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Quels leviers RH activer pour renforcer ses compétences Data ?
Recrutement, upskilling ou reskilling ? Quelle solution privilégier pour renforcer ses moyens humains sur les sujets en tension des données et de l’intelligence artificielle ? Indice : le niveau de maturité est clé dans les choix. Et les managers doivent être convaincus. Témoignages d’Edenred, Eramet, Stellantis et Club Med.
Les praticiens de la donnée en entreprise s’accordent sur ce point : recruter des data scientists n’est plus le principal problème du moment. Concernant ce métier, l’enjeu serait probablement d’abord celui de leur fidélisation. Le Data Scientist reste volatil.
Le profil en pénurie aujourd’hui, c’est le Data Engineer. Mais les organisations doivent plus largement traiter la question des compétences. Et la manière d’y répondre peut nécessiter de mobiliser plusieurs leviers d’action.
Recruter à l’extérieur coûte cher et le turnover est élevé
Les employeurs s’émeuvent régulièrement des difficultés rencontrées sur le recrutement. Chercher des compétences en externe n’est toutefois qu’une des options activables. Et pas la moins onéreuse. Les grandes entreprises semblent l’avoir compris et déploient ainsi des stratégies RH multifacette.
Andreea LachapelleEdenred
Les témoignages recueillis en mai lors du Cercle de la Data réuni par le spécialiste de la formation DataScientest l’illustrent. L’ambition des entreprises est de passer à l’échelle et de grandir vite pour répondre rapidement aux besoins des métiers.
Pour les multinationales, la croissance des effectifs passe par le développement d’une complémentarité entre des équipes centrales et des communautés Data locales ou de proximité. « Chez Edenred, nous avançons à une vitesse assez importante. En un an, nous avons presque doublé l’équipe », déclare sa Chief Data Officer, Andreea Lachapelle.
Cette équipe a pour but de concevoir des produits Data & IA pour les métiers, mais aussi de s’assurer qu’ils soient maîtrisés et utilisés. « La Data, c’est pour tous, et pas seulement deux ou trois profils dans l’entreprise […] Nous avons par exemple réalisé du training auprès des commerciaux pour qu’ils commencent à utiliser des produits Data au quotidien. »
Si l’objectif est la démocratisation des usages et des compétences Data, « embaucher ne suffit pas », prévient la CDO, qui promeut la mise en place d’un programme de montée en compétence (upskilling). Ce programme cible simultanément les profils métiers et techniques.
Des formations adaptées à la transformation en cours
Outre la formation, les profils experts (Data Scientists et Data Engineer) doivent être intégrés au sein des équipes métiers. La stratégie d’Edenred consiste en un double mouvement : des profils Data auparavant en central sont poussés en local pour plus de proximité, et des profils « business » sont en sens inverse associés à l’équipe globale pour amener de la connaissance métier.
Formation, stratégie Data et opérations sont ainsi alignées. Concernant les formations dispensées, la CDO insiste pour qu’elles soient en lien direct avec des projets ou des transformations en cours. Andreea Lachapelle encourage aussi à anticiper les évolutions de carrière afin de s’assurer de disposer des compétences adéquates.
« Ces profils ont bien souvent un rythme de carrière accéléré », rappelle-t-elle. Ainsi, dès l’embauche d’un Data Product Manager, l’entreprise propose au nouvel arrivant un parcours professionnel, par exemple au marketing ou aux ventes. « Nous essayons de les projeter aussi en dehors de la communauté Data […] Il est important de rester vigilant en nourrissant ces profils et de leur proposer des évolutions plus vite que le marché. »
Sur les compétences, le groupe métallurgique Eramet mène également une stratégie mêlant upskilling pour les métiers et les experts. Interrogé par LeMagIT, son CDO Jean-Loup Loyer justifie cette démarche par le coût financier des recrutements externes, mais aussi par la capacité de collaborateurs à se former aux métiers de la donnée.
Eramet a donc mis en place des parcours de formation à destination de différents profils métiers, ingénieurs, géologues ou métallurgistes. « Ils sont parfois très loin du monde high-tech », souligne Joseph Pellegrino, Lead Data Scientist pour l’industriel. « C’était un défi pour nous de trouver une formation qui allait permettre à ces opérationnels de pouvoir monter en compétence et acquérir les méthodes et les outils afin de déverrouiller des cas d’usage », poursuit-il.
Ces formations, Eramet les a donc conçues en collaboration avec un partenaire (en l’occurrence DataScientest, comme les autres entreprises témoignant dans le cadre du « Cercle de la Data »).
Combiner travail et formation : une équation complexe
Déployer ces cursus n’est cependant pas chose facile. Les formations mobilisent les salariés sur de longues durées. Comptez 9 mois pour les parcours Data Analyst et Data Scientist au rythme « idéal » d’un jour par semaine.
Il est donc nécessaire de maximiser la participation, tout en permettant aux collaborateurs de continuer à travailler. « C’est un facteur très difficile à réunir », avertit Joseph Pellegrino après trois promotions.
« Le plus complexe a été d’allouer le temps nécessaire à la formation. Et cela ne tient pas au profil des collaborateurs, mais à la capacité du management à leur permettre effectivement de réaliser la formation », déclare l’expert. Les autres témoins confirment : en particulier dans le cadre d’un programme de reskilling, le soutien des managers constitue un paramètre critique.
Joseph PellegrinoEramet
Pour former des compétences numériques, devenues incontournables dans le cadre de la transformation de ses activités et de son virage vers la software company (ou « mobility tech company »), le constructeur automobile Stellantis a étoffé sa panoplie de solutions RH. Le constructeur dispose depuis début 2022 d’une académie, comme l’explique Anne Fenninger, Head of Data & Software Academy de Stellantis.
Cette dernière travaille « main dans la main » avec le Chief Data Officer pour l’aider sur ses missions, de la sensibilisation jusqu’à la formation d’experts. L’industriel souhaite en outre disposer de Data Analyst dans toutes les directions pour « capitaliser sur les connaissances métiers. »
Sa stratégie est de développer les compétences dans les métiers et pas seulement dans une direction centrale. Elle consiste également à se concentrer sur quelques outils, dont Foundry et PowerBI. Cette panoplie s’enrichit pour former les équipes Data intégrées aux activités logicielles du groupe, ajoute Anne Fenninger.
Elle insiste également sur la nécessité d’embarquer les managers. « Ils doivent eux aussi être convaincus du besoin de transformer au sein de leurs équipes. À défaut, ils ne créeront pas les postes nécessaires pour le reskilling de collaborateurs. »
L’approche reste cependant axée sur le volontariat. En fonction des profils, les candidats seront orientés vers différents programmes : data citizen, spécialisation outil, les données pour les managers, et les parcours experts (analystes, stewards, etc.). Les cursus sont accessibles en upskilling et en reskilling.
Former par étape grâce à des parcours et à une offre flexibles
L’obstacle : le temps disponible pour les formations, insiste la représentante de Stellantis.
Pour répondre à cette problématique, l’entreprise adapte les parcours. Avant de prétendre au statut de Data Analyst, un candidat pourra réaliser une première étape avec une formation de Data Project Manager.
Anne FenningerStellantis
« Nous essayons d’être assez flexibles et de retravailler l’offre régulièrement ». L’enjeu est fort puisqu’il s’agit de minimiser le taux d’abandon. L’offre susciterait en tout cas de l’intérêt en interne. La responsable de « l’Academy » témoigne d’un niveau conséquent de candidatures spontanées, sur les cursus logiciel ou Data.
« Nous commençons pour beaucoup par de la sensibilisation (awareness) ou du PowerBI. Il est nécessaire d’avancer par étape […] L’année dernière, nous avons formé 600 data citizens. Nous en visons 1 000 en 2023. Sur l’upskilling et le reskilling, la cible est de 100 à 150. »
Ces parcours ont aussi un coût. L’équation économique consiste donc à maximiser la fidélisation des talents. D’après les témoins, les résultats seraient satisfaisants. Et contrairement à une crainte naturelle, les bénéficiaires ne se ruent pas vers des offres externes une fois formés. « Le taux d’attrition est assez faible chez nous », confirme Anne Fenninger.
Les recrutés sont plus susceptibles de partir, au contraire des internes qui témoignent d’une « plus grande loyauté. C’est d’ailleurs un des points forts lorsqu’on upskill ou que l’on reskill. »
Siddhartha Chatterjee, Global Chief Data Officer du Club Med, partage lui aussi ce constat. Le groupe développe sa formation pour répondre à ses objectifs en matière de BI et d’innovation par les données.
Pour dérouler sa feuille de route « Data & IA », la formation est là aussi alignée sur le chantier de modernisation technologique destinée à permettre les usages temps réel des données et le passage du on-premise à une approche cloud first. Pour accélérer encore la transformation numérique, le CDO a donc mis en place un programme de formation couvrant des sujets génériques et spécifiques.
Afin d’optimiser l’apprentissage, Siddhartha Chatterjee souligne l’importance de travailler lors de la formation sur des cas d’usage réels du Club Med. Pour lui, l’enjeu face à la multiplication des partenaires (ESN, startups, etc.) est aussi d’éviter l’effet « boîte noire » en internalisant un certain nombre de compétences.
Sa stratégie : soigner le timing avec des formations touchant suffisamment de collaborateurs dès le début de la transformation de l’entreprise. Mais ce n’est qu’une première étape. Dans un second temps, une fois la maturité en hausse et une base de salariés formés établie, des formations plus ciblées peuvent être déployées. « Mais au début, il est important d’investir et d’allouer du temps », exhorte-t-il.
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