Les applications cognitives : un enjeu métier avant tout

Lors d’un projet d’implémentation de solutions cognitives, les entreprises doivent s’interroger a utantsur l’impact de la technologie sur le métier que sur les défis techniques qu’il convient de relever.

La société de services bancaires et financiers néerlandaise Rabobank effectue des analyses prédictives depuis plusieurs années. Elle utilise pour cela des modèles prédictifs sur les éventuels clients qui paieront en retard les remboursements de leurs prêts, ou encore ceux qui abandonnent une ouverture de compte à mi-chemin, lors de la procédure.

Si ces modèles reposaient essentiellement sur des analyses de données structurées, en 2015, les équipes en charge de l’analytique ont commencé à recevoir des demandes de modèles qui piocheraient davantage dans des données non structurées. Sont alors entrées en scène les applications cognitives.

Lors d’une présentation sur la conférence World of Watson, qui s’est tenue fin octobre à Las Vegas, Muriel Serrurier Schepper, consultante en analytique avancée pour Rabobank, a expliqué que son équipe avait en effet reçu de plus en plus de demandes pour analyser les retours de clients ou les dossier de prêts – deux cas qui s’appuient que des fichiers textes, et donc non structurés. Cela impliquait donc le recours à une nouvelle technologie – dans ce cas Watson -, mais aussi la mise en place d’une nouvelle approche en matière d’analytique.

Les applications cognitives sont davantage une difficulté métier que technologique

La disponibilité d’outils simples d’usage est aujourd’hui en grande partie ce qui suscite le  plus d’intérêt autour de l’intelligence artificielle et l’informatique cognitive. IBM et d’autres, comme Microsoft, Facebook et Amazon ont justement présenté des outils qui permettent d’accèder à des fonctions cognitives sans que l’utilisateur ne soit un spécialiste de la programmation ou encore un data scientist. Ainsi, dans certains cas, les plus grosses difficultés  auxquelles sont confrontées les entreprises sont davantage d’ordre organisationnel que technologique.

Chez Rabobank, Muriel Serrurier Schepper a créé un groupe dédié à tout ce qui concerne l’intelligence artificielle. Ce groupe identifie les cas d’usage, choisit les technologies et partage les informations à l’ensemble de l’entreprise. Selon elle, cette approche centralisée est clé dans un contexte marqué par le développement d’outils liés à l’IA.

A cette époque, la responsable avait en effet remarqué que certaines lignes de métier parlaient déjà IA avec leurs fournisseurs. De là est née la crainte de travaux en doublon, de projets en silo et  de surenchères en matière d’attentes. Avec cette démarche décentralisée, ces problèmes ont été atténués en  plaçant les projets entre les mains de personnes qui connaissent la technologie.

« L’intelligence artificielle est partout et on pense que cela est vraiment fantastique. Puis les fournisseurs, comme IBM, entrent en jeu. Vous créez alors un projet avant de vous rendre compte qu’il reste du travail à effectuer», souligne Muriel Serrurier Schepper. « Vous devez encore façonner vos modèles, et cela prend du temps. »

Cette équipe centralisée mise en place, il s’agissait de rechercher les premiers résultats et de les communiquer publiquement, explique-t-elle encore. Les modèles peuvent être longs à mettre en place, mais une fois les résultats au rendez-vous, les partager avec le reste de l’entreprise permet de gagner un précieux soutien pour d’autres projets. « Nous avons été sur le radar de notre entreprise », admet-elle.

Choisir le bon cas d’usage

Déterminer le bon cas d’usage pour les applications cognitives est également un élément important. Il est généralement établi que les outils d’IA sont capables de tout faire. S’il s’agit bien de l’objectif premier, les outils actuels en sont encore loin. Les entreprises doivent donc identifier les zones où la technologie est la plus pertinente et ce n’est pas toujours simple.

« Cela est parfois compliqué car dans la plupart des cas, vous devez d’abord examiner les données en profondeur pour savoir si elles contiennent de la valeur », explique à son Gianluca Antonini, DSI de Swiss Re, lors d’une session sur World of Watson. « Le cas d’usage n’est pas toujours très clair. »

La compagnie d’assurance de Zurich a déployé des applications cognitives bâties sur Watson : dans la recherche, les traitements des plaintes, au sein de chatbots qui font office d’assistants virtuels, et auprès des agents du service clients. Pour cela, Swiss Re a mis en place un service de conseil en analytique interne au sein même de la DSI. Cette équipe co-opère avec les métiers pour identifier leurs besoins en matière d’applications cognitives. Ils élaborent ensemble les projets. Ensuite l’équipe analytique développe des PoC qui peuvent aboutir ou être abandonnés. Les projets doivent avoir des retours positifs à ce moment pour qu’ils puissent être déployés en production.

Les entreprises doivent accepter un certain niveau d’échec, si elles veulent ensuite pouvoir en profiter. Il y a autant de chances que les projets expérimentaux se transforment en de vrais outils ou qu’ils soient de vrais échecs, a souligné Abhijit Singh, en charge de la technologie chez ICICI Bank, lors d’une table ronde. Les entreprises doivent persévérer, même si les résultats immédiats ne sont pas clairs. « Si vous êtes trop focalisé sur le ROI, nous ne ferez jamais rien. »

Abhijit Singh et son équipe ont développé un chatbot pour  le service client à partir d’un système cognitif interne. Ce projet a démarré sous la forme de test et personne ne s’est inquiété des retours, explique-t-il.

Traduit et adapté par la rédaction

 

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