Digital Marketing : intérêt et limites de la personnalisation du contenu

La personnalisation du contenu continue de s'étendre au sein des entreprises. Les technologies de plus en plus matures en font une option de marketing viable pour les stratégies d'engagement client. Mais elle a aussi ses limites.

Les clients d'aujourd'hui sont une cible mouvante pour des entreprises qui espèrent attirer leur attention et en faire des acheteurs. Ces clients sont mieux informés, ils sont en recherche constante d'informations.

Pour les intéresser, de plus en plus d'entreprises utilisent la technologie pour les toucher directement avec du contenu sur mesure. Fini le marketing de masse et l'utilisation d'une campagne unique pour attirer le plus de prospects possibles. Aujourd'hui, les services marketing sont armés de presque tous les détails des habitudes d'achats en magasin et de navigation sur leurs sites. Et de plus en plus tentent d'utiliser cette information pour adapter leurs contenus.

La personnalisation n'est pas nouvelle. L'idée remonte à plusieurs dizaines d'années. Mais pléthore de nouvelles technologies récemment apparues en ont fait une réalité.

Les grandes entreprises - qui ont conscience du potentiel qu'offrent ces technologies - ont fait évoluer leurs stratégies. Elles sont entrées dans l'ère du marketing « one-to-one ».

Les données, catalyseurs de la personnalisation des contenus

« Si vous regardez les commentaires que nous recevons de nos clients, vous verrez qu'il y a toujours des possibilités d'améliorer le message », constate néanmoins Shawn Martin, directeur associé chez AT&T. « En tant que marque, vous devez reconnaître au mieux qui sont vos clients et quels sont leurs besoins. C'est le catalyseur de la personnalisation ».

AT&T a récemment formé une équipe interne en charge de cette personnalisation. Dans ce cadre, AT&T a acquis une licence Adobe Target il y a trois ans pour maximiser les données provenant d'autres produits Adobe et compléter la vue d'ensemble de chacun de ses abonnés.

« Vous pouvez imaginer la masse de données que vous avez sur les consommateurs - vous possédez vos propres données, mais il y a aussi celles de tiers (Second & Third party ; lire par ailleurs). Tout cela peut être introduit dans Adobe Target pour construire des règles commerciales sophistiquées pilotées par le responsable marketing », explique Jason Hickey, directeur marketing produit d'Adobe Target. « Nous pouvons ingérer toutes ces données et mettre en marche l'Intelligence Artificielle. C'est l'avenir de la personnalisation du contenu ».

Un autre outil bénéficie de cette vague : Evergage, une plateforme de personnalisation en temps réel.

First Party Datas, Second Party Datas, Third Party Datas

Les données marketing peuvent se classer en trois catégories :

First Party : ce sont les données que l'entreprise possède en direct sur ses clients (historiques d'achat, informations des cartes de fidélité, etc.).

Second Party : ce sont les données fournies par une entreprise partenaire dans le cadre d'une collaboration ou d'une alliance (par exemple des données d'un client d'un opérateur transférées à un constructeur de smartphone).

Third Party : ce sont des données d’un tiers généraliste qui a vocation à cataloguer l’ensemble des clients mondiaux. Ce sont par exemple des données comportementales collectées sur un très grand nombre de sites Web partenaires du prestataire.

Le plus grand défi ? Changer d'état d'esprit marketing

« La volonté [de personnaliser le contenu] a toujours été là, mais il y a eu une accumulation de choses au fil des ans qui en font aujourd'hui une réalité », acquiesce Andy Zimmerman, directeur marketing d'Evergage. « Les systèmes en temps réel, l'apprentissage machine et les grandes infrastructures de stockage et de traitement des données, tout cela a convergé et nous a amenés au point où nous pouvons réellement le faire ».

Mais pour qu'une entreprise concrétise les avantages des contenus personnalisés, il faut plus que la simple mise en place d'une technologie, aussi novatrice et efficace soit-elle. Il faut aussi, et surtout, un changement de mentalité et une prise de conscience qui commence au plus haut niveau de la hiérarchie et qui va jusqu'aux spécialistes du marketing et des ventes.

« Changer de comportement est le plus difficile », confirme Andy Zimmerman. « Instinctivement, les spécialistes du marketing voient bien que la personnalisation a beaucoup de valeur. Ils ne le mettent pas en doute et ils ont presque tous envie d'en profiter. Le défi est plus que les entreprises pensent qu'elles ne sont jamais prêtes. Elles ne sont pas sûres d'avoir le bon contenu ou les bonnes compétences. »

Ce que les entreprises ne réalisent pas, ajoute-t-il, c'est que si elles ont un département marketing qui envoient des mails clients, qui fait du ciblage par compte (Account-Based Marketing) ou qui pratique toute autre forme de marketing moderne, alors elles ont les données et les moyens de personnaliser le contenu.

L'important c'est l'engagement

Ceci étant, même si la bonne technologie et la bonne méthodologie sont en place, le contenu personnalisé pourrait rester une chimère si les entreprises visent trop la conversion plutôt que l'engagement.

« L'idée de personnalisation est séduisante, mais la question est de savoir comment la faire fonctionner et pour quel objectif », explique Asim Shaikh, directeur principal du commerce électronique mondial, de l'optimisation et de la personnalisation du Web chez Lenovo. « La personnalisation du contenu crée de l'engagement. Ce n'est pas une stratégie dont les résultats se voient à très court terme ».

« L'un des plus gros défis que nous ayons tient au fait est que nous avons environ 5 000 UGS (NDR : Unité de gestion de stocks, ou SKU) sur le site », continue Asim Shaikh. « Certaines références sont destinées aux hommes d'affaires, d'autres aux étudiants. Si un client ne trouve pas une offre qui lui convient, ou s'il ne peut pas en apprendre davantage à son sujet, ou s'il ne trouve pas le produit qu'il veut acheter, vous risquez de le perdre. Cela nous a amenés à réfléchir plus sérieusement à la personnalisation. Car au delà de leurs segmentations, les clients sont tous à des points différents de leur parcours d'achat. Il faut aussi le prendre en compte dans les contenus ».

Lenovo, qui utilise Evergage, a commencé à exploiter du contenu personnalisé en s'appuyant sur les recherches des clients sur le site et en leur poussant les bonnes pages produits en fonction de leurs besoins. Mais dans une démarche d'information, pas d'achat immédiat.

« En termes simples, lorsqu'il s'agit de personnalisation du contenu, il ne s'agit pas toujours de conclure la vente tout de suite », souligne Asim Shaikh. « Il ne faut pas être trop focalisé sur la conversion et sur la façon de vendre plus, tout de suite. Ce n'est pas si simple [de faire du contenu personnalisé] ni si direct de passer d'une étape à la suivante dans un parcours client. Vous devez apprendre, tester et faire des expériences ».

Prendre du temps pour apprendre et expérimenter n'est pas une chose facile à expliquer aux financiers. Mais ce serait pourtant la meilleure démarche pour ensuite créer, patiemment, les conditions d'une croissance à long terme. « Ce que j'explique souvent c'est que la personnalisation du contenu ne consiste pas à essayer de vendre », lance Asim Shaikh à contrecourant des idées reçues. « Nous sommes là avant tout pour aider les clients à s'y retrouver ».

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