Intelligence artificielle générative et secteur industriel : atouts et défis
Des experts de PwC, Capgemini, Deloitte et Tata Consulting Services partagent leurs idées, leurs conseils et leurs bonnes pratiques pour tirer le meilleur parti de l’IA générative dans le secteur manufacturier, et sur la manière d’atténuer les risques associés à l’application de cette technologie émergente.
L’IA générative, dont ChatGPT, est incroyablement performante pour résumer des informations, générer de nouveaux contenus et répondre à des questions. Les industriels peuvent utiliser ces capacités à leurs avantages.
Comment l’IA générative peut-elle aider les manufacturiers ?
L’un des premiers cas d’utilisation consiste à l’appliquer à des tâches « textuelles ».
« Une grande partie des processus de fabrication repose sur des workflows et de la documentation qui sont très riches en textes, que ce soit les logs de maintenance des machines, les manuels techniques, des rapports d’état ou des alertes », illustre Bret Greenstein, Cloud and Digital Data and AI Partner chez PwC.
Les fabricants utilisent aussi de nombreux documents pour les commandes de pièces, les mouvements de matériaux, les affectations des ouvriers, etc. Tous ces éléments peuvent être analysés et produits avec l’aide d’une IA générative.
L’IA générative peut aller encore plus loin et s’appliquer à l’ensemble de la chaîne de valeur : études de marché, concept de produit, design, ingénierie et gestion de la chaîne d’approvisionnement. Elle peut également améliorer l’engagement clients grâce à une meilleure configuration des produits et à des moteurs de recommandation.
Pour Raghuram Mocherla, VP de Capgemini Engineering, les principaux cas d’utilisation de l’IA générative dans l’industrie manufacturière sont les suivants :
- Synthétiser les besoins d’un marché, les modifications de l’environnement réglementaire, les contraintes liées aux changements d’approvisionnement et d’autres données qui entrent dans la conception du produit.
- Enregistrer, et appliquer les méthodes de résolution de problèmes utilisées par les ingénieurs et les designers au cours des phases de conception et de fabrication des produits.
- Construire des moteurs en langage naturel pour améliorer les fonctionnalités de CPQ.
- Automatiser la validation des produits en générant des scénarios de tests et en analysant les résultats.
- Aider à la prise de décisions d’achats en fonction du coût, des contraintes de la chaîne d’approvisionnement et de la capacité de fabrication.
- Établir un lien entre les défaillances des produits et les problèmes rencontrés sur le terrain, et les défauts dans la conception et le stockage des produits.
Néanmoins, les industriels devront commencer « petit » en automatisant les tâches opérationnelles répétitives, comme la gestion des données des matériels ou l’établissement de rapports, préconise Jagadish Bandla, Enterprise Performance CTO chez Deloitte.
Quels sont les risques et les défis liés à l’utilisation de l’IA générative dans l’industrie manufacturière ?
D’un autre côté, les fabricants seront certainement confrontés à des difficultés lorsqu’ils introduiront de grands modèles de langage (LLMs) dans leurs usines.
Pour Beena Ammanath, directrice exécutive du Deloitte AI Institute, les « hallucinations » constituent l’une des principales préoccupations. Ces informations inexactes et fantaisistes n’ont pas leur place dans une usine (ou dans toute autre entreprise).
Un autre problème est que les modèles d’IA générative sont limités par leurs données d’apprentissage. L’intégration de jeux de données supplémentaires nécessite un ré-entraînement et un fine-tuning qui restent coûteux.
Pour Beena Ammanath, les hallucinations et/ou une mauvaise adaptation d’un LLM pré-entraîné peuvent porter préjudice à des applications critiques, comme la maintenance prédictive, avec des conséquences aussi sévères que l’arrêt voire la détérioration d’une machine.
Il existe aussi des risques juridiques associés aux services « tiers et prêts à l’emploi » comme ChatGPT.
Par exemple, les entreprises doivent s’assurer que leurs ingénieurs ne communiquent pas des informations confidentielles à ces services. Samsung a ainsi interdit l’utilisation de ChatGPT après avoir découvert une fuite de données de ce type en 2023.
Les fabricants pourraient également être poursuivis pour avoir utilisé des modèles construits à partir de données non autorisées.
Des risques similaires de poursuites pourraient survenir si les modèles d’IA venaient à causer – directement ou indirectement – des dommages physiques à des équipements ou à des personnes.
Par conséquent, la sûreté, les risques de sécurité de l’information et de confidentialité associés au traitement et à l’analyse des données personnelles doivent être intégrés dès le début d’un projet d’IA générative.
D’un point de vue stratégique, la dépendance à un fournisseur externe (comme OpenAI) doit également être abordée. La simplicité de l’externalisation à un service comme ChatGPT pourra être comparée à une approche, plus complexe, mais plus autonome, où l’industriel garde la main sur ses LLMs.
Quelles sont les bonnes pratiques pour appliquer l’IA générative dans l’industrie manufacturière ?
Selon Kamlesh Mhashilkar, responsable de la pratique IA chez Tata Consultancy Services, l’utilisation de l’IA générative dans le secteur de la fabrication nécessite une approche technique, organisationnelle et culturelle. Il recommande une planification minutieuse des cas d’utilisation et des données, une prise en compte de la sécurité, un monitoring continu, des mécanismes de transparence, une formation des utilisateurs et une planification de la gestion des risques.
Il est également crucial, comme point de départ, de se concentrer sur l’amélioration des données, car les outils d’IA générative reposent sur l’entraînement. « Le succès se résumera toujours à la rationalisation des processus, des données et des systèmes d’enregistrement afin de fournir des jeux de données d’entraînement fiables, diversifiés et statistiquement significatifs », insiste Raghuram Mocherla de Capgeminin.
En outre, le langage spécifique à l’industrie et à l’entreprise, qui sera utilisé pour les prompts, doit être normalisé.
Une grande partie de ce travail consiste à accéder aux bonnes données, ou à des exemples de travaux passés, pour former les LLMs et inciter l’IA générative à produire des résultats précis.
Il est également bon, dans ce processus, d’avoir les retours des différents métiers et des ouvriers afin d’évaluer la qualité et la précision des données et des réponses.
Les évolutions possibles de l’IA générative pour l’industrie manufacturière
Comme l’ont montré les itérations de GPT, les modèles d’IA générative incluront davantage de paramètres, ainsi que des capacités multimodales et multilingues. Ils s’orientent également vers une plus grande intégration avec d’autres technologies, comme la computer vision (vision par ordinateur), l’IoT et la robotique.
Bret Greenstein, de PwC, prévoit que cette technologie ne se limitera plus à répondre à des demandes, mais qu’elle se comportera comme un agent qui utilise ces requêtes et leurs réponses pour atteindre des objectifs opérationnels.
Si ces prédictions se réalisent, les capacités de l’IA générative transformeront radicalement les vieilles UI poussiéreuses que l’on trouve encore dans les machines, lance Raghuram Mocherla. Des interfaces homme-machine plus naturelles captureront alors des informations non structurées qui pourront être intégrées automatiquement dans les processus.