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Déployer efficacement la Gen AI : 5 conseils de BCG X

En marge de la restitution d’une étude très riche sur l’IA générative, l’entité tech du BCG a partagé les bonnes pratiques issues de son expérience pour tirer les bénéfices et tout le potentiel de transformation de cette technologie.

Cinq heures. Minimum. La majorité des employés qui l’utilise gagnerait au moins 5 heures de productivité par semaine grâce à l’Intelligence artificielle générative !

Ce chiffre impressionnant est une des conclusions d’une étude du BCG X, l’entité tech & data du prestigieux Boston Consulting Group.

Baptisé « AI@Work », le rapport est riche d’enseignements : les employés auraient par exemple de plus en plus confiance dans cette forme d’IA (+13 % en un an à 46 %), mais dans le même temps, ils la craindraient aussi de plus en plus (+6 %, 42 % ont peur de perdre leurs emplois, etc.) ; les écarts de confiance sont grands entre les employés de terrain (28 %) et les cadres supérieurs (50 %) ; ou encore les entreprises seraient passées de la phase d’observation à une phase d’expérimentation active, voire de mise en production.

Mais l’IA générative pose surtout deux questions majeures.

Comment bien tirer parti de l’Intelligence artificielle générative

La première est : « que faire de ces 5 heures gagnées ? », demande BCG X.

Comment redéployer ces gains de productivités ? Comment arbitrer harmonieusement entre temps libre supplémentaire accordé aux collaborateurs et cadre global pour faire fructifier ce temps libéré dans de nouvelles tâches ou sur des sujets stratégiques ?

« Comment les entreprises vont-elles redéployer ce “réservoir d’énergie cérébrale” ? C’est la grande question qui va se poser à la plupart d’entre elles. »
Jeff WaltersBCG X

« Comment les entreprises en sont-elles conscientes et comment vont-elles redéployer ce “réservoir d’énergie cérébrale”, telle est probablement la grande question qui va se poser à l’avenir pour la plupart d’entre elles », anricipe Jeff Walters, Directeur associé senior, responsable du centre d’expertise Technology Advantage pour l’Asie Pacifique.

La réponse différera d’une entreprise à l’autre – même si Sylvain Duranton, directeur monde de BCG X, recommande d’être « un peu directif » (sic) sur la façon dont ce temps doit être alloué et sur la façon dont les processus doivent être modifiés.

La seconde question est encore plus prégnante : « comment saisir le plein potentiel de l’IA générative ? ».

Pour y répondre, BCG X a identifié et confié 5 bonnes pratiques communes aux organisations qui se seraient le plus transformées avec la Gen AI.

1 – Adopter une approche globale de la transformation par l’IA

Pour Vinciane Beauchene, Directrice associée au BCG et experte de l’impact l’IA sur le monde du travail, les gains de productivités seraient d’ores et déjà visibles – en témoignent ces 5 heures par semaine.

« Mais il y a de grandes variations dans ce que les gens font de ce temps, et donc dans la capacité à en capturer la valeur pour les entreprises », ajoute-t-elle immédiatement.

Conséquence, les dirigeants commenceraient à réaliser que pour tirer pleinement parti de l’IA générative, ils devront adapter leur organisation et remodeler leur modèle opérationnel.

Par exemple, dans le développement logiciel, « les entreprises se rendent compte qu’il ne suffit pas de provoquer l’adoption [de la Gen AI]. Sinon, on ne fait que déplacer le goulot d’étranglement du cycle de vie du développement vers un autre endroit de la chaîne de valeur ».

« L’IA générative seule est inutile. »
Vinciane BeaucheneBCG

Cette année, des entreprises commenceraient à aller plus loin. « Elles commencent à remodeler et à examiner le cycle de vie de bout en bout afin d’adapter leurs processus et d’en tirer les avantages », constate Vinciane Beauchene.

« Elles se rendent compte que déployer de l’IA générative, simplement comme “un nouveau truc qui brille”, n’aura pas l’impact escompté », insiste-t-elle. « Elles doivent réfléchir de manière plus large à la redéfinition des processus et des workflows, et à l’impact sur les fonctions et sur le mix de leurs ressources ».

Cette réflexion passe également par le fait de trouver les bons cas d’usage – ceux qui ont un réel impact opérationnel, qui ont un bon ROI (sans coûts excessifs), et qui sont durables.

En résumé : « l’IA générative, seule, est inutile ». Il faut la mettre en place comme une transformation complète du modèle opérationnel, l’intégrer dans une définition holistique plus large de la transformation, et mettre en place une gouvernance appropriée pour piloter la valeur et la mesurer, afin de s’assurer que l’on tire profit de ses investissements – conseille Vinciane Beauchene.

« Si vous vous contentez de déployer des outils [de Gen AI] et de dire aux gens : “Regardez, ils sont là, vous pouvez les utiliser quand vous voulez, c’est utile pour vous”. Vous n’obtiendrez pas de bénéfices massifs. Vous passerez à côté de la véritable opportunité », acquiesce Sylvain Duranton.

« Il ne suffit pas d’avoir une licence OpenAI pour chaque employé », renchérit-il. « C’est une bonne chose. Les gens l’utiliseront. Ils gagneront du temps. Mais c’est rester à la surface de ce qui peut être réalisé en profondeur en repensant réellement les processus de travail autour de la technologie. C’est le défi que les dirigeants doivent aujourd’hui relever ».

Pour illustrer ces propos, Vinciane Beauchene prend l’image originale d’un vélo.

Aller à vélo va plus vite qu’aller à pied. Encore faut-il savoir s’en servir. « Si vous continuez à marcher à côté du vélo – si vous continuez à faire les choses comme vous les faisiez avant - vous n’irez pas plus vite. Et vous irez peut-être même moins vite », plaisante-t-elle.

2 – Articuler la Gen AI avec les autres transformations en cours

La plupart des entreprises ont plusieurs transformations en cours. L’IA générative n’est que l’une d’entre elles.

« Il est donc nécessaire d’aborder ces différentes transformations ensemble, et de s’assurer qu’il existe une vision claire du modèle opérationnel cible », invite Vinciane Beauchene.

Le risque à ne pas le faire est de se retrouver avec « un Frankenstein composé de différents éléments du modèle opérationnel qui ont été définis avec des logiques et des outils différents à l’esprit ».

Et au final, la cohérence globale ne sera pas au rendez-vous, avertit l’experte.

3 – Former tous les employés

La confiance dans la Gen AI est beaucoup plus grande au sommet des entreprises que parmi les ouvriers, note l’étude de BCG X. « Cela recoupe un déficit de formation », constate Sylvain Duranton.

« C’est un muscle qu’il faut développer. Pas seulement un programme de formation. »
Vinciane BeaucheneBCG

De fait, d’après le cabinet de conseil, les employés sur le terrain ont reçu beaucoup moins de formation que les dirigeants. « C’est un grand rappel. Il faudra s’assurer que ce fossé se comble, car la GenAI ne peut pas être l’affaire des seuls dirigeants. La différence viendra vraiment du déploiement de l’IA au niveau opérationnel », prédit Sylvain Duranton.

Cette formation ne pourra pas non plus être ponctuelle.

« La technologie évolue si vite qu’il faut aborder la formation comme un muscle qui permettra aux entreprises de former et d’actualiser régulièrement les connaissances de leurs employés et de leurs dirigeants », complète Vinciane Beauchene.

4 – Travailler la satisfaction employés

La productivité est une chose, mais la valeur de l’IA générative va bien au-delà – insiste par ailleurs l’experte. « D’autres considérations doivent être prises en compte [en particulier] la satisfaction des employés », au même titre que la satisfaction clients.

« Nous considérons le “joy index” comme un élément clé », explique Vinciane Beauchene. « Il a un impact massif sur l’adoption », explicite-t-elle. « Il doit être pris en compte dans le cadre du plan de gestion du changement ».

« Il ne s’agit pas d’une énième restructuration. Il s’agit de quelque chose de beaucoup plus positif pour les équipes. »
Sylvain DurantonBCG X

Sylvain Duranton insiste particulièrement sur ce facteur. « Peut-être que certains ironiseront sur ce point. Mais c’est un sujet très important ».

Pourquoi ? « Parce que la transformation, l’adaptation du modèle économique, l’adaptation du modèle opérationnel… toutes ces choses peuvent être perçues comme “une nouvelle vague de restructuration” [par les employés] ».

Or au contraire, l’IA générative est aussi, bien souvent, un vecteur de mieux-être. « Vous enlevez certaines tâches fastidieuses, elle rend le travail plus attrayant, moins répétitif », rappelle le directeur Monde.

Dans les projets où BCG X déploie de la Gen AI, le cabinet de conseils mesure systématiquement cet indicateur. « Des faits concrets montrent que [l’IA] apporte aussi de l’air frais et du bien-être. C’est pour cela que nous utilisons le mot “joie”. C’est une chose dont les dirigeants doivent être bien conscients. Un projet de Gen AI n’est pas une énième restructuration. C’est quelque chose de beaucoup plus fondamental, mais aussi de beaucoup plus positif pour les équipes et pour les clients ». Ou en tout cas, qui doit s’efforcer de l’être.

5 – Anticiper les besoins et les impacts

L’IA générative aura – et commence même déjà – à avoir un impact sur les compétences. D’une part, la Gen AI modifie les métiers. D’autre part, elle demande de nouveaux « skills » pour bien l’utiliser et bien la gérer.

« Envisager l’IA générative sans tenir compte de son impact sur l’ensemble des compétences est risqué », avertit Vinciane Beauchene. Idem pour son impact sur les données et sur le besoin de gouvernance.

L’avertissement semble déjà entendu. Deux tiers des dirigeants déclareraient ainsi déjà avoir conscience que l’IA générative nécessitera une réflexion approfondie sur ces sujets, dont en premier lieu celui sur les compétences.

Et aussi : ne regardez pas que dans votre jardin

En plus de ces conseils, Jeff Walters en ajoute un sixième en guise de conclusion.

« Certaines des transformations les plus innovantes se font en Inde et en Asie du Sud-Est. »
Jeff WaltersBCG X

Responsable de BCG X en APAC, il voit en effet des projets abordés sous des angles bien différents de ceux des Occidentaux en général, et des Européens en particulier.

Et il en tire une conclusion. « D’après notre expérience, certaines des transformations les plus innovantes (dans les banques, par exemple) se font en Inde et en Asie du Sud-Est. Ce ne sont plus forcément les grands noms très connus et qui ont des centaines d’années d’existence qui sont porteurs d’innovation ».

« Je vous conseillerais de ne pas vous contenter de regarder dans votre propre jardin pour trouver les meilleures pratiques. C’est une leçon que nous invitons souvent les entreprises et les pays du “Nord Global” à prendre en considération ».

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