournit sa technologie de place de marché en marque blanche, à déployer sur le cloud de son choix (aujourd’hui AWS, Azure, GCP, Outscale, demain sur OVH et Scaleway).
Cette Data Exchange Platform se déploie dans un délai de six semaines à trois mois : le temps de déterminer l’univers sémantique du métier ou de la filière pour caractériser et décrire la donnée.
En résumé, Data Exchange Platform permet d’avoir avec sa propre stratégie de marque et de gérer son propre écosystème avec une Marketplace privée.
L’autre offre est la place de marché gérée par Dawex lui-même. La Global Data Marketplace est une « communauté » lancée en 2017 qui compte aujourd’hui plus de 10 000 organisations dans une cinquantaine de pays.
« On continue à la faire grandir », assure le dirigeant. « Et les entreprises qui veulent faire leur propre boutique [N.D.R. : avec la Data Exchange Platform] peuvent aussi se connecter à cette communauté » notamment pour gagner en visibilité.
Exemples de cas d’usage
Le Data Exchange a de multiples cas d’usage. Même si la plupart des clients de Dawex ne veulent pas communiquer sur leurs stratégies. « L’économie de la donnée est encore nouvelle pour nos clients » justifie Laurent Lafaye.
Celui-ci donne toutefois plusieurs exemples – réels – d’utilisation.
Dans le commerce (Retail), un distributeur possède de nombreuses informations sur ses points de vente (disponibilité, stocks, prix, fréquentations, convergence du commerce en ligne et en magasins, etc.). Autant de données qui peuvent intéresser des marques. Ces marques passent aujourd’hui par des panelistes qui récupèrent les informations des distributeurs (pour par exemple établir les parts de marché).
« Les distributeurs réfléchissent donc à la manière de valoriser [en direct] leurs données, soit au cas par cas, soit de manière industrielle », témoigne Laurent Lafaye. « Si j’ai les stocks par marque et par point de vente, sur un historique de X années, pourquoi ne pas créer des produits de données sur étagère ? […] Pourquoi ne pas commercialiser [ma donnée] directement à mes fournisseurs de produits (les grandes marques) qui veulent comprendre le consommateur dont elles sont coupées ».
Ce cas est intéressant, car il montre au passage que l’échange de données est souvent un nouvel élément dans un écosystème déjà formé, constate le dirigeant.
Parmi ses clients officiels, Dawex compte le géant japonais Kanematsu (plus de 7 milliards de dollars dans l’import-export) ou l’association professionnelle agricole APIAgro – dont LeMagIT a déjà parlé en détail ici. Avec cette place de marché sectorielle, le Ministère de l’Agriculture a pu donner plus de visibilité à ses jeux de données open data ; et surtout comprendre qui les consommait, et dans quel but.
« Caractériser les cas d’usages qui sont faits [de ces informations] permet [au Ministère] d’entamer une rétro boucle », ajoute Laurent Lafaye, qui revendique un autre gros client au Japon dans l’énergie renouvelable et les smart grids.
Côté investisseurs – dont on peut penser qu’ils utilisent sa technologie – Amadeus, Bouygues Construction (« qui travaille de plus en plus sur les Smart City », dixit Laurent Lafaye), et Itoshu (« un groupe japonais de 105 milliards $ de CA en pleine transformation numérique ») sont venus rejoindre en 2019 la Caisse des Dépôts.
En 2017, Dawex a également gagné un pitch avec Carrefour.
« Tech Pioneers » du Forum Economique Mondial
Dawex emploie aujourd’hui cinquante personnes sur ses trois bureaux à Lyon, Paris et Montréal.
Laurent LafayeDawex
Cette année, la société a été nommée « Tech Pioneer » par le Forum Économique Mondial. « Ce prix n’est pas très connu en France parce que malheureusement assez peu de Français ont été nommés », regrette Laurent Lafaye. « Dawex va participer pendant deux ans au groupe de travail du World Economic Forum sur la “Data Policy”, nous serons les seuls Européens avec des Chinois et des Nord-Américains ».
Cette reconnaissance sera aussi un moyen pour Dawex de toucher des entreprises un peu partout dans le monde, au moment où un géant comme AWS arrive sur ce marché du Data Exchange.
Quant à l’avenir, Dawex entrevoit déjà « un gros gisement » (sic) : les données industrielles. « Elles circulent très peu. Il y a plein de choses à faire [avec] », prédit le cofondateur d’une aventure IT qui s’annonce comme une très belle réussite.