peshkova - Fotolia
DSI : sept tendances clefs pour bien préparer 2021
Simplification des architectures cloud, plateformes de données pour rendre le Machine Learning possible, sécurisation du télétravail, avènement des technologies immersives, RPA « infusé » et softphony sont autant de tendances qui devraient marquer 2021. Tout comme le besoin pour l’IT d’être encore plus agile et rapide.
Quelles seront les tendances IT qui marqueront 2021 ? Selon plusieurs experts terrain (entreprises d’infogérance, ESN, etc.) et les analystes que nous avons croisés récemment, l’année qui s’annonce sera un savant mélange de technologies matures (mais pas forcément matures pour tout le monde) et d’accélération de technologies qui étaient jusqu’ici en devenir.
Les DSI peuvent en tout cas s’attendre à ce que les tendances importantes de 2020 se poursuivent, comme l’avènement du cloud computing. Un cloud qui, sous certaines conditions, devrait en 2021 ouvrir en grand la porte à l’Intelligence Artificielle (IA) et au Machine Learning (ML).
La cybersécurité devrait également jouer un rôle encore plus critique avec la banalisation du travail à distance (et la multiplication des points d’entrées dans le SI). Quant à l’automatisation robotisée des processus (RPA), initialement considérée comme un outil en soi, elle devrait être de plus en plus intégrée – ou « infusée » – dans les applications métiers. S’ajoutent à cette esquisse de 2021 la réalité virtuelle (et augmentée) et les plateformes low-code/no-code, sans oublier l’agilité.
Voici donc plus en détail les sept grandes tendances IT, glanées au fil des conférences du secteur, qui devraient marquer l’année 2021 des DSI du monde entier.
1. Simplification de la complexité du cloud
En 2020, les problèmes de coûts et de gestion ont pu ternir l’image du cloud chez les entreprises qui l’ont plus largement découvert dans une certaine précipitation. Le nombre de clouds différents (privés, publics, « hostés », voire sur site avec les appliances), le multicloud et le cloud hybride n’ont fait qu’ajouter aux maux de tête des DSI. On peut donc s’attendre à ce que cette complexité soit à la fois un problème et – avec ses projets pour la simplifier – une priorité au cœur de 2021.
Soixante et onze pour cent des professionnels de l’IT ont dû faire face à des « effets négatifs » liés au passage (trop) rapide au cloud de leurs organisations, selon une étude publiée par la société de services et d’infogérance canadienne Aptum Technologies. Les organisations seraient passées au cloud « trop vite et sans planification adéquate », constate Craig Tavares, responsable mondial du cloud chez Aptum.
« 2021 devrait être l’année où chacun commencera à normaliser une partie de son architecture et corriger les erreurs qu’il a commises en allant aussi vite », entrevoit David Linthicum, responsable de la stratégie cloud chez Deloitte. Sinon, « nous allons nous heurter au mur de la complexité ».
La multiplicité des technologies cloud entraîne également des coûts plus élevés et une efficacité moindre, fait-il remarquer. Des équipes au sein d’un même groupe peuvent maintenir des dizaines de projets cloud déconnectés les uns des autres, avec des outils de supervision, de monitoring et des plateformes de sécurité différents. Résultat : une redondance coûteuse et un risque de sécurité accru.
Les consultants et les ESN se préparent d’ores et déjà pour faire face à cette complexité. Deloitte, par exemple, propose un calculateur de coûts du (multi-)cloud pour aider ses clients à comprendre l’ampleur du problème. L’objectif est de créer une architecture plus rationalisée, avec des couches de gouvernance et de sécurité communes.
2. IA, Machine Learning et plateforme de données
Les organisations qui ont un cloud en ordre de marche devraient, elles, envisager encore plus sérieusement en 2021 de déployer des services au-dessus cette infrastructure.
« Le cloud est le moyen d’évoluer vers un meilleur environnement IT, ce qui leur permettra de faire des choses comme du machine learning et de l’Intelligence Artificielle », a récemment déclaré Paul Wilkinson, vice-président exécutif de 1901 Group, une ESN américaine. « Nos clients savent que le cloud est le catalyseur de la transformation ». Cette observation devrait s’appliquer à de nombreuses organisations, bien au-delà du marché américain, comme nous le faisait remarquer Franck Cohen (Workday) pour la France.
Pour commencer à utiliser l’IA et le machine learning, Paul Wilkinson pense que les organisations vont probablement utiliser plus massivement des services cloud natifs comme SageMaker d’AWS.
Des outils d’infrastructures « agnostiques » comme Terraform, Chef, Ansible ou Puppet, devraient également continuer à se populariser.
Shawn MillsLunavi
Pour Shawn Mills, PDG de Lunavi (une autre ESN), le futur proche de l’IT devrait effectivement passer par l’IA, le ML et les « smart apps ». Mais uniquement et seulement après que les organisations auront réussi à construire une plateforme de données solide.
« La plupart des gens ne sont pas encore prêts pour faire du ML », avertit-il. « Ils doivent encore déterminer de quelles données ils disposent, et quelles données ils peuvent se procurer pour les compléter ».
S’ajoute un autre problème : comment relier et unifier toutes ces données pour les rendre accessibles ? Pour Lunavi, la priorité au premier semestre 2021 sera de concevoir ces « data platforms » pour ses clients. Une bonne approche, conseille Shawn Mills, est de créer « un MVP (Minimum Viable Product) rapidement, pour en retirer de la valeur en un mois, et de ne pas de se lancer dans une énorme plateforme qui prendra deux ans à voir le jour ».
3. Étendre la cybersécurité au-delà des murs du bureau
L’augmentation considérable du travail à distance avec le COVID-19 a favorisé la croissance des services cloud, mais aussi la nécessité de les sécuriser. Les employés qui accèdent aux outils et aux applications cloud de collaboration ont repoussé les limites du réseau de l’entreprise jusqu’à leurs domiciles. Dans ce contexte nouveau, les organisations devront repenser leur cybersécurité en 2021 (si elles ne l’ont pas déjà fait).
Pour Ben Niernberg, vice-président de la société de services IT (basée à Chicago) MNJ Technologies, 80 à 90 % des discussions qu’il a avec ses clients tourneraient déjà, à un moment ou à un autre, autour de cette question de la sécurité étendue. Il conseille aux clients qui ont besoin de sécuriser le travail à distance de commencer par se poser cette question clef : « Comment sécuriser des données qui sont à la périphérie de mon réseau implique-t-il d’avoir une approche différente d’un gros pare-feu unique dans mon centre de données ? ».
Les organisations disposent de plusieurs options pour « étendre » leurs sécurités. L’une d’entre elles consiste à installer directement des technologies au domicile de l’employé : par exemple un outil de filtrage de contenus, une gateway sous forme d’appliance qui embarque un pare-feu, et une appliance SD-WAN compacte qui relie le bureau distant au bureau principal et à ses fonctions de sécurité.
Une autre option, continue Ben Niernberg, consiste à router le trafic vers et depuis les applications cloud en direction d’un cloud privé, ou une installation en colocation avec un pare-feu classique de centre de données. « Vous n’avez plus qu’à gérer un seul pare-feu contre 50 sinon », explique-t-il. « Ce backhauling rend le home office un peu plus facile à sécuriser ».
En tout état de cause, sécuriser les postes de travail distants sera un défi majeur de 2021.
4. Explorer les technologies immersives
La réalité augmentée et la réalité virtuelle (AR/VR) ont longtemps été vues comme des technologies de niche, un peu à part. Mais les choses changent. En 2021, elles pourraient bien aider les distributeurs et les organisateurs d’évènements divers à se réinventer dans un contexte où la COVID-19 réduit les interactions interpersonnelles physiques et les regroupements sociaux.
Une étude d’Accenture chiffre que 64 % des grandes marques de produits de consommation ont déjà commencé à investir dans la réalité virtuelle/augmentée, dans les contenus 3D et dans la vidéo à 360 degrés. Rori DuBoff, directrice générale de la stratégie et de l’innovation chez Accenture Interactive, s’est même dite surprise par ce fort pourcentage de marques qui investissent dans des technologies aussi immersives.
« Il y a une vraie une dynamique. Cela prend », constate-t-elle. « C’est une grande évolution en cours dans le secteur de la distribution ».
Le rapport d’Accenture cite comme exemples d’application des modèles en 3D sur les pages produits des distributeurs ou l’organisation de défilés virtuels. Certaines des technologies derrière ces expériences immersives ne viennent pas du monde B2B traditionnel, mais du jeu vidéo, comme les moteurs Unity ou Unreal Engine d’Epic Games. « Ces moteurs ont des applications bien au-delà du gaming aujourd’hui », confirme Rori DuBoff.
Gartner fait la même analyse. Dans sa traditionnelle liste de prévisions, publiée en octobre en amont de son Symposium annuel, Gartner cite les expériences immersives comme l’un des dix développements stratégiques de 2021. D’ici 2025, 40 % des entreprises qui proposent des « expériences physiques » augmenteront leurs résultats financiers en développant, en complément, des expériences virtuelles payantes, estime Daryl Plummer, vice-président et chef de la recherche du cabinet.
Par exemple, les entreprises spécialisées dans l’escalade ou le rafting « vous permettront de vivre une expérience de réalité virtuelle qui pourrait même rivaliser avec l’expérience physique », avance-t-il.
5. Accélération et « infusion » du RPA
Dans l’automatisation, le RPA devrait connaître une accélération encore plus forte en 2021. Gartner lui prédit en tout cas un taux de croissance de 19,5 %, avec un marché mondial qui avoisinera les 1,9 milliard de dollars. Cette croissance devrait se poursuivre au-delà des 10 % par an jusqu’en 2024, selon le cabinet d’analystes.
Fabrizio Biscotti, du Gartner, explique que la pandémie a suscité un sentiment d’urgence parmi les organisations qui envisageaient le RPA. Beaucoup de processus métiers « doivent être réimaginés très rapidement », estime-t-il. Or le RPA est devenu un des outils les plus importants pour y arriver.
« Je pense que nous assistons à une accélération de la concrétisation du RPA dans plusieurs secteurs », continue Fabrizio Biscotti qui pense à la banque, l’assurance, les services professionnels, les télécommunications ou certaines parties de l’industrie.
Parfaite illustration de cette accélération, au sein de l’ESN 1901 Group, le RPA joue aujourd’hui un rôle interne clef. « Nous nous appuyons sur cette technologie pour automatiser la manière dont nous fournissons des services managés à nos clients », explique Paul Wilkinson, son vice-président exécutif. Le RPA lui permet par exemple d’extraire automatiquement des données de différentes plateformes cloud pour établir des rapports sur le provisioning et l’utilisation réelle des ressources.
Mais le RPA est aussi de plus en plus souvent intégré au cœur des plateformes comme ServiceNow. Cette « infusion du RPA » – comme on a parlé d’une « IA infusée » dans les applications – devrait être de plus en plus courante en 2021.
« Tout comme le machine learning, le RPA va devenir une capacité encapsulée à l’intérieur de plus en plus de plateformes », avance le rapport de Forrester « Predictions 2021: Automation ». En 2021, Forrester établit que le RPA sera disponible dans presque deux cents « logiciels de solutions de transformation de workflows », en plus des bots des pure players à déployer par ses propres moyens, comme ceux d’Automation Anywhere, de Blue Prism ou de UiPath.
6. Le télétravail appelle la Softphony, la communication unifiée et le VDI
On a tendance à l’oublier, mais la téléphonie de beaucoup d’entreprises repose encore sur d’anciens PBX, des outils qui ne sont pas vraiment adaptés pour un mode de communication à distance. En 2021, le passage à la voix sur IP (VoIP) et à la softphony devraient donc être une tendance de fond (comme en 2020 d’ailleurs).
« La VoIP est encore un énorme marché inexploité », assure Robin Chow, PDG de la société de services IT Xbase Technologies. Pour Robin Chow, qui s’exprimait publiquement lors la conférence MSPAlliance, le passage à la VoIP en mode cloud « sera un énorme bond en avant » pour les clients qui ont besoin de moderniser leur téléphonie.
« Nous avons constaté un grand intérêt pour les offres de type téléphonie cloud », confirme Luca Jacobellis, président et directeur de l’exploitation d’1Path, un autre prestataire de services IT. Les entreprises seraient train de se débarrasser de leurs anciens PBX, dit-il, du fait que ces systèmes qui géraient la téléphonie des bureaux de l’entreprise ne sont pas à même de s’adapter au télétravail. Une problématique qu’avait rencontrée la Région Occitanie qui a réussi à gérer le défi en amont en passant à la softphony cloud.
Ben Niernberg (MNJ Technologies) confirme : les PBX sont plus difficiles à gérer et ne sont pas aussi flexibles que les offres cloud.
La VoIP et la softphony (c’est-à-dire les outils pour gérer la téléphonie via un logiciel, à l’instar de Zoom Phone, de 8x8, de RingCentral ou en France de Rainbow d’Alcatel-Lucent Entreprise), s’inscrivent dans le contexte plus large de la « communication unifiée » (UC) qui regroupe dans un même « hub » la gestion des présences, la messagerie instantanée, la visioconférence, la téléphonie, les fils de discussions voire le partage de documents.
La communication unifiée, encore plus en mode cloud (UCaaS), devrait continuer à être portée par une forte demande en 2021 au regard des besoins des entreprises en termes de travail à distance et donc de technologies pour le rendre possible, gérable et productif.
« L’avènement du télétravail est une chose que les organisations vont commencer à intégrer comme étant une nouvelle forme de normalité, et cela peut-être pour toujours », renchérit Jeff Ton, Strategic Advisor chez l’ESN InterVision.
Pour lui, 2021 sera aussi l’année où de nombreux DSI vont très sérieusement passer en revue la totalité de leur outillage IT pour la collaboration, à commencer par le UCaaS, les applications SaaS en général (plus simples d’accès que les applications métiers sur site) et surtout le VDI. « Le télétravail appelle de toutes ses forces le VDI », résume Jeff Ton dans une formule.
7. Déployer les technologies plus rapidement et de manière agile.
On le voit, la pandémie devrait encore fortement influencer les choix technologiques en 2021. Mais elle influencera aussi la manière dont les organisations les déploieront.
Les organisations seraient en effet passées en « mode pandémique », comme l’appelle Jeff Ton. Ce « mode » implique une prise de décision plus rapide, une plus grande réactivité de la part de l’IT et une réduction des processus longs et trop onéreux, liste-t-il.
« C’est une manière de faire les choses beaucoup plus rapidement que ce que la plupart des entreprises et des éditeurs (et des fournisseurs de services IT) avaient l’habitude de faire jusque-là », continue-t-il. Entrées dans ce « mode », beaucoup d’organisations vont devoir passer à des méthodologies agiles (ou encore plus agiles) pour accompagner le rythme élevé du changement de la transformation digitale imposé par le contexte.
Jeff Ton n’est pas le seul à voir la vitesse comme un point clef de 2021. Shawn Mills (de Lunavi) va dans le même sens. Pour lui, « les gens essayent vraiment de créer de la valeur ici et tout de suite », explique-t-il. « L’approche waterfall classique, et attendre entre six à douze mois, c’est devenu inacceptable ».
7bis. Le low-code/no-code
Les technologies qui permettent cette accélération devraient également et logiquement connaître une forte demande en 2021. En premier lieu : le low-code (et le no-code) devraient, selon Forrester, véritablement décoller. Le cabinet d’analyste a d’ailleurs déjà constaté un très fort frémissement de ces outils de prototypage d’applications et de démocratisation du développement (pour les « citizen developers ») en 2020 ; les organisations essayant de réagir plus rapidement à la volatilité du contexte dans lequel elles évoluent.
« Pendant la pandémie, de nombreuses organisations ont adopté ces plateformes pour créer et déployer rapidement de nouvelles applications », écrit Jeffrey Hammond, vice-président et analyste principal chez Forrester, dans un article de blog. Pour lui, en 2021, « ces expériences pousseront à l’adoption encore plus large du low-code/no-code ».
Et vous ? Quelles autres tendances anticipez-vous pour 2021 ?